C’est un monstre. Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) est le plus grand fabricant sous contrat de semi-conducteurs au monde. Ces derniers sont présents au seinles iPhones d’Apple ainsi que les équipements d’intelligence artificielle (IA) de pointe de Nvidia. Le géant, qui a vu son bénéfice bondir de plus de 50% au troisième trimestre, doit faire face à un problème. Le 11 octobre, il découvre que des puces fabriquées pour « client spécifique » se sont retrouvés… chez le géant chinois de la technologie Huawei. Un incident rapporté à l’AFP par un responsable taïwanais sous couvert d’anonymat.
Selon les informations de Bloomberg publiées mardi, la société de recherche canadienne TechInsights a découvert un processeur avancé, fabriqué par TSMC, à l’intérieur de la dernière puce IA de Huawei.
De son côté, l’entreprise chinoise n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP. Elle a dit à Bloomberg qu’elle n’avait pas « ne produit aucune puce via TSMC après la mise en œuvre des modifications apportées par le ministère américain du Commerce » à ses restrictions commerciales.
Les autorités américaines informées
Après la découverte de l’incident, le taïwanais TSMC « a immédiatement activé ses procédures de contrôle des exportations »interrompre les livraisons au client et avertir les autorités américaines et taïwanaises.
Dans un communiqué publié mercredi, TSMC a déclaré qu’il s’agissait d’un « entreprise respectueuse des lois » et n’ayant pas effectué de livraisons à Huawei depuis la mi-septembre 2020, conformément aux contrôles à l’exportation en vigueur.
« Nous avons communiqué de manière proactive avec le ministère américain du Commerce » à ce sujet, a déclaré TSMC. Le groupe précise qu’il n’a aucune connaissance « d’une enquête en cours » contre lui.
Le ministère taïwanais de l’Économie a indiqué ce jeudi que TSMC l’avait informé de l’incident, sans identifier le client en question. « Ils avaient déjà une relation et un contrat en place, il s’agit donc d’un ancien client », a-t-il précisé. L’entreprise était en effet client de TSMC avant 2020, date d’entrée en vigueur des mesures de contrôle des exportations, pour les entreprises et « Aucune livraison n’a été effectuée depuis le 11 octobre » à ce client, note le ministère.
Guerre commerciale et technologique
Si cette découverte pose problème à TSMC, c’est parce que Huawei, premier fabricant mondial d’équipements de réseaux internet mobile 5G, est au cœur d’une guerre technologique entre Pékin et Washington. Depuis 2019, les États-Unis imposent des sanctions contre le groupe, qui ont été élargies l’année suivante. Les Américains craignent que la technologie Huawei ne soit utilisée par Pékin à des fins d’espionnage. Les sanctions imposées visent à bloquer l’accès de Huawei aux composants et technologies en provenance des États-Unis, essentiels pour fabriquer des équipements liés à l’IA.
Pour Taïwan, cette découverte de puces au sein d’une entreprise chinoise n’a pas le meilleur effet sur son allié américain qui joue le rôle de « protecteur » de l’île face à la Chine. D’autant que Pékin maintient la pression en mer de Chine : Taïwan a détecté pas moins de 153 avions chinois à proximité de ses côtes le 14 octobre.
Pour rappel, lee différend entre Pékin et Taipei remonte à la longue guerre civile qui opposa les combattants communistes menés par Mao Tsé-toung aux forces nationalistes de Chiang Kai-shek. Vaincus par les communistes, qui fondèrent la République populaire de Chine le 1er octobre 1949, les nationalistes se réfugièrent avec de nombreux civils à Taiwan.
Pékin vise l’autosuffisance en matière de puces
En réponse aux restrictions américaines sur les exportations, Pékin a relancé ses efforts pour atteindre l’autosuffisance en puces, injectant des milliards de dollars dans le secteur. Mais l’année dernière, Huawei a dévoilé un nouveau smartphone hautes performances, le Mate 60 Pro, équipé d’une puce qui, selon les experts, serait impossible à produire sans technologies étrangères, remettant en question l’efficacité des tentatives visant à freiner le progrès technologique de la Chine. Malgré ces interrogations sur l’origine des puces, Huawei ambitionne toujours de retrouver une place de choix sur le marché mondial des smartphones.
(Avec l’AFP)