« Trump et JD Vance veulent spatialiser et racialiser le conflit de classe, en surfant sur le ressentiment des classes ouvrières blanches »
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« Trump et JD Vance veulent spatialiser et racialiser le conflit de classe, en surfant sur le ressentiment des classes ouvrières blanches »

« Trump et JD Vance veulent spatialiser et racialiser le conflit de classe, en surfant sur le ressentiment des classes ouvrières blanches »

CONTRECes dernières semaines ont décidément été riches en rebondissements dans la course à la Maison Blanche. La tentative d’assassinat de Donald Trump et le retrait de Joe Biden au profit de Kamala Harris ont quelque peu éclipsé l’annonce de la nomination de JD Vance comme colistier du candidat républicain.

Malgré ses récents revers, ce dernier constitue un élément central du système visant à renouveler la stratégie victorieuse de 2016 : spatialiser, mais aussi racialiser le conflit de classe, en capitalisant sur le ressentiment des classes populaires blanches vivant dans des territoires délaissés.

Avant d’être élu au Sénat de l’Ohio en 2022, l’avocat et investisseur en capital-risque d’un comté rural de l’Ohio s’était fait un nom en tant qu’auteur du livre à succès Hillbilly Elegy : Mémoires d’une famille et d’une culture en crise (Harper). Dans cet essai autobiographique à mi-chemin entre Retour à Reims, de Didier Eribon (Fayard, 2009), et France périphérique, de Christophe Guilluy (Flammarion, 2014), il raconte son ascension sociale depuis son enfance dans les Appalaches jusqu’à la prestigieuse faculté de droit de Yale.

Valeurs traditionnelles d’ordre et de travail

Ce récit conventionnel d’un transfuge de classe lui permet de réaffirmer l’argument néoconservateur classique sur la nécessité de restaurer les valeurs traditionnelles d’ordre et de travail afin d’échapper à la « culture de la pauvreté ». Néanmoins, elle lui offre surtout l’occasion de décrire longuement l’affaiblissement de la classe ouvrière et d’en tirer un argument central : l’écart avec l’élite n’est plus seulement social et culturel, comme on l’entend généralement, mais il est aussi, et de plus en plus, géographique.

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L’ouvrage donne ainsi une résonance nationale au basculement progressiste du débat sur les inégalités territoriales aux États-Unis : celui-ci passe progressivement d’une lecture centrée sur les problèmes des minorités ethniques vivant dans les centres urbains à une autre construite sur l’affaiblissement des communautés rurales ouvrières blanches. Aux métropoles cosmopolites dynamiques, prospères et d’autant plus facilement progressistes qui apparaissent comme les gagnantes de la mondialisation s’oppose un arrière-pays blanc en déclin, appauvri et de plus en plus amer à mesure que ses habitants comprennent qu’ils sont les grands perdants.

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Cette vision fait écho à la nouvelle stratégie électorale du Parti républicain qui consiste à surinvestir dans États indécis des États américains délaissés, comme le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin et l’Ohio. Ces États constituent le cœur de la « ceinture de rouille » (Ceinture rouillée), ce bastion industriel détruit par un demi-siècle de libéralisation et de mondialisation. Globalement, ces États présentent une structure de vote duale, entre de grandes villes en déclin largement peuplées de populations racialisées qui votent démocrate (Détroit, Cleveland, Milwaukee, etc.) et des comtés suburbains et blancs plus ou moins prospères, plus susceptibles de se tourner vers le candidat républicain. C’est le cas par exemple de Butler, une petite ville ouvrière blanche en déclin à l’extrême périphérie de Philadelphie où Trump a été abattu lors d’un meeting.

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