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« Trump est le seul modèle dans le monde occidental à avoir, après un long processus, installé le débat politique dans l’ère des rationalités parallèles »

jeIl y a près de trente ans, le Parti républicain américain avait déjà son candidat populiste aux primaires de l’élection présidentielle de 1996. Fauteur de troubles et provocateur, Pat Buchanan a semé la panique parmi les élites conservatrices. La colère du peuple était telle, menaça-t-il, que « les seigneurs de Washington » devraient se barricader dans leurs châteaux pour s’échapper « aux hordes de paysans dévalant les collines avec des fourches à la main ».

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L’image des fourches et l’idée de vengeance populaire qu’elle véhicule étaient considérées à l’époque comme la transgression suprême. Buchanan, battu par le respectable sénateur républicain Bob Dole, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, n’a pas dépassé le stade des primaires. « Buchananismerésume l’un de ses rivaux, c’est la colère et la révolte. C’est de l’amertume et de la division. C’est bon pour les émissions de télévision, pas pour le Bureau Ovale. » Le démocrate Bill Clinton a été confortablement réélu président et Washington est retourné à ses affaires.

Personne ne se souvient plus de Pat Buchanan. Il fut pourtant l’un, avec Newt Gingrich puis Sarah Palin, puis le Tea Party, des précurseurs de ce populisme de droite américain dont Donald Trump a fini par triompher. Avant l’ère des réseaux sociaux, les émissions de radio comme celle du polémiste Rush Limbaugh servaient de relais. Déjà, en 1995, le mouvement Promise Keepers rassemblait 60 000 hommes – exclusivement des hommes – dans des stades pour exorciser le mal-être du mâle américain. La même année, l’attentat à la bombe contre un bâtiment fédéral à Oklahoma City (168 morts) révèle l’activisme des réseaux suprémacistes blancs ; son auteur, Timothy McVeigh, a été arrêté, jugé puis exécuté en juin 2001. Mais un terrorisme poursuit l’autre. Trois mois plus tard, les attentats du 11 septembre et leurs 3 000 les décès ont fait oublier McVeigh.

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Donald Trump n’a rien oublié. En mars 2023, il a tenu une grande réunion à Waco. Cette ville du Texas n’a pas été choisie au hasard : trente ans plus tôt exactement, elle avait été le théâtre d’un affrontement entre une secte armée et les forces fédérales, qui avait fait plus de 80 morts. Waco est devenu un symbole de l’extrême droite. En 2023, Trump glorifie les insurgés du Capitole emprisonnés depuis l’assaut du 6 janvier 2021 et promet de débarrasser le pays « des voyous et des criminels qui corrompent notre système judiciaire ».

Multiplication des excès

Les signes avant-coureurs de la révolution trumpiste étaient donc là. Depuis, ils ont porté leurs fruits. Le tour de force de Donald Trump est de les avoir récoltés en imposant un discours politique qui non seulement ne s’appuie plus sur les faits, mais qui, dans la forme, dépasse complètement le cadre de la raison communément admise. En ce sens, il a brisé les codes que respectaient les précurseurs. Plus encore dans ce troisième combat présidentiel qu’en 2016 et 2020, il multiplie les dérives, au point de soulever des questions sur sa santé mentale.

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Cammile Bussière

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