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Trump cible la Chine ? L’Inde veut récupérer la mise

Trump cible la Chine ? L’Inde veut récupérer la mise

Si la possibilité que l’administration Trump impose des droits de douane importants sur les produits chinois fait trembler le monde, certains pays asiatiques se disputent déjà des parts de marché que Pékin pourrait perdre.

Dans la région industrielle du Gujarat, au nord-ouest de l’Inde, certains secteurs économiques sont même en fête depuis l’élection de Donald Trump le 6 novembre. La région est en effet productrice de produits chimiques, dont les principaux clients sont déjà les États-Unis. .

Déménager de la Chine vers le reste de l’Asie

Ankit Patel, président de Chemexcil, la plus grande entreprise du secteur, a déclaré à Temps de l’Inde :

«Nous pensons que l’administration Trump évitera les importations en provenance de Chine, ce qui profitera grandement à l’industrie chimique du Gujarat. Nous espérons également davantage de transferts de technologie de la part des entreprises américaines, ce qui nous aidera à accroître notre part dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. »

Il a de bonnes raisons d’espérer des résultats pour son pays. Un rapport de CareEdge suggère que l’Inde pourrait bénéficier de changements potentiels si Trump met en œuvre son plan. Pas de surprise pour Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l’IRIS, qui estime que « Les États-Unis sont le seul partenaire qui compte pour l’Inde. »

De nombreuses entreprises chinoises, ou établies en Chine, et qui commercent avec les États-Unis, ont déjà commencé à prospecter une délocalisation en Asie. Selon les renseignements du FDI, au cours des deux dernières années, l’Inde a attiré 55 milliards de dollars de capitaux des pays de l’OCDE pour des projets d’usines sur son sol, tandis que Pékin n’a capté que 21 milliards de dollars sur la même période. Ces investissements ont considérablement stimulé la croissance indienne, dépassant même celle de la Chine pour la première fois au XXIe siècle.

Une occasion manquée en 2018

Cependant, malgré tous ces signaux faibles, potentiellement précurseurs de croissance et de réussite pour l’Inde, les yeux du monde ne sont pas tournés vers New Delhi. Certains pensent même que l’Inde a déjà raté le coche.

Selon un rapport d’Oxford Economics publié en octobre, le sous-continent indien n’a pas pu bénéficier de la précédente augmentation des droits de douane sur la Chine, lors du premier mandat de Trump. Ces droits de douane étaient cependant appliqués à un ensemble de produits chinois qui constituaient 98% des exportations mondiales de l’Inde…

Pire encore, les quelques gains de production réalisés ne se sont pas traduits par une augmentation de la valeur ajoutée nationale.

« L’Inde n’avait aucune offre à faire pour supplanter la Chine », constate Jean-Joseph Boillot.

Malgré leurs deux puissantes données démographiques, les géants asiatiques sont très différents et leurs modèles économiques ne sont pas interchangeables. Grâce à une classe moyenne croissante, la Chine a entamé une transition vers une société de services, rompant avec l’image d’usine du monde. De son côté, l’Inde entretient une économie agricole, loin de l’image de villes denses véhiculée par l’imaginaire collectif.

Les politiques publiques, menées notamment par Narendra Modi, tentent d’influencer la part de l’agriculture dans l’économie en faveur d’une industrie plus forte, suivant les conseils du Premier ministre singapourien Lee Kuan Yew. : « Depuis la révolution industrielle, aucun pays n’est devenu une grande économie sans devenir une puissance industrielle. »

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Mais la population instruite de l’Inde se tourne vers le secteur informatique, tandis que la population non instruite préfère le secteur de la « sécurité foncière » et de l’agriculture. De plus, la main d’œuvre indienne – faute d’éducation – est particulièrement improductive, ce qui freine grandement le développement économique.

Concurrence des pays d’Asie du Sud-Est

Dans cette course à l’industrialisation, l’Inde peut compter sur un atout majeur : une main d’œuvre bon marché. Au cours des dix dernières années, le salaire moyen en Chine a plus que doublé alors qu’il stagnait en Inde. Pourtant, malgré cet avantage concurrentiel, l’Inde continue de passer à côté d’opportunités de marché.

«Si la compétitivité reposait uniquement sur les coûts salariaux, la Suisse aurait sombré», observe Jean-Joseph Boillot.

Les pays d’Asie du Sud-Est, qui misent eux aussi sur une main-d’œuvre abordable, attirent toujours plus de projets industriels. Selon Reuters, pendant la campagne de Donald Trump, les appels de clients chinois ont inondé le groupe WHA, l’un des plus grands promoteurs de zones industrielles en Thaïlande.

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De même, selon Oxford Economics, lors du premier mandat de Trump et de la première application de droits de douane sur la Chine, les pertes chinoises ont été largement compensées par le Vietnam qui a pris 10 % de part de marché.

A la fois en concurrence avec ses petits voisins d’Asie du Sud-Est et cherchant à contrer l’hégémonie industrielle de Pékin, New Delhi se trouve à un tournant économique. Sa part dans le commerce mondial est en tous points similaire à celle de la Chine en 1989, juste avant son explosion de croissance. Une baisse des exportations chinoises vers les États-Unis pourrait donc représenter l’opportunité tant attendue d’accélérer le projet d’industrialisation et de donner au géant la place sur la scène internationale qu’il attend depuis plusieurs décennies.

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Il n’en reste pas moins que le protectionnisme de Donald Trump pourrait s’attaquer à l’Asie dans son ensemble et non à la Chine en particulier. C’est en tout cas l’intuition de Jean-Joseph Boillot, pour qui «La cible de Trump, c’est le reste du monde. Son élection n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’Inde. »

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