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Trop banal, trop cher… Le sushi est-il vraiment fini en France ?

Trop banal, trop cher… Le sushi est-il vraiment fini en France ?

Il fut un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, où proposer de manger des sushis était le summum de l’exotisme culinaire, une invitation au voyage et un repas à noter dans le calendrier des fifous de l’année. Aujourd’hui, une telle proposition ne fait plus sourciller le moindre sourcil, et même si le plat japonais conserve visiblement son lot d’admirateurs, il semble avoir perdu de sa fraîcheur.

Le produit « souffre de banalisation », diagnostique Nicolas Nouchi, directeur des études Strateg’eat, étude à l’appui*. Après des années à figurer dans le top 3 des snacks préférés des Français, le sushi a quitté le Top 10 en 2024. Il était déjà tombé à la 7ème place en 2023. Selon l’étude, seuls 15% des Français ont mangé du sushi, à des années lumières. du nouveau podium. Pizza (49% des consommateurs et solide première place), burgers (34%), kebabs (29%). Même les salades (24 %), les paninis (21 %) ou les crêpes fourrées (20 %) les ont précédés.

Compétition nationale et asiatique

« Les sushis finissent par être redondants et peu innovants, explique le directeur des études. On retrouve plus de couleurs, de personnalisation possible, de dynamisme dans d’autres plats, pour un prix souvent moins cher. Victime de son succès, le sushi ne surprend plus. Et fait face à une concurrence accrue.

Rien que dans la cuisine japonaise, le rouleau de riz et de poisson ne représente plus LE plat national dans l’imaginaire français. « Aujourd’hui, les udon (nouilles), le sando et surtout les ramen attirent d’autres clients et semblent plus authentiques », liste Nicolas Nouchi. De nombreux restaurants de sushi ne sont pas tenus par des Japonais, le client sait que la plupart des recettes proposées en France n’existent pas là-bas et la pop culture vante les autres aliments. Naruto, Goku, Luffy et d’autres héros de manga apprécient les ramen, pas les makis.

Le prix, toujours le prix

Au-delà même du Japon, « il y a une explosion et une diffusion de la cuisine asiatique », énumère Marie-Eve Laporte, enseignante-chercheuse à l’université Paris-Saclay et spécialiste de l’évolution des comportements alimentaires : poulet frit ou barbecue coréen, bao chinois, pad thaï. thai… « Les sushis ne représentent plus le plat asiatique ou exotique par excellence ». Un concours d’autant plus solide qu’il « a les mêmes vertus associées : saines, exotiques, originales. Pendant un temps, les sushis avaient la réputation d’être bien meilleurs sur le plan nutritionnel que les autres fast-foods, une sorte d’alternative en bonne santé des hamburgers ou des pizzas.  » L’expert en rajoute une couche au portefeuille : « Ces alternatives aux sushis sont souvent moins chères… »

Le prix, justement, allons-y. Le sushi est le produit de restauration rapide le plus cher, avec un prix moyen de 21 euros par repas, selon Bernard Boutboul, président de la société Gira, spécialiste de la restauration hors domicile. « C’est deux fois ce que les consommateurs dépensent pour un burger, une fois et demie pour une pizza et 2,3 fois pour un kebab », énumère le spécialiste.

«Je le compare davantage à un restaurant maintenant»

Au point que les sushis ne rivalisent plus vraiment dans la même ligue. « Le voir disparaître du top 10 des snacks montre juste que les Français ne le considèrent plus comme un snack – à juste titre – mais pas que le produit est fini », estime Bernard Boutboul. C’est sûr qu’à plus de 20 boules, on est loin d’un repas sur le pouce. « Le sushi monte en gamme et c’est comme ça qu’il va survivre. Ce n’est pas un produit de masse, il s’adresse à une clientèle aisée en quête de qualité. Riz très bien cuit, saumon élite… »

Si la baisse attendue de la consommation de sushis sera de 5 à 7% en 2024 en France, selon une étude du cabinet Businesscoot, le chiffre d’affaires du secteur reste tout de même à 728 millions d’euros, ce qui fait de notre pays le plus gros consommateur européen. « Vous avez fini les sushis ? » Non, mais c’est devenu plus rare. Maintenant, je compare cela plus à une sortie au restaurant, très bon mais très cher, qu’à un fast food », constate Emile, un Parisien de 31 ans rencontré avec sa bande dans la file d’attente d’un restaurant japonais.

Une évolution plutôt qu’une disparition

La sortie hebdomadaire d’Emile est devenue mensuelle, « mais le goût et les saveurs ne sont pas les mêmes non plus », se défend-il. Même le décor a changé : « Les sushis, c’est soit à la maison, soit dans un restaurant chic. »

Marie-Eve Laporte plussoie : « Les prix ont pas mal augmenté pour les sushis, et si on veut retrouver les soi-disant vertus du plat – l’aspect japonais, les bonnes valeurs nutritionnelles…, il faut le payer encore plus cher. » Pour Bernard Boutboul, « c’est la meilleure chose qui puisse arriver à un produit. Premiumiser, monter en gamme. En bon héros de manga, le sushi n’est pas mort. Il vient de se transformer en une meilleure version de lui-même.

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