Trois tortionnaires syriens jugés à Paris, une première en France
C’est en l’absence des trois accusés que s’est ouvert, mardi 21 mai au matin, le procès de trois hauts responsables des services de sécurité syriens pour la disparition forcée, les tortures et la mort de Mazzen et Patrick Abdelkader Dabbagh, un père et son fils, tous deux franco-syriens. Malgré une case vide, ce procès est doublement historique. Elle est la première à prendre position en France sur les innombrables exactions commises par le régime syrien au cours de la longue guerre civile qui a débuté après le déclenchement du « Printemps arabe » en mars 2011. Elle est la première, toutes juridictions confondues, à cibler de tels hauts responsables. cadres du système répressif du régime de Bachar Al-Assad.
Visés par des mandats d’arrêt internationaux, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ancien directeur du très redouté service de renseignement de l’armée de l’air, et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur du département d’investigations de ce service, sont jugés pour « complicité de crimes contre l’humanité » – en l’occurrence « l’emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, la torture, les disparitions forcées et les atteintes volontaires à la vie » – ainsi que la « complicité de crimes de guerre » – en l’occurrence « l’extorsion et la dissimulation de extorsion de biens » − sur les personnes de Mazzen et Patrick Abdelkader Dabbagh.
En raison de l’absence des accusés, qui n’ont même pas désigné d’avocats, la cour d’assises est composée de trois magistrats professionnels, sans jurés. Prévue sur quatre jours, l’audience sera filmée dans le cadre de la conservation des archives historiques de la justice. Et, pour la première fois à la cour d’assises de Paris, une interprétation arabe est proposée au public.
Le sort du père et de son fils est celui qu’ont connu des dizaines de milliers de Syriens lors de la répression du soulèvement de 2011. Ils ont été arrêtés les 3 et 4 novembre 2013 à leur domicile dans la capitale syrienne : d’abord le fils, Patrick Abdelkader, né en 1993 et étudiant en psychologie à l’université de Damas, puis le père, Mazzen, né en 1959 et directeur de l’enseignement. conseiller à l’Ecole française de Damas, tous deux de nationalité française par la mère de Mazzen, Christiane.
La famille n’a jamais retrouvé les corps
Selon Wissal Naser, beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché quelques jours plus tard, les deux hommes ont été emmenés à la branche Mezzeh – un quartier de Damas – du service de renseignement de l’armée de aérienne, située dans l’ancien aéroport de la capitale syrienne, transformé en base militaire. Selon de nombreux témoignages, ce centre est l’un des pires lieux de torture du régime. Plusieurs milliers de détenus, au moins 15 000, y sont incarcérés dans des conditions inhumaines, parfois plus de 80 dans des cellules conçues pour moins de 10 personnes.
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