trois questions sur le nouveau projet de loi américain qui menace d’interdire le réseau social aux Etats-Unis
S’il entre en vigueur, le texte voté samedi par la Chambre des représentants obligera ByteDance, la maison mère chinoise de TikTok, à vendre l’application d’ici quelques mois.
Les autorités américaines lancent un ultimatum à TikTok. Parallèlement au vote d’un plan d’aide à l’Ukraine, à Israël et à Taiwan, voté samedi 20 avril par la Chambre des représentants. favorable à l’interdiction du réseau social chinois aux Etats-Unis, si ces derniers ne coupent pas les liens avec sa maison mère ByteDance, et plus largement avec la Chine. La mesure a été ajoutée au plan d’aide dans l’espoir de faciliter son adoption par les deux chambres du Congrès, après qu’un texte similaire adopté à la mi-mars par les représentants soit resté dans les limbes parlementaires. Franceinfo revient sur cette décision en trois questions.
Quelle est la mesure envisagée ?
Le projet de loi pourrait conduire à l’interdiction de TikTok, une plateforme de vidéos courtes et divertissantes très appréciée du jeune public. Le texte doit encore passer le stade du Sénat et être promulgué par Joe Biden, mais le président américain s’est déjà dit favorable à la mesure.
S’il entre en vigueur, le texte obligera ByteDance, la maison mère chinoise de TikTok, à vendre l’application d’ici quelques mois. Mais Pékin ne souhaite pas un tel précédent, affirment les experts interrogés par l’AFP. « Ce genre de menace, c’est comme du vol »explique Mei Xinyu, économiste basée à Pékin. Un refus de ByteDance de se conformer à la loi entraînera l’exclusion de l’application des magasins d’applications d’Apple et de Google aux États-Unis.
Même si la maison mère est d’accord, il faudra aussi trouver un repreneur. L’ancien secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a déclaré vouloir réunir un groupe d’investisseurs pour racheter le réseau social. LE le journal Wall Street avait également rapporté en mars que l’ancien patron de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard, Bobby Kotick, avait manifesté son intérêt.
La valeur de TikTok est difficile à estimer, surtout dans le cas d’une vente forcée. En 2020, ByteDance avait fixé son prix à 60 milliards de dollars (56 milliards d’euros) alors que le gouvernement de Donald Trump voulait forcer le groupe à se séparer, avait alors souligné l’agence Bloomberg.
Pourquoi les États-Unis veulent-ils interdire TikTok ?
De nombreux politiques estiment que la plateforme permet à Pékin d’espionner ses 170 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis. Ils s’inquiètent également de la capacité de la plateforme, Remarqué pour son potentiel addictif, mener des activités de propagande. L’entreprise a nié à plusieurs reprises avoir transmis des informations aux autorités chinoises et a assuré qu’elle refuserait toute éventuelle demande à cet égard.
TikTok se présente comme une filiale distincte de sa société mère, à laquelle elle n’a aucun lien. « aucune affiliation »affirmait un de ses dirigeants devant le Sénat américain en 2021. Surtout, l’entreprise affirme avoir dépensé 1,5 milliard de dollars (1,38 milliard d’euros) pour son « Texas Project », le stockage aux Etats-Unis des données des utilisateurs américains.
Ces arguments n’ont pas convaincu de nombreux parlementaires et agences de sécurité américains. Le projet de loi « vise à résoudre les problèmes légitimes de sécurité nationale et de protection des données liés à la relation du Parti communiste chinois avec un réseau social »expliquait en mars le leader des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries. « TikTok est un cheval de Troie moderne du Parti communiste chinois utilisé pour surveiller les Américains », a également accusé l’élu républicain Michael McCaul. Plusieurs États américains et le gouvernement fédéral ont déjà interdit l’utilisation de l’application sur les appareils officiels des fonctionnaires, invoquant des risques pour la sécurité nationale.
L’algorithme fournissant un contenu adapté aux utilisateurs est au cœur du débat. En analysant les données des utilisateurs, il a contribué au succès stratosphérique de TikTok depuis le lancement international de l’application en 2017. TikTok assure que grâce à son « Project Texas », son algorithme de recommandation pour les utilisateurs américains est stocké avec leurs données dans des serveurs Oracle aux États-Unis. . Mais en janvier, le le journal Wall Street a affirmé que les employés de ByteDance en Chine mettaient à jour l’algorithme si souvent que le « Projet Texas » ne pouvait pas suivre le rythme. D’autres réseaux sociaux proposent du contenu personnalisé grâce à des algorithmes examinant les données des utilisateurs, mais avec moins de succès.
Les preuves suggèrent que les employés chinois ont eu accès aux données des citoyens américains dans le passé. En 2022, ByteDance avait reconnu que quatre de ses employés, dont deux basés en Chine, avaient accédé à des informations sur des utilisateurs américains, dont deux journalistes. L’entreprise affirme avoir licencié trois de ces employés, le dernier ayant démissionné, selon le New York Times.
Que dénoncent les opposants au projet de loi ?
Interdire TikTok « violerait la liberté d’expression » de 170 millions d’Américains, le réseau social a vivement protesté samedi. Dans un email envoyé à l’AFP, un porte-parole de la plateforme ajoute que le projet de loi d’interdiction « dévasterait 7 millions d’entreprises et fermerait une plateforme qui contribue à hauteur de 24 milliards de dollars par an à l’économie américaine ».
La Chine dénoncée en mars « méthodes de voyous » concernant le projet de loi précédent. «Si un soi-disant prétexte de sécurité nationale peut être utilisé pour exclure arbitrairement des entreprises prospères d’autres pays, alors il n’y a plus d’équité ni de justice.»avait fustigé un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Aux Etats-Unis, certains influenceurs se sont également mobilisés en mars. « Il y a une vraie possibilité que ça soit interdit, c’est fou »Nathan Espinoza (@beowulftiktok), qui compte près de 340 000 abonnés sur la plateforme, l’a déclaré à l’AFP en mars. « Ils affirment que TikTok est contrôlé par un pays étranger, mais ils n’en ont fourni aucune preuve. »
Le patron de X, Elon Musk, s’est également prononcé contre cette interdiction au nom du « liberté d’expression ». Dans les commentaires sous le post du milliardaire, les utilisateurs du réseau social ont également exprimé leur crainte qu’une interdiction de TikTok ne crée un précédent, car la loi donnerait au président américain le pouvoir de désigner d’autres applications comme menaces à la sécurité nationale.
De son côté, Donald Trump a changé d’avis en se disant opposé à une interdiction, après avoir tenté d’arracher le contrôle de TikTok à ByteDance en 2020, avant d’en être empêché par la justice américaine. L’ancien président américain estime désormais qu’une interdiction renforcerait Meta, le propriétaire d’Instagram et de Facebook, qu’il a appelé« ennemi du peuple ».