trois questions sur la « croix celtique » qu’un député veut interdire
Alors que ce symbole a été une nouvelle fois aperçu dans la manifestation d’ultra droite samedi à Paris, un élu socialiste réclame une législation pour renforcer la loi et interdire l’exposition de la croix celtique.
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Faut-il interdire la croix celtique ? C’est la proposition du député socialiste du Calvados Arthur Delaporte au lendemain du défilé de 600 manifestants d’ultra droite samedi 11 mai dans les rues de Paris.
Cette manifestation a d’abord été interdite par le préfet, mais finalement autorisée par le tribunal administratif. Résultat, on a pu voir des centaines d’individus qualifiés de « néo-nazis » ou de « néofascistes » défiler dans les rues de la capitale, le visage masqué, vêtus tout de noir, scandant « Europe, jeunesse, révolution » et portant au vent des drapeaux flanqués d’une croix qualifiée de « celtique », un symbole qui apparaît régulièrement dans les manifestations d’ultra droite et que le député socialiste souhaite donc interdire.
D’où vient cette croix ?
Initialement, « la croix celtique est une croix irlandaise du haut Moyen Âge que l’on retrouvera également au Pays de Galles et en Bretagne à partir du Vee au 9e siècle »explique Erwan Chartier, maître de conférences au diplôme d’études celtiques à Rennes 2 et rédacteur en chef du Poher Hebdo. « C’est un symbole largement utilisé dans les mouvements nationalistes et régionalistes irlandais, gallois, bretons et écossais de la fin du XIXe siècle.e et au début du 20ème siècleeil continue, et qui apparaît dans l’extrême droite française au moment de la guerre d’Algérie dans les années 1960 mais qui n’est pas une croix, c’est plutôt une cible. »
Comment est-elle devenue un symbole de l’ultra-droite ?
«C’est Pierre Sidos (figure de l’extrême droite pétainiste) qui s’est toujours targué de l’avoir inventé en 1948 pour le mouvement Young Nation », explique Nicolas Lebourg, chercheur spécialiste de l’extrême droite. « Cela s’inscrit aussi dans un contexte de l’entre-deux-guerres où il y avait toute une thématique au sein de l’extrême droite française de la recherche de l’ancêtre, du peuple ancestral », il élabore.
Ce symbole sera alors « réinventé dans le années 1960 par les petits groupes les plus radicaux, dont le principal, à l’époque, était l’Occident. La croix celtique était leur signe de ralliement. explique Erwan Lecœur, sociologue spécialiste de l’extrême droite. « Derrière Ouest, d’autres groupes ont repris la croix celtique, notamment le GUD dans les années 1970, il continue. La croix celtique est aujourd’hui à nouveau utilisée par les groupes identitaires les plus radicaux comme une sorte d’emblème. »
Peut-on l’interdire ?
Aujourd’hui, « la manifestation de samedi, on ne peut pas la faire avec le symbole d’un groupe qui a été condamné par le tribunal de Nuremberg, c’est interdit par la loi française », explique Erwan Lecœur. En fait, l’article R645-1 du code pénal interdit « de porter ou d’exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, insignes ou emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut de l’armée internationale tribunal annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, ou par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité.
Le député socialiste Arthur Delaporte propose donc « d’interdire tout symbole utilisé par des associations reconnues comme inconstitutionnelles et contraires au principe de l’amitié entre les peuples », il a révélé à Libérer. « En changeant la loi, on pourrait notamment interdire l’usage de la croix celtique puisqu’elle était l’emblème de plusieurs groupuscules dissous en France »explique-t-il dans les colonnes du journal. Mais ajouter la croix celtique à la liste de ces interdictions pourrait poser problème, selon les chercheurs. « Certains diront qu’il s’agit d’un symbole très ancien qui rassemblait les tribus bretonnes »dit Erwan Lecœur. « Ce qui me surprend, c’est qu’on veuille interdire un symbole, mais que le gouvernement ne soit pas capable d’interdire une manifestation de l’extrême droite la plus radicale »» demande plutôt le chercheur.