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Trois questions pour comprendre les raisons de la colère des salariés du secteur automobile

Trois questions pour comprendre les raisons de la colère des salariés du secteur automobile


En Europe, le secteur automobile traverse depuis plusieurs mois une période de crise. Les salariés craignent de perdre leur emploi tandis que les constructeurs n’hésitent pas à délocaliser leur production. Comment en est-on arrivé à cette situation ? Le Figaro fait le point.

Des milliers de travailleurs ont défilé dans les rues de Bruxelles lundi, 5.500 selon la police, « plus de 10 000 » selon les organisateurs. Leur objectif est d’interpeller les dirigeants de l’Union européenne sur la nécessité d’investissements massifs pour « protéger les emplois industriels »Ce mouvement de protestation est né d’un appel à manifester lancé par les 3.000 salariés de l’usine Audi de Bruxelles. Cette dernière pourrait fermer ses portes en 2025 et laisser ses salariés sur le carreau. Comme les salariés de la marque allemande, des milliers d’entre eux craignent le chômage dans le secteur automobile. Quelles marques sont concernées ? Pour quelles raisons ? Et quelles solutions sont envisagées ? Le Figaro fait le point en trois questions.

Pourquoi les industriels sont-ils contraints de fermer leurs usines ou de les délocaliser ?

Début juillet, Audi a fait une annonce qui a secoué tout le secteur automobile. La filiale de Volkswagen envisageait d’arrêter prochainement la production de son SUV Q8 e-tron en raison d’une baisse des commandes. Deux mois plus tard, la direction confirmait qu’aucune autre voiture du groupe ne serait fabriquée dans son usine de Bruxelles après la sortie des derniers Q8 e-tron l’année prochaine. Les salariés dénonçaient ainsi « erreurs » Les dirigeants européens ont fait le pari de l’électrique haut de gamme. Cet exemple illustre la perte de vitesse de l’Europe dans la fabrication de voitures électriques, prise au dépourvu par la fin programmée du moteur thermique et la montée en puissance de la concurrence chinoise. A cela s’ajoutent les divisions au sein de l’UE sur l’opportunité d’imposer des surtaxes aux véhicules chinois, au risque de provoquer des représailles commerciales de Pékin.

« Les Européens ont délaissé la production de voitures électriques de milieu de gamme alors que les Chinois nous envahissent avec des modèles beaucoup moins chers qui prennent des parts de marché »analyse Bernard Clerfayt, ministre de l’Emploi à l’exécutif régional bruxellois. Résultat, au deuxième trimestre, Volkswagen, premier groupe automobile européen, a vu son bénéfice net reculer de 4,2% sur un an. Les ventes de ses voitures Porsche et Audi, qui génèrent les meilleures marges, ont reculé respectivement de 9,6% et 11,3%. Pour Jan Baetens, patron du syndicat chrétien belge CSC, les difficultés s’accumulent depuis l’annonce de l’échéance de 2035, qui devrait marquer la fin des ventes de voitures neuves à moteur thermique dans l’UE au profit du tout électrique. Une disposition contestée, notamment par l’Allemagne. « Nous poussons les gens à acheter des voitures électriques, même si nous ne sommes pas prêts en termes d’infrastructures »regrette le syndicaliste.

Quels sont les industriels concernés par les mouvements de grève ?

Le malaise du secteur automobile européen dure depuis plusieurs mois. Et début septembre, après la pause estivale, le travail n’avait pas repris à l’usine Audi de Bruxelles suite à l’annonce d’un plan d’austérité sans précédent et de la fermeture de plusieurs usines en Allemagne. Le conflit avait dégénéré lorsque des salariés avaient volé les clés de 200 voitures pour éviter qu’elles ne soient sorties, avant de les rendre à la direction. En 2025, ce sera l’usine Ford de Sarrelouis, à quelques kilomètres de la France, qui fermera ses portes. Exit les traditionnelles Fiesta, Mondeo et Focus et place aux modèles électriques de série qui seront désormais fabriqués à Valence, en Espagne. En mars dernier, les équipementiers associés à l’usine s’étaient mis en grève pour obtenir des indemnités de licenciement suffisantes.

Les sous-traitants et les équipementiers se retrouvent également dans la tourmente. Fin 2027, l’équipementier Continental délocalisera la production de son site du nord de l’Allemagne vers la Croatie, la République tchèque et le Pays de Galles, pour rester « compétitif »Résultat : une perte de 800 emplois pour cette seule usine, et 7.000 salariés menacés dans le monde. Les entreprises allemandes Bosch, ZF et Webasto envisagent également des réductions d’effectifs importantes, à l’image des groupes français Forvia et Valeo. A noter qu’en Allemagne, un sous-traitant sur trois envisage de délocaliser à l’étranger pour des raisons de compétitivité, selon une étude de la Fédération des constructeurs automobiles allemands (VDA), soit l’équivalent de 270.000 salariés.

Quelles perspectives pour les industriels ?

Pour les constructeurs, tout le monde est sur le pont. Outre l’échéance de 2035, les marques se concentrent sur l’année prochaine, première étape fatidique vers le tout électrique. Dès janvier prochain, le seuil autorisé de CO2 par véhicule et par kilomètre sera abaissé à 81 grammes, contre 95 grammes les années précédentes. Chaque groupe devra donc vendre davantage de véhicules électriques pour compenser les ventes de voitures thermiques. Plusieurs constructeurs tirent déjà la sonnette d’alarme sur la possibilité de payer une amende pour ne pas avoir vendu suffisamment de véhicules électriques, comme Renault, Stellantis, Volkswagen, BMW ou Hyundai. « Si les véhicules électriques restent à leur niveau actuel, l’industrie européenne pourrait devoir payer une amende de 15 milliards d’euros ou renoncer à la production de plus de 2,5 millions d’unités (de véhicules thermiques) »prévenait Luca de Meo, le patron du groupe Renault, sur France Inter il y a quelques jours.

Toutefois, certaines options pourraient être adoptées, selon nos informations publiées la semaine dernière, avec la prise en compte de la date de livraison des véhicules, voire de la date de commande, et non de la date d’immatriculation comme c’est le cas actuellement. Ainsi, le calendrier fixé à janvier pourrait déraper de quatre à six mois, permettant aux constructeurs d’effacer au moins partiellement la mauvaise année 2024. Ce retard leur permettrait également de profiter des nombreux modèles de voitures électriques d’entrée de gamme qui arriveront sur le marché européen l’année prochaine.

Il y a urgence à relancer rapidement les ventes de véhicules électriques, en baisse constante sur le Vieux continent. En cause, le retrait des subventions à l’achat en Allemagne et les aides proposées tardivement en Italie. En juillet, les ventes ont chuté de 10,8 % en Europe par rapport à 2023, selon les chiffres de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Pour tenter de sauver les constructeurs, l’organisation va demander dans les prochains jours une révision du calendrier. Aux yeux des constructeurs, la clause de revoyure, prévue par la loi en 2026 pour évaluer l’état du marché en vue de 2035, est trop lointaine. D’autres, qui milit déjà avant le vote de la loi, reviennent à la charge pour repousser l’interdiction de vente de voitures thermiques neuves à 2040, et non 2035. Face à eux, la puissante ONG Transport&Environnement, qui se mobilise contre un report de la date. Autant de négociations qui piétinent et les salariés s’interrogent sur leur avenir.

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