Nouvel exemple de la répression en cours en Russie. Accusés d’extrémisme, la justice russe a condamné vendredi trois avocats de l’opposant Alexeï Navalny, décédé en détention il y a près d’un an, à des peines de prison. Les autorités russes sont engagées dans une campagne visant à réprimer les critiques de Vladimir Poutine, en particulier les proches de Navalny et ceux qui dénoncent l’attaque russe contre l’Ukraine.
Les avocats Alexeï Liptser, condamné à cinq ans de détention, Igor Sergunin, condamné à trois ans et demi, et Vadim Kobzev, condamné à cinq ans et demi, ont été arrêtés en octobre 2023, lorsque l’opposant numéro un du président russe était encore en vie. Ils étaient accusés de participation à l’organisation du défunt, classée « extrémiste » par la Russie.
« Nous sommes jugés pour avoir transmis les pensées de Navalny à d’autres personnes », a déclaré fin décembre devant le tribunal l’avocat Vadim Kobzev, cité par Novaya Gazeta. La justice leur reproche d’avoir transmis à Alexeï Navalny, emprisonné en Russie de janvier 2021 jusqu’à sa mort en prison le 16 février 2024, des informations lui permettant prétendument de « planifier, préparer (…) et commettre des crimes extrémistes » depuis sa cellule, selon enquêteurs.
« Violation du secret professionnel »
Le procès se déroule depuis la mi-septembre devant un tribunal de Petushki, dans la région de Vladimir, à l’est de Moscou, où se trouve également l’une des prisons où était autrefois incarcéré Alexeï Navalny. Après le début de la première audience, tous les débats se sont déroulés à huis clos, comme c’est généralement le cas dans ce type d’affaire. Selon un communiqué du tribunal, Igor Sergounine a plaidé coupable, contrairement aux deux autres avocats.
Selon un avocat de la défense, Roman Karpinski, l’affaire reposait sur des écoutes téléphoniques des réunions de détention de Navalny avec ses avocats, ce qui constitue selon lui une « violation du secret professionnel » de l’administration pénitentiaire, qui a transmis ces enregistrements aux enquêteurs.
L’opposante russe en exil Ioulia Navalnaïa, veuve d’Alexeï Navalny, a affirmé sur X que ces avocats étaient des « prisonniers politiques et (devraient) être libérés immédiatement ». L’ONG Amnesty International a critiqué une « tentative honteuse de faire taire ceux qui ont osé défendre Alexeï Navalny ». Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, a dénoncé une « nouvelle détérioration de la situation déjà désastreuse des droits de l’homme » en Russie.
Les avocats dans le viseur des autorités depuis le début de la guerre
Depuis le début de l’assaut contre l’Ukraine en février 2022, la répression s’abat sur toutes les voix dissidentes en Russie. Les avocats opposants étaient autrefois rarement emprisonnés, bien qu’ils soient soumis à une surveillance et à des menaces croissantes. Mais ces trois dernières années, plusieurs d’entre eux ont fui leur pays pour échapper à leur arrestation, comme deux autres défenseurs de Navalny, Olga Mikhaïlova et Alexandre Fedoulov.
Militant anticorruption et anti-Kremlin, Alexeï Navalny a été arrêté à Moscou en janvier 2021 à son retour d’Allemagne, où il a été hospitalisé après un empoisonnement qu’il impute au Kremlin, qui a toujours nié. Il avait ensuite été condamné à plusieurs peines, dont dix-neuf ans de prison en août 2023 pour « extrémisme ». Navalny a communiqué sur les réseaux sociaux principalement via des messages envoyés à ses avocats, dans lesquels il a notamment dénoncé l’offensive en Ukraine et appelé les Russes à « résister ».
Son organisation, le Fonds anti-corruption (FBK), est classée « extrémiste » en Russie depuis 2021. Les circonstances de sa mort dans une colonie pénitentiaire arctique restent floues.