Trente mineurs isolés privés d'hébergement, bras de fer entre la ville et le département
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Trente mineurs isolés privés d’hébergement, bras de fer entre la ville et le département

Trente mineurs isolés privés d’hébergement, bras de fer entre la ville et le département

Cette décision fait suite à un arrêté du maire de Gap invoquant la non-conformité du bâtiment « Clairfont » à accueillir du public. Un choix jugé « infondé et injustifié » par le département.

« La rentrée scolaire de ces jeunes s’est bien passée et c’est l’essentiel. Pour le reste… » Muriel Nicolas n’en dira pas plus, mais comme ceux qui travaillent avec la directrice de l’Association départementale de protection de l’enfance et de l’adulte (Adsea 05), elle a beaucoup de choses en tête.

Depuis plusieurs jours, l’association a en effet entamé un véritable bras de fer avec la ville de Gap, et celui-ci pourrait bien se terminer devant la justice. La semaine dernière, Roger Didier, le maire (DVD) de Gap, a pris un arrêté municipal qui a fait bondir les représentants de l’association et du Conseil départemental des Hautes-Alpes.

Depuis lundi 2 septembre, l’association n’a plus le droit d’héberger la trentaine de mineurs non accompagnés dont elle a la charge dans l’établissement « Clairfont » situé sur le chemin éponyme, non loin de la route de Veynes et du rond-point du Sénateur. En raison d’une sécurité jugée insuffisante pour accueillir du public, selon l’arrêté pris par la municipalité.

Une autorisation provisoire et une promesse d’achat

Toutefois, le département et l’association Adsea 05 assurent que les feux sont au vert pour un tel accueil.

« L’implantation a été autorisée par le Département. Une première commission de sécurité, en 2023, a rendu un avis provisoire autorisant l’exploitation du site jusqu’au 31 août 2024. Une seconde commission, réunie le 29 août 2024, a rendu un avis favorable sous réserve de quelques recommandations de sécurité et à condition qu’Adsea 05 dépose un permis de construire avant le 15 novembre pour réaliser des travaux définitifs d’aménagement et de réhabilitation », ont indiqué conjointement le Conseil départemental des Hautes-Alpes et Adsea 05 à BFM DICI.

L’association se dit « tout à fait prête » à entreprendre les démarches nécessaires puisqu’elle envisage d’acheter ces locaux au diocèse de Gap afin de continuer à accueillir sur le site ces jeunes, principalement des migrants venus de pays en guerre.

Le bâtiment de Clairfont, propriété du diocèse de Gap et Embrun mais exploité par Adsea 05, n’avait jamais été destiné à accueillir du public. Mais faute de locaux disponibles et face à l’urgence migratoire, le site avait été retenu depuis plusieurs mois pour héberger ces mineurs non accompagnés.

Le revirement inattendu de Roger Didier

Jusqu’à présent, l’association disposait d’une autorisation provisoire d’accueillir du public, moyennant quelques conditions à respecter, comme remettre en état de fonctionnement la porte coupe-feu du rez-de-chaussée menant à la cage d’escalier, ou encore tenir à jour un registre de sécurité.

Dans un arrêté daté du 23 février 2024, que BFM DICI a pu se procurer, le maire de Gap Roger Didier a autorisé la poursuite de l’accueil du public jusqu’au 30 mai de la même année. Une autorisation temporaire qu’il avait déjà accordée à Adsea 05 en novembre 2023.

Mais la semaine dernière, l’édile a soudainement changé de ton, puisqu’il invite désormais l’association à trouver un autre lieu pour héberger les mineurs. Une décision ferme, basée sur un avis défavorable rendu par la commission de sécurité et d’incendie au début de l’été. Sauf qu’entre-temps, ladite commission a pris une autre décision.

Le Conseil départemental évoque « un arrêté infondé »

« Avec la volonté d’acheter le bâtiment pour y réaliser des travaux, la situation a effectivement changé », confie une source qui suit ce dossier depuis le début. La commission de sécurité s’est donc réunie à nouveau le 29 août et la décision a été prise : avis favorable.

« La commission a rendu un avis favorable, en maintenant les recommandations pendant toute la durée des travaux visant à mettre les locaux aux normes », poursuit la source.

Le lendemain, l’arrêté d’interdiction du maire arrive pourtant sur le bureau de l’Adsea 05, démontrant que Roger Didier n’a pas pris en compte le dernier avis de la commission pour prendre sa décision.

Depuis lundi, Adsea 05 et les mineurs n’ont plus le droit de séjourner à Clairfont. L’association doit trouver un autre lieu. « Cela implique de reloger une trentaine de mineurs, ce qui est impensable. D’autant que cet arrêté est infondé et injustifié », ont expliqué l’association et le Conseil départemental à BFM DICI.

Contacté, le maire de Gap n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. De son côté, le Conseil départemental des Hautes-Alpes, compétent en matière de mineurs isolés en raison de sa compétence en matière de protection de l’enfance, s’indigne de cette situation.

« L’arrêté municipal dont nous avons pris connaissance remet en cause le travail effectué par les services depuis de nombreuses années pour répondre aux obligations légales et humaines. Il est de nature à remettre en cause à très court terme les solutions d’accueil de ces jeunes », regrette Jérôme Scholly, le directeur général des services du département des Hautes-Alpes.

Un recours à l’étude

Jean-Claude Negro partage naturellement ce constat. « Notre mission est de prendre soin de ces jeunes, de veiller à leur santé et de les former pour répondre aux conditions de vie de la société française et aux besoins des entreprises », énumère le président d’Adsea 05.

« Des centaines de jeunes qui sont venus ici suivent des formations en apprentissage dans des entreprises locales. C’est évident que si on s’occupe de gamins qui habitent loin de Gap, ça coûte une fortune. Clairfont est un site excentré du centre-ville mais qui n’est pas loin du réseau de bus. Mais la ville de Gap s’inquiète des dégâts que ces gamins pourraient causer au paysage… », poursuit le président.

Pour Jean-Claude Negro, l’éloignement de ces mineurs de la cité préfecture serait un non-sens. « C’est à Gap qu’ils arrivent pour travailler. Ils ne vont pas rester dans des villages où ils pourraient être pris dans des réseaux. Ces jeunes sont avec nos éducateurs jour et nuit. Ils sont à l’école, dans des associations. Ils apprennent simplement à être français », conclut le président de l’association.

Ce dernier, en lien avec le département, étudie désormais un recours contre l’arrêté municipal interdisant l’occupation des lieux et ordonnant leur évacuation. Quelle que soit l’issue, les mineurs isolés et leurs encadrants ont bien l’intention de rester à Clairfont. Avec ou sans l’accord du maire de Gap.

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