Son nom est inscrit en grosses lettres sur le fronton en pierre de taille de l’ancien Grenier Salé. Dehors, la foule attend. Et là, il pousse enfin la porte, colosse au sourire ravageur, un clin d’œil par-ci, un signe de la main par-là. Le gamin du Square Auguste-Renoir est de retour.
Propulsé par son César pour « Intouchables » en 2012, devenu une star internationale grâce à la série « Lupin », Omar Sy était à Trappes (Yvelines) samedi après-midi, pour l’inauguration du cinéma qui porte désormais son nom, en la ville de son enfance. Une surprise savamment ourdie par la municipalité. Vivant à Los Angeles (Etats-Unis), l’acteur lui-même n’a appris la nouvelle que le mois dernier.
Il est devant le micro sur le petit podium installé devant le cinéma. Il y a des enfants fous de joie, ses proches, sa femme, de vieux amis. Et même Jamel Debbouze, l’autre enfant du pays. Avec lui, Omar Sy a utilisé les scènes du théâtre Déclic, la mythique troupe d’improvisation de « Papy », qui s’est également cachée dans la foule.
«J’aime ce que cette ville m’a donné»
Omar Sy lève les yeux vers le fronton. « Voir mon nom là-haut, c’est… c’est quelque chose », dit-il, visiblement ému. C’est ici qu’il met pour la première fois les pieds au cinéma, avec l’école, à l’époque où le théâtre s’appelait « Jean Renoir » ou le « Grenier à sel » en abrégé. Sa première séance « seul entre amis » était là aussi. Pour Moonwalker (1988), avec Michael Jackson. « Après, on achetait des merguez frites dans la rue, parce que les brochettes n’étaient pas encore à la mode », plaisante-t-il.
Ce bâtiment historique datant du XVIe siècle est le plus ancien de la ville. Demain, tout le monde l’appellera « cinéma Omar Sy ». « Si ça peut amener les jeunes de Trappes plus loin, plus haut… », commente le comédien. À chaque pas que je fais, tu es avec moi. J’aime ce que cette ville m’a donné. »
Réveil culturel… Ali Rabeh, le maire (Génération.s) de Trappes, venait d’en faire le cœur de son discours, derrière le ruban d’investiture. Dans cette ville « si injustement caricaturée et critiquée », il insiste sur le fait que « l’accès à la culture n’est pas un privilège pour les gens bien nés ».
Que le prix des places (4,30 euros) « n’augmentera pas d’un centime » dans ce cinéma municipal « fréquenté par tous les enfants de la commune depuis la maternelle ». « Nous faisons tout pour ouvrir le plus de fenêtres possible sur le monde, résume-t-il, pour contredire les statistiques, les destins déterminés dès le berceau. »
« Omar Sy a vécu la même enfance que nous »
La ville a investi 1,5 million d’euros dans la rénovation du cinéma, dans le but d’en faire cet « équipement à la pointe de la technologie » tout en préservant sa qualité architecturale. Un « petit miracle », après un an et demi de travaux. Pourquoi un cinéma « Omar-Sy » ? « Cet immense artiste, un enfant de Trappes qui n’a jamais oublié d’où il venait » représente pour le maire « une belle incarnation de la ville, sa plus belle allégorie ».
Hajjar, un étudiant de 19 ans qui souhaite devenir avocat, était présent à l’inauguration. Devant le cinéma, elle affirme que le succès d’Omar Sy « donne de l’espoir ». «C’est un encouragement», résume-t-elle. Omar Sy a vécu la même enfance que nous, il a été visé par les mêmes clichés. Nous aussi devons réussir, pour perpétuer cette lignée. »
Doumia, 18 ans, lycéenne à Henri-Matisse, ne veut pas non plus « lâcher quoi que ce soit ». « Omar Sy est pour nous une fierté, explique-t-elle. A côté, Théo, 19 ans, étudiant en biologie à Versailles, est venu voir « cette icône de la ville ». « Le fait que le cinéma porte son nom est un honneur pour lui, mais pour nous aussi », souligne-t-il. En fin de journée, dans la toute nouvelle salle, l’acteur a participé à une longue séance de selfies avec le public.
« Il y a un morceau de mon histoire dans cette salle de cinéma. Mais ce que je trouve le plus touchant, c’est qu’il s’agit d’un bâtiment public, a insisté Omar Sy après l’inauguration, lors d’un échange avec la presse. Ses liens forts avec Trappes ? « Il y a quelque chose de magique dans cette ville », assure-t-il. Quand je vois un trappiste n’importe où dans le monde, j’ai l’impression de rencontrer un frère. C’est réel, ce n’est pas quelque chose que l’on force, que quelqu’un nous dicte. C’est comme ça. »