C’est une petite révolution qui a eu lieu le 6 juillet dernier, sur les lignes régionales Paris-Troyes-Mulhouse et Paris-Châlons-Strasbourg. Il y a exactement deux mois, le Grand Est suivait l’exemple de la Normandie en instaurant la réservation à bord des trains TER à destination ou en provenance de la capitale. Avec ce système, la Région espérait résoudre les problèmes de surpopulation régulièrement constatés sur les deux lignes. Le tout en garantissant une place numérotée à chaque voyageur.
L’initiative a suscité une levée de boucliers des associations d’usagers. Toutes craignent qu’elle ne détourne les voyageurs du train vers la voiture. « Un TER doit être facile d’accès, ce qui n’est pas le cas avec la réservation obligatoire », explique Benoît Chauvez, président de l’AMPB (Association pour la modernisation de la ligne Paris-Bâle).
Contraintes et concessions
Avant cet été, les personnes qui souhaitaient voyager sur les deux lignes TER concernées pouvaient acheter un billet valable toute la journée. Désormais, elles ne peuvent voyager que dans le train pour lequel elles ont une réservation. Autre contrainte : elles ne peuvent plus monter dans un train annoncé complet, même si elles sont prêtes à rester debout pendant tout le trajet.
« C’est embêtant car on n’a pas la liberté de circuler », constate Mohamed, un quinquagénaire rencontré à la gare de l’Est. Alors pour donner un peu plus de souplesse à ses TER, la région Grand Est a fait des concessions, en autorisant les échanges gratuits jusqu’au départ du train (au lieu de la veille) pour les voyageurs occasionnels. Quant aux abonnés, en majorité des navetteurs se rendant à Paris pour leur travail, ils peuvent enfin « prendre d’autres trains que celui qu’ils avaient réservé », nous explique Thibaud Philipps, vice-président de la Région en charge des transports.
Usine à gaz
De quoi faire plaisir aux usagers mécontents ? Encore faudrait-il qu’ils soient au courant. « On ne savait même pas qu’il fallait réserver », disent à l’unisson Christophe et Eric, qui se rendent tous les deux à Troyes. « Si c’était le cas, on l’aurait fait ensemble pour être assis l’un à côté de l’autre », affirment les deux Parisiens. « Il y a un vrai problème de clarté », déplore André Lott, le président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) Grand Est. Alice, cheminot itinérante, confirme : « Même en interne, on entend tout et son contraire… »
Entre les règles qui diffèrent selon le trajet, le profil de l’usager et le mode de réservation, l’expérimentation prend des airs d’usine à gaz. Interrogé sur les conséquences pour les voyageurs les plus déconnectés du numérique, qui ont du mal à réserver ou à échanger un train, Thibaud Philipps évoque le numéro 3635. Et promet d’améliorer la signalisation dans les gares et à bord des trains, l’absence de numérotation des wagons créant parfois des confusions.
Solution « mauvaise » ou « à court terme »
Pour celui qui est également maire d’Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), le bilan est néanmoins positif : il évoque les « 420 000 réservations » effectuées depuis le 6 juillet, ce qui correspond à « une petite hausse des ventes ». Preuve, selon lui, que les réservations ne nuisent pas à l’attractivité du train. Surtout, « nous n’avons pas eu de surpopulation, notamment le week-end, contrairement à l’année dernière », se réjouit-il.
« La réservation obligatoire reste une mauvaise solution à un vrai problème », objecte André Lott. « La Région n’a pas les moyens de répondre à la demande : c’est au voyageur de s’adapter à l’offre et non l’inverse », convient Benoît Chauvez. Thibaud Philipps concède qu’il s’agit d’« une solution à court terme à la saturation », le temps de « trouver et de faire livrer du matériel adapté ». Mais en attendant, c’est à l’usager de s’adapter.
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