Tragédie de Lac-Mégantic, 10 ans après : « J’ai dû effacer ma réalité »

La fille d’une victime du déraillement de train à Lac-Mégantic en 2013 a fui la ville et a plongé dans l’enfer de la drogue après le drame, dans une tentative de « survie autodestructrice », avant de reprendre goût à la vie des années plus tard.

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« Je savais que ça n’allait pas être toute ma vie. Mais je me suis dit que j’en avais besoin pour éviter de me pendre. Il fallait que j’efface ma réalité », raconte Mégane Turcotte, rencontrée à Saint-Georges, en Beauce, près de 10 ans après le drame.

Le 6 juillet 2013, sa mère, Diane Bizier, s’était rendue au Musi-Café de Lac-Mégantic comme elle le faisait presque chaque fin de semaine pour retrouver des amis. Elle était avec son mari, parti le soir un peu plus tôt.

De son côté, Mégane Turcotte s’était endormie vers minuit après avoir gardé les enfants du propriétaire du Musi-Café de l’époque. Mais elle s’est réveillée des heures plus tard en entendant parler dehors et en voyant qu’il faisait «brillant comme le jour».

« Quand je suis sorti, j’ai vu mon frère parler avec sa petite amie. Je leur ai demandé ce qui se passait. Leur regard disait tout… », raconte avec émotion M.^moi Turcotte.

C’est alors qu’elle a appris que le centre-ville était en feu et que leur mère était introuvable.

Descente aux enfers

« Au fond de moi, je sentais que je ne reverrais plus jamais ma mère, même si je ne voulais pas me l’avouer. Aujourd’hui encore, c’est comme si je n’avais jamais vraiment réalisé ce qui nous était arrivé », raconte la jeune femme aujourd’hui âgée de 27 ans.

S’ensuit une véritable descente aux enfers pour Mégane Turcotte, qui se met à consommer du cannabis et de la cocaïne en quantité toujours plus importante, pour « couper ses émotions ».

C’est aussi durant cette période qu’elle fuit la ville de son enfance, « défigurée et triste », qu’elle se met à fréquenter un homme devenu rapidement toxique et violent, et qu’elle flirte avec l’idée de se suicider.

« Je n’étais pas prête à affronter la perte de ma mère, ça me faisait tellement mal à l’intérieur, constamment. Et j’avais peur qu’un autre événement ne se produise et n’emporte mes proches un par un », explique M.^moi Turcotte.

Une « urgence » à vivre

Quelques années plus tard, un de ses collègues de travail a mis fin à ses jours suite à un chagrin d’amour. C’est alors qu’elle a réalisé qu’elle avait la vie devant elle et qu’elle voulait être heureuse.

« Ça m’a donné une claque, j’ai ressenti une urgence à vivre. J’ai commencé à voir tout ce que l’avenir pouvait m’offrir », raconte la jeune femme, qui a cherché de l’aide pour reprendre le contrôle de sa vie et s’éloigner de son association toxique.

M^moi Turcotte a décidé d’aller de l’avant et poursuit présentement un DEP en soutien informatique. Elle envisage même de suivre des cours de programmation de jeux vidéo à l’université par la suite.

La douleur attachée à la ville de Lac-Mégantic demeure cependant trop grande, même 10 ans plus tard, pour que la jeune femme envisage un jour de s’y installer.

« Mais il est important que nous nous souvenions de cette tragédie. Pour ma mère et toutes les autres victimes qui n’avaient rien demandé. Pour ma part, je sais qu’elle garde un œil sur moi », conclut-elle.

Mégane Turcotte publiera un livre intitulé « Amour mortel » en octobre prochain qui portera sur sa vision des années qui ont suivi le déraillement de Lac-Mégantic et l’impact que la tragédie a eu sur sa vie.