Divertissement

Tout l’art de la parole de Marcel Pagnol en dix films

Patricia Amoretti (Josette Day), Félipe Rambert (Fernandel) et Pascal Amoretti (Raimu) dans « La Fille du puisatier » (1940), de Marcel Pagnol.

On reproche souvent au cinéma français d’être trop bavard, d’abandonner l’approche visuelle au profit des mots. On ne compte plus les cinéastes paroliers, dont certains sont issus de la littérature, qui ont éprouvé le besoin de filmer, non pour raconter ou montrer quelque chose, mais pour faire entendre un langage qui leur est propre : Sacha Guitry, Eric Rohmer, Jean Eustache, Marguerite Duras, entre autres exemples. Marcel Pagnol (1895-1974), comme son contemporain Guitry, en a inventé un, certes indexé sur l’idiome chanté de sa Provence natale, truffé d’expressions et de tournures caractéristiques, mais allant bien au-delà du simple saupoudrage de folklore.

Après une rétrospective à la Cinémathèque française de Paris en juillet, dix films de l’écrivain-cinéaste, dont la célèbre « trilogie marseillaise », ressortent en salles lors d’une semaine de calme cinématographique. Et ce grâce aux dernières restaurations, qui ont pour premier effet d’extraire ces classiques de leur coquille patrimoniale, asséchés par de multiples diffusions télévisées et des remakes rarement à la hauteur.

Faire entendre une langue n’est pas une question de dialogues, même brillants, mais surtout de mise en scène. Chez Pagnol, cela consiste à s’appuyer sur le décor provençal (rural, villageois ou urbain) pour ouvrir des espaces de discussion, agoras populaires ou recoins cachés, où la parole peut se développer jusqu’à ses limites. Un trait distinctif est la durée de ses films, qui dépasse largement les deux heures : non pas parce qu’il y aurait beaucoup à dire, mais parce que le drame lui-même est celui de la parole, et qu’il y a un réel plaisir à en épuiser les possibilités.

Logorrhée des fausses banalités

Dans La femme du boulanger (1938), une de ses nombreuses adaptations de Jean Giono (Jean le BleuGrasset, 1932), l’intrigue tient sur un timbre-poste : à peine installé dans un village, un boulanger (Raimu) perd sa jeune et jolie épouse, qui s’enfuit avec le premier berger venu. Le corps du film, variation sur la figure du cocu, mi-bouffon, mi-tragique, contient surtout une dépense homérique de mots autour de l’événement : le déni farouche du boulanger, les moqueries cruelles des villageois, mais aussi les ragots, les spéculations, les digressions, les coups de feu tirés sur la comète, vont à un rythme infernal, sans que la situation ne change d’un iota. D’emblée, la langue pagnolienne dépasse la simple dramaturgie : c’est un torrent immodéré qui charrie toute une sociabilité (méridionale), tout un monde de relations et d’affects.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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