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Tout comprendre sur l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

Le chef de l’Etat a réitéré jeudi son opposition au projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur. Ursula von der Leyen est arrivée en Uruguay afin de le finaliser.

La finalisation de l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur est proche. Ursula von der Leyen est arrivée ce jeudi à Montevideo (Uruguay), où elle compte conclure les discussions. «La ligne d’arrivée de l’accord UE-Mercosur est en vue. Travaillons ensemble, surmontons-le. »» a écrit le président de la Commission européenne sur X, quelques heures avant de participer au 65e sommet des pays du Mercosur. Mais Emmanuel Macron « modifier » jeudi que le projet d’accord a été « inacceptable en l’état »a affirmé l’Elysée. La France est préoccupée par son impact sur l’environnement et le secteur agricole. « Nous continuerons à défendre inlassablement notre souveraineté agricole »» a ajouté la présidence française dans un message publié sur X.

En vote consultatif, l’Assemblée nationale et le Sénat ont validé la semaine dernière la position du gouvernement français qui s’oppose « pleinement, résolument » à tout accord « dans les conditions actuelles » car cela ne garantit pas « des conditions de concurrence loyale pour nos agriculteurs »selon l’ancienne ministre de l’Agriculture Annie Genevard. La France a été rejointe par la Pologne, le Premier ministre Donald Tusk ayant également déclaré qu’il ne l’accepterait pas. « sous cette forme ». De son côté, le président brésilien Luiz inácio Lula da Silva, fervent défenseur de l’accord qu’il dit vouloir « signer d’ici la fin de l’année »est attendu en Uruguay dans un rôle moteur. « Si les Français ne veulent pas de cet accord… ils ne décident plus de rien, c’est la Commission européenne qui décide »a-t-il déclaré fin novembre.

Les agriculteurs craignent une concurrence déloyale

Conclu en 2019 après près de 25 ans de négociations, le projet d’accord de libre-échange UE-Mercosur promet d’encourager les relations commerciales entre les deux marchés en abaissant les barrières tarifaires et non tarifaires, mais aussi de favoriser la coopération politique sur les questions de migration, d’économie numérique. , la recherche, l’éducation, les droits humanitaires, la protection de l’environnement et même la cybercriminalité. Les agriculteurs sont particulièrement inquiets de l’aspect commercial, qui devrait ouvrir un peu plus le marché européen aux produits latino-américains. Ils craignent une concurrence déloyale de la part de ces denrées produites à bas prix dans des élevages industriels moins soucieux du bien-être animal, aux normes sanitaires et environnementales plus laxistes.

La Commission européenne parle de « petits volumes » en comparant les quotas prévus à ce que l’UE produit annuellement. Les produits du Mercosur pour lesquels les droits de douane seront réduits, voire supprimés, représenteront au maximum 99 000 tonnes pour la viande bovine, soit 1,6 % de la production de l’UE. Pour la viande porcine, ce sera 25 000 tonnes (0,1% de la production de l’UE), pour la volaille 180 000 tonnes (1,4%), pour le sucre 190 000 tonnes (1,2%). En échange, Bruxelles assure que l’accord représente des opportunités de marché pour les produits européens actuellement freinés en Amérique latine : le vin (actuellement taxé jusqu’à 27 %) ou les fromages, qui peuvent bénéficier d’une « la montée d’une classe moyenne ». Le gouvernement espagnol, qui soutient l’accord, met ainsi en avant le vin ou l’huile d’olive.

Même si les volumes concernés sont faibles par rapport à la production européenne, ils peuvent bousculer les filières. Pour Patrick Bénézit, vice-président de l’interprofession de la viande bovine (Interbev), les pays du Mercosur fournissent déjà l’essentiel des importations de surlonge, morceaux « noble ». La production de surlonge en Europe, « ça fait 400 000 tonnes de races à viande, donc voir 99 000 tonnes arriver, ça a un impact ». Les producteurs de poulet craignent que les Brésiliens se concentrent sur les coupes les plus rentables, les filets.

L’importance des « clauses miroir »

Pour le secteur sucrier, déjà bousculé par les facilités accordées à l’Ukraine, les 190 000 tonnes ne représentent que 1,2% de la production européenne, mais la moitié des exportations françaises vers les autres pays de l’UE, qui représentent la grande majorité des exportations totales du pays. Cela ne veut pas dire «ne fera que déstabiliser ce marché»notamment pour la France, explique Alain Carré, agriculteur et président de l’interprofession (AIBS). Les filières de l’éthanol, du miel et du porc sont également à risque, souligne Stefan Ambec, économiste à l’institut de recherche Inrae, qui évoque notamment le risque d’une baisse des prix payés aux agriculteurs européens. « Les coûts de production diffèrent et le problème est que les normes sanitaires et environnementales ne sont pas les mêmes. »

La Commission nous assure : « Tout produit du Mercosur doit répondre aux normes strictes de l’UE en matière de sécurité alimentaire. » L’accord de libre-échange Ceta avec le Canada, par exemple, n’a pas respecté ses quotas d’exportation de viande depuis six ans en raison d’un manque de production aux normes, argumente un responsable européen. LE « Conditions de production » dans le Mercosur ne sera pas forcément la même qu’en Europe, reconnaît Bruxelles. Les opposants à l’accord réclament « clauses miroir »: que les règles imposées aux agriculteurs européens en matière sociale, environnementale ou de bien-être animal s’appliquent également aux producteurs du Mercosur afin d’éviter des distorsions de concurrence. C’est « vendu comme un accord nouvelle génération prenant en compte les aspects environnementaux et climatiques mais les engagements sont faibles : il n’y a pas de conditionnalité »note Stéphane Ambec.

Comment garantir le respect des normes sanitaires ?

« En théorie, les viandes traitées par exemple aux antibiotiques et aux hormones de croissance ne peuvent pas entrer, mais en pratique la traçabilité est imparfaite »explique l’économiste. « Il y a des audits d’abattoirs organisés avec la Commission, mais on ne contrôle pas facilement le cheptel avant cette étape. Le traçage de la naissance à l’abattage, dans le Mercosur, n’existe qu’au Uruguay Et de fait, un audit de l’UE vient de révéler des failles dans les contrôles de la viande bovine au Brésil, incapables de garantir l’absence de l’hormone estradiol, interdite en Europe. En attendant que les procédures soient réexaminées, le Brésil a suspendu ces exportations.

L’accord comprend « une clause échappatoire »une sorte de « frein d’urgence » en cas d’augmentation brutale des importations ou d’effets pervers sur le marché, souligne Bruxelles. Mais cette clause « ne définit pas » des conditions précises, constate Stefan Ambec : de quoi compliquer son déclenchement (le rétablissement des droits de douane) sans mesures de rétorsion.

Opportunités pour l’industrie et les services européens

Pour compenser l’ouverture du marché agricole de l’UE, les principales industries du Vieux Continent augmenteraient considérablement leurs exportations de produits et de services. Notamment dans les secteurs de l’automobile, du textile, de la pharmacie et de la chimie, qui devraient largement bénéficier de nouveaux débouchés. La Commission européenne n’a jamais caché que l’agriculture européenne était une « monnaie d’échange » dans cette gigantesque transaction qui concerne 800 millions de personnes et porte entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations chaque année.

Tout porte donc à croire que l’industrie européenne est la grande gagnante du traité, qui doit offrir de nouveaux débouchés à ses produits et services. A commencer par le secteur automobile et ses grands constructeurs allemands, italiens mais aussi français. Selon l’analyse d’impact commandée par la Commission européenne, les exportations européennes de véhicules et de pièces détachées pourraient augmenter de 114 %, dans un scénario ambitieux. Les chiffres de croissance des exportations des autres industries sont tout aussi éloquents : 47 % pour les produits pharmaceutiques et chimiques, 149 % pour les équipements électroniques, et même 424 % pour le textile et l’habillement. Toutes les parts de marché gagnées d’un côté sont des emplois menacés de l’autre. Les entreprises industrielles des pays du Mercosur seront les premières à souffrir de cet accord.


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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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