Tout comprendre au franc CFA et pourquoi le président Faye n’en veut plus
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Tout comprendre au franc CFA et pourquoi le président Faye n’en veut plus

Elu à la majorité des voix dès le premier tour, le nouveau président du Sénégal Bassirou Diomaye Faye a promis des changements majeurs pour son pays. Parmi eux, la fin du franc CFA.

Une volonté qui revient fréquemment dans la société civile des pays africains utilisant cette monnaie. Mais quel est le problème avec le franc CFA ? Et comment ça marche ? On vous explique tout en trois questions, et cinq minutes de lecture, montre en main.

Est-ce que cette chose existe encore ?

Pour quelqu’un qui ne suit l’économie que de loin (on vous pardonne), cela peut paraître anachronique qu’une monnaie liée à la France soit toujours en vigueur en Afrique, plusieurs décennies après la décolonisation. Et pourtant, oui, le franc CFA existe toujours.

Actuellement, la France a un accord avec trois partenaires africains.

  • L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui comprend huit pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

L’UEMOA utilise le franc CFA, le franc de la communauté financière africaine

  • La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), qui compte six membres : le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

La Cemac utilise un autre franc CFA, le franc africain de coopération financière.

  • Les Comores (oui, à elles seules), qui utilisent le franc comorien.

Il existe donc actuellement non pas un, mais deux francs CFA. Ils ont la même valeur, les mêmes initiales, les mêmes accords avec la France (au moins avant, on y reviendra), mais non, ce ne sont pas les mêmes, indique Samuel Guérineau, enseignant-chercheur à l’Université Clermont Auvergne et à le Centre d’études et de recherches en développement international.

Comment ça fonctionne ?

Quel que soit le franc CFA, ce dernier a un taux de change fixe avec l’euro. Ceci est censé garantir une monnaie, et donc une économie, plus stable face aux incertitudes, car liée à une monnaie plus forte – et donc plus solide. Cette caractéristique du franc CFA n’est ni surprenante ni spécifique. La majorité des pays en développement utilisent un taux de change fixe », estime Samuel Guérineau, pour les raisons évoquées plus haut.

Mais ce qui est bien plus atypique, voire unique au monde, c’est l’accord avec la France. Cette dernière garantit de prêter une monnaie forte, l’euro, à ces pays si nécessaire. En échange, les pays doivent stocker la moitié de leurs devises auprès du Trésor français.

Initialement, les banques centrales respectives, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la Banque des États de l’Afrique centrale, étaient même situées en France, autre partie à l’accord. Samuel Guérineau observe avec un euphémisme : « Cela n’a pas donné beaucoup de souveraineté. » Après les nouveaux accords de 1973, les banques centrales sont rapatriées en Afrique, premier pas vers une plus grande indépendance. «Mais il y avait encore des représentants français dans les organes de la banque centrale, ce qui suggérait une influence française, voire un droit de veto. »

En 2019, nouvelle avancée vers plus d’indépendance pour l’un des deux francs. L’UEMOA, dont fait partie le Sénégal, est en train de renégocier les accords de 1973. « Il n’y a plus de représentant de la France dans les instances, les Etats africains ne sont plus obligés de déposer une partie de leurs réserves en France, et un changement de nom est également évoqué. »

Pourquoi le franc CFA fait-il polémique ?

« Les principales critiques économiques pointent vers une monnaie surévaluée, qui empêche les États africains d’être compétitifs », explique Samuel Guérineau. Une fouille qu’il trouve injustifiée sur le long terme. « Lorsque l’euro est fort, il a parfois pénalisé les pays africains. Mais lorsque l’euro se déprécie face au dollar, ce dernier est gagnant. Actuellement, les évaluations du taux de change ne révèlent pas un niveau de surévaluation trop élevé. »

Aussi, les pays africains auraient une politique monétaire contrainte, car ils sont obligés de suivre la politique économique de l’Europe. En fait, cette contrainte existe mais le contrôle des capitaux laisse une certaine marge de manœuvre. Plus restrictifs, les pays ne peuvent pas dévaluer librement leur monnaie comme l’a par exemple fait le président argentin. Ils doivent trouver un accord avec les autres pays de l’union monétaire ET avec la France, ce qui est beaucoup.

« Les contraintes économiques résultant des accords avec la France ne sont pas en elles-mêmes beaucoup plus fortes qu’avec la Banque mondiale ou le FMI, mais il est certain que ce n’est pas la même chose de négocier avec une institution internationale et avec un pays », plaide Samuel. Guérineau. Si les critiques économiques lui paraissent « exagérées », il reconnaît : « Symboliquement et politiquement, le franc CFA pose un vrai problème. »

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