tous les accusés condamnés à des peines allant jusqu’à 16 ans de prison – Libération
Dans la salle d’audience en bois clair, cris, applaudissements et larmes ont ponctué le verdict rendu par la cour d’assises spécialement composée. Au terme de sept semaines d’audience, les juges ont prononcé des peines sévères, allant de 3 ans avec sursis à 16 ans de réclusion criminelle, contre les huit accusés impliqués, à des degrés divers, dans la spirale ayant abouti à l’assassinat de Samuel Paty. , 16 octobre 2020. «Ces actes d’une barbarie absolue constituent une atteinte irrémédiable aux valeurs de la République, notamment la laïcité, et au sanctuaire qu’est l’école, provoquant une émotion considérable dans le pays, plus particulièrement dans le corps enseignant, et une rupture définitive et traumatisme durable, en particulier pour son fils de 5 ans », a déclaré le président, Franck Zientara.
Devant les caméras, les avocats de la défense ont déploré une décision avant tout politique : « La juridiction a cédé aux sirènes de l’opinion publique » a tonné Vincent Brengarth, l’un des avocats du militant islamiste Abdelhakim Sefrioui. « Pourquoi organiser ces procès si c’est simplement pour se venger ? Une loi du Talion ? La justice seulement de nom ? a ajouté Louise Tort, une des conseillères de Brahim Chnina, le père de l’écolière à l’origine du mensonge. Parmi les dernières personnes à apparaître dans la salle des pas perdus, Gaëlle Paty, l’une des deux sœurs du professeur d’histoire-géographie, a fait ressortir son « relief » : « Je suis ému d’entendre ce mot « coupable ». Est-ce que cela résout le problème ? Je ne dirais pas ça, mais c’est ce que je voulais entendre.
Qualification de terroriste
Jusqu’à ce que la cloche retentisse ce vendredi à 20 heures précises, le verdict était incertain. Car les sept semaines de débat n’ont pas permis de faire émerger une qualification claire pour définir juridiquement les faits reprochés aux huit accusés impliqués dans la spirale qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty. A l’inverse, ils ont conduit le parquet national antiterroriste (Pnat) à revoir à la baisse son réquisitoire, demandant une requalification de la moitié des charges retenues et suscitant l’ire des parties civiles.
C’était l’un des principaux enjeux de ce procès : le tribunal a retenu la qualification de terroriste pour Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, un vieux vétéran du militantisme islamiste venu lui prêter main forte. Dans leur verdict, les juges ont considéré que les deux « concertés pour donner une plus large publicité aux faits dans un contexte de republication de caricatures, malgré les avertissements ». Dans « attisant la colère et la haine » d’Abdoullakh Anzorov, l’auteur des faits, ils « a contribué à son action » et sont « est devenu son bras armé ». Dès le 7 octobre 2020 et pendant dix jours, les deux hommes ont multiplié les diatribes contre le professeur sur WhatsApp, Facebook et YouTube, appelant notamment au limogeage. « cette personne malade ». Pour avoir ainsi contribué à désigner le professeur du terroriste Abdoullakh Anzorov, le tribunal l’a reconnu coupable d’association de malfaiteurs terroriste. Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, désignés comme auteurs du « campagne de haine » contre Samuel Paty, ont été respectivement condamnés à 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « Malgré l’extrême gravité des faits, il n’est pas démontré que vous souhaitiez une issue fatale », a toutefois souligné le président.
La décision de la cour d’assises spécialement composée n’était pas évidente. Aux yeux de la défense, qui a œuvré lors des plaidoiries à remettre en cause la qualification de terroriste, ce verdict va plus loin que la jurisprudence. « Aujourd’hui, avec cette extension de l’association de malfaiteurs terroriste, n’importe quel militant pourrait être poursuivi. L’État de droit n’est pas respecté. a tonné Me Ouadie Elhamamouchi à la sortie du tribunal. Car, à l’issue des débats, aucun élément n’a été trouvé démontrant que l’un de ces deux accusés nourrissait des ambitions jihadistes ou avait connaissance du projet d’Anzorov, rendant difficile la détermination de l’intention terroriste. « Quand nous avons des actes positifs, un achat d’arme, une fourniture de papiers, des actes matériels, l’intention en découle », avait jugé Frank Berton, l’un des avocats de Brahim Chnina, lors de sa plaidoirie. Mais concernant les deux accusés clés du procès, quels actes ont-ils pu constituer des actes préparatoires au projet terroriste ? Leurs messages Whatsapp ou leurs vidéos sur les réseaux sociaux ? « Nous vous demandons de créer la loi. Empiéter sur le pouvoir du législateur. Aller dans une région où personne n’est allé jusqu’à présent », a déclaré Vincent Brengarth, l’un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui.
«Je regrette du fond du cœur»
Face à l’accusé, le président a précisé qu’il avait pris en compte l’état de santé fragilisé de Brahim Chnina, sa situation familiale ainsi que « l’ascendant (de Sefrioui sur lui) lors des événements ». En effet, lorsque leurs chemins se croisent en 2020, Brahim Chnina a le sentiment d’être face à un homme. « une note au-dessus de lui. » Il refuse de fumer devant lui, lui crie dessus et répète ad nauseam ses éléments de langage, notamment le terme « voyou » pour désigner Samuel Paty. Refusant d’admettre que le prédicateur le manipulait, il a néanmoins déclaré lors des débats : « Si j’avais été seul, cela ne se serait pas passé comme ça. »
Durant les sept semaines du procès, leurs attitudes furent parfois diamétralement opposées. D’un côté, Brahim Chnina était dépeint comme un homme dévoué, un papa acharné et aveuglé par son envie d’aider sa fille. Lors de son interrogatoire sur les faits début décembre, l’homme de 52 ans a tenu à assumer sa part de responsabilité et à se tourner vers la famille de Samuel Paty pour demander pardon. Une position à laquelle il est resté fidèle ce jeudi, veille du verdict, lors d’un dernier discours dans la salle des Grands Procès du palais de justice de Paris : « Bonjour Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du Tribunal, les parties civiles, toute la famille de M. Paty, et particulièrement Gabriel, son fils. Je veux encore m’excuser auprès de toi. J’étais égoïste, je voulais défendre et protéger ma fille et malheureusement j’ai échoué en tout. Je regrette du fond du cœur.
En revanche, le militant islamiste endurci Adelhakim Sefrioui avait surtout profité de son interrogatoire pour « pour blanchir (son) nom de l’ignominie commise le 16 octobre », croyant qu’il n’était pas « ne fait pas partie de la chaîne causale » : « Je suis à part » a-t-il conclu. Même son de cloche ce jeudi pour sa dernière prise de parole avant le verdict : « J’espère que ce procès a permis à la famille de Samuel Paty et à ses proches d’évoluer dans leur regard sur moi et de savoir que je n’avais rien à voir avec ce crime. »
Complicité dans un assassinat terroriste
Concernant le deuxième groupe d’accusés, à savoir les deux amis du terroriste, Naïm Boudaoud, 22 ans, et Azim Epsirkhanov, 23 ans, le tribunal les a reconnus coupables de complicité d’assassinat terroriste et les a condamnés à 16 ans de prison. confinement criminel, suscitant la surprise et la forte émotion de leurs proches présents dans la salle. Si, au cours des débats, aucun élément ne démontrait que les deux associés étaient au courant du projet meurtrier d’Anzorov, le président a néanmoins estimé devant Azim Epsirkhanov : « Le tribunal a pris en compte le rôle que vous avez joué dans les faits lorsque vous aviez conscience de la dangerosité d’Abdoullak Anzorov, qui était votre ami d’enfance et dont vous connaissiez la radicalisation mais à qui vous n’avez pas hésité à proposer votre aide. »
Alors qu’ils risquaient tous deux la perpétuité, le président Franck Zientara a précisé à Naïm Boudaoud qu’il avait pris en compte son «jeune âge, 18 ans» à l’époque des faits. « Et donc votre immaturité, le fait de vous être présenté spontanément à la police et l’absence de signes de radicalisation violente », a poursuivi le président. Les qualifications retenues par les juges sont toutefois plus sévères que les réquisitions du Pnat, qui a demandé lundi, malgré les« une aide incontestée » des deux complices dans la logistique des derniers jours (la recherche de l’arme de poing, l’achat d’un couteau et d’une arme airsoft, ainsi que le transport sur les lieux des faits), une requalification de « complicité d’assassinat terroriste » » dans « association de malfaiteurs terroriste ».
Excuses et provocation
Finalement, les juges ont choisi de diviser le dernier groupe d’accusés, connu sous le nom de « jihadosphère » et composé d’Ismaïl Gamaev, Louqmane Ingar, Yusuf Cinar et Priscillia Mangel, en distinguant les deux premiers des deux derniers, conformément aux réquisitions de le procureur de la République. Si tous les quatre sont jugés pour avoir échangé sur les réseaux sociaux avec le terroriste Abdoullakh Anzorov avant son acte et, pour l’un d’eux, avoir partagé son message de protestation, seuls Ismaïl Gamaev et Louqmane Ingar ont été reconnus coupables d’association de malfaiteurs terroristes, un délit. pour laquelle ils ont été déférés au tribunal. Le premier a ainsi été condamné à 3 ans d’emprisonnement dont 30 mois avec sursis et le second à 3 ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis, leur permettant ainsi de ne pas retourner en détention.
À la suite de l’inculpation du procureur, Yusuf Cinar et Priscillia Mangel ont été respectivement reconnus coupables d’apologie aggravée du terrorisme et de provocation aggravée du terrorisme et condamnés à un an de prison et trois ans avec sursis, peine maximale. lumière. Devant une horde de journalistes, les avocats d’Abdelhakim Sefrioui ont déjà annoncé vouloir faire appel.