Deux jours après la belle victoire sur la pelouse de Montpellier (20-25), Franck Azéma a accepté de s’asseoir 45 minutes pour revenir sur l’actualité du club. L’entraîneur de l’USAP parle de son équipe, d’une éventuelle qualification et de sa manière de manager. Sans détour.
Après la victoire à Montpellier (20-25), le maintien en Top 14 est quasi assuré. L’USAP a-t-elle réussi sa mission ?
Cela réussira quand cela sera fait mathématiquement. Aujourd’hui, notre objectif est de préparer le prochain match contre Clermont. (SAMEDI 11 mai à 15h, NDLR). C’est une réalité. Nous sommes dans une bonne dynamique positive et il est important de la faire croître et de continuer à l’entretenir. Mais quand on est entraîneur, on sait très bien qu’on peut perdre les quatre prochains matches et jouer les 13e lieu. Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions nous en écarter. Nous devons assurer le maintien. Mais cela ne nous empêche pas de regarder vers l’avenir.
En début de saison, vous étiez le seul, au Midi Olympique, à pronostiquer l’USAP dans le Top 6 du championnat en fin de saison. Qu’est ce qui vous incite à penser ainsi?
C’est lié à mon caractère et à la connaissance que j’ai des gens qui m’entourent. Je connais l’équipe que nous avons. C’est peut-être trop ambitieux. Mais je ne pense pas être un rêveur.
Justement, quel était l’objectif affiché en interne en début de saison ?
Travaillez et concentrez-vous toujours sur le prochain match.
Après les quatre premiers matches perdus, avez-vous changé de discours ou d’objectif ?
Non, rien n’a jamais changé.
Après le début de saison manqué, vous avez demandé du temps. Est-ce que c’était le temps qu’il fallait pour créer l’amalgame dans le groupe ?
C’est difficile à définir. En général, on dit qu’il faut 18 mois pour essayer d’avoir quelque chose qui commence à tenir la route. Nous en sommes donc encore loin. Mais il était évident qu’avec la Coupe du Monde (9 joueurs absents, NDLR) et tous les changements dans le groupe n’allaient pas se produire en un clin d’œil. C’était une étape nécessaire. Il y a eu du gaspillage et des pertes, oui. J’aurais aimé qu’il n’y en ait pas.
Comment jugez-vous les progrès de l’équipe ?
Je trouve que, dans tous les secteurs, tout le monde a envie de s’améliorer. Dans notre façon de jouer, de défendre, dans la conquête, le médical, la préparation physique. Chacun a l’ambition de faire progresser chaque joueur, de se nourrir, d’apprendre et de le donner pour l’équipe. C’est important.
Y a-t-il eu un tournant à un moment donné de la saison ?
Je ne sais pas s’il y a eu un déclencheur. Je pense que cela s’est fait au fil des semaines, grâce à l’investissement de chacun. Voyez que tout ce que le joueur développe et travaille sur un sujet, eh bien, il voit les choses se produire et se réaliser. Et cela nourrit cette énergie. Après, bien sûr quand on était dans une spirale négative, la première victoire contre Toulon (26-22 novembre 4) était important. La capacité de s’imposer à Castres (13-17 décembre 31), c’était aussi important. Tout comme lorsque nous avons réussi à enchaîner les victoires. Ce sont ces choses qui vous mettent dans une dynamique positive. Ces trois points sont importants à mon avis.
Justement, vous parlez de dynamique positive. Vous êtes au milieu de tout ça en ce moment. Y a-t-il l’ambition d’aller encore plus loin ?
Je ne sais pas où cela va nous mener ! Aujourd’hui, il reste quatre matches à disputer. Et nous nous concentrons sur le prochain et sur la manière dont nous allons nous mettre en mesure d’y parvenir. Si nous parvenons à valider cette rencontre, il nous en restera trois. Et nous verrons où cela nous mène. Aujourd’hui, je pense qu’il y a suffisamment d’équipes qui planifient les phases finales et les qualifications. Certains l’annoncent depuis le début du championnat. Pour l’instant, nous n’allons pas plus loin.
Certains spécialistes parlent d’une équipe en surmenage. Qu’en penses-tu ?
Je ne pense pas que nous soyons surmenés. Parce que cela signifie que votre physique stagne, et je ne pense pas que ce soit le cas. Parce qu’à chaque fois, on a deux matches, un break, deux matches, un break. Il n’y a donc pas d’usure de ce type. Et nous sommes prudents dans notre gestion. Ensuite, être en surmenage par rapport à notre jeu signifierait qu’on n’a aucune certitude et qu’on ne sait pas où on va. Je ne sais pas qui dit ça, mais non, ce n’est pas le cas.
Il y a plusieurs mois, vous aviez annoncé à certains joueurs qu’ils ne seraient pas retenus à l’issue de la saison. Pour autant, la grande majorité, comme Kélian Galletier samedi, reste concernée à 100%. Comment avez-vous obtenu ce résultat ?
Je pense que c’est la force du vestiaire. C’est le respect qu’ils ont l’un pour l’autre. L’histoire a commencé bien avant. On récolte des choses de ce qui a été mis en place en Pro D2 et sur les deux dernières saisons de Top 14. À l’USAP, il y a toujours eu un vestiaire solide. Mais il doit être fort de la bonne manière. Si c’est lié au travail, à la performance et à la compétition, c’est toujours positif. Mais si on s’en écarte, ça ne devient pas un bon vestiaire.
« J’essaie avant tout de coller au plus près de l’identité de l’équipe, du club et des hommes »
Samedi, vous êtes apparu très ému à la fin du match contre Montpellier, même si vous avez souvent été aux commandes. Cette fois, l’émotion a pris le dessus ?
Non, mais c’est important de partager. Il y avait une communion. Nous avons déployé beaucoup d’efforts et il y a un temps pour tout. Là, on a eu une semaine sans compétition, donc j’ai voulu en profiter un peu. Mais à partir de ce lundi, je suis revenu au prochain match.
Parfois, on a l’impression de mettre une coquille. Est-ce pour vous protéger ?
Mon travail est d’essayer d’amener chacun à se dépasser et à progresser. Je ne pense pas jouer un rôle. Je n’ai pas de coquille, j’essaie d’être moi-même et d’être le plus réel possible avec les gens qui m’entourent. Cela peut peut-être être vu comme une protection mais je ne joue à rien.
Vous êtes très calme, très rationnel, et cela se reflète sur votre groupe, qui est exactement dans le même état d’esprit…
J’espère transmettre de bonnes choses, notamment ce qui est important pour moi. Nous jouons le championnat le plus dur du monde. Vous ne pouvez pas hésiter. Cela signifie en effet qu’il faut être solide. Mais j’essaie surtout de coller au plus près de l’identité de l’équipe, du club et des hommes. Je ne crois pas que nous soyons une équipe « plan plan » coincée sur des processus. Je crois que nous avons besoin de certitudes, mais aussi de prendre beaucoup d’initiatives et de nous exprimer. Il faut un mélange de tout ça. Je n’aime pas quand c’est blanc ou noir. La vie, comme le rugby, est toujours dans le gris.
On dit de vous à Toulon que vous êtes un manager qui sait tirer le meilleur des joueurs. A l’USAP, certains n’ont jamais eu ce niveau de jeu, pouvez-vous les améliorer ?
Je n’aime pas trop parler de moi… Peut-être que parfois les étoiles s’alignent. Nous avons un personnel qui travaille très dur et est très impliqué. Le timing est probablement aussi bon pour moi. L’équilibre reste fragile, mais il faut en profiter. J’essaie de m’envoyer un maximum et de transmettre. Si les joueurs y adhèrent, tant mieux. Mais je m’en nourris aussi beaucoup.
A Toulon, vous manquez à beaucoup, et qui plus est, sont heureux de vous voir réussir à Perpignan. Est-ce que cela vous affecte ?
Oui. C’est bien. Cela signifie que nous sommes respectés, que nous sommes désirables, mais surtout que nous sommes sur la bonne voie. Il reste encore beaucoup à stabiliser. Nous sommes sur un projet énorme et je sens que tout le monde a envie de s’y impliquer. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité monter un projet de territoire.
Il faut rester vigilant, vigilant, mais aussi regarder vers l’avenir.
Il y a un an, lorsque vous l’avez rejoint, le club se battait pour rester en Top 14. Aujourd’hui, il évolue en Top 6. Vous pensiez que ça irait si vite ?
Nous voulons toujours que les choses aillent vite. Mais j’ai un peu de recul et je sais que cela prend du temps. Après, quand des opportunités se présentent, il faut savoir les saisir. Il faut rester vigilant, vigilant, mais aussi regarder vers l’avenir.
À l’USAP, avez-vous transposé des choses de vos expériences précédentes ?
Vous ne pouvez pas faire deux fois la même chose. D’un autre côté, l’expérience vous fait gagner du temps. Cela permet d’anticiper pour ne pas faire deux fois la même bêtise. Mais je ne pense pas qu’il soit possible de faire deux fois la même chose. Sur certains sujets, il y a des similitudes avec ce que j’ai vécu à Clermont ou Toulon, il faut vite les reconnaître, et pouvoir se dire que ça ressemble à ce qu’on a vécu, mais que ce n’est pas la même chose.
Sinon, que fait Franck Azéma en dehors du rugby ?
J’aime profiter de ma famille. Ce sont des moments privilégiés. J’aime les choses simples, les amis, partager un bon repas… Avec la mer et la montagne, nous avons aussi ici un terrain magnifique et j’essaie d’en profiter.
Avez-vous des relations avec le XIII et les Dragons Catalans ?
Pas assez. J’aimerais aller les voir un peu plus souvent, que ce soit en match ou à l’entraînement. Si je peux, cette semaine, j’essaierai de m’en sortir. J’ai régulièrement Steve (McNamara, entraîneur des Dragons) et Neil (McIlroy, le directeur sportif) au téléphone. Je suis ce qu’ils font parce que j’aime ça, mais aussi parce qu’ils m’ont très bien accueilli à une époque où j’étais à l’arrêt. J’ai passé de bons moments avec eux et cela m’a fait beaucoup de bien. Nous nous sommes bien entendus. Je suis frustré car j’aimerais qu’on travaille davantage ensemble, mais la différence des saisons rend les choses compliquées pour eux comme pour nous.