Vous aviez pris l’habitude, depuis deux ans, de payer votre farine, votre beurre ou votre sac de pommes de terre au moyen des titres-restaurant cofinancés par votre employeur ? Théoriquement, cela n’est plus possible depuis le 1er janvier 2025. Utiliser ses tickets resto pour régler ses dépenses courantes en magasin relevait, en effet, d’une dérogation, mise en place, en 2022, pour aider les consommateurs à faire face à la spirale inflationniste.
En novembre 2024, l’Assemblée a adopté le projet de prorogation de la mesure en 2025 mais la censure du gouvernement Barnier a remis les compteurs à zéro. Du moins, tant qu’un nouveau budget n’a pas été voté.
Désormais, vous ne pouvez donc plus utiliser vos titres-restaurant qu’à raison de 19 euros, maximum, au lieu de 25 euros précédemment. Et ces 19 euros ne peuvent servir, en magasin, qu’à l’achat de denrées prêtes à consommer. Pour schématiser : oui aux sandwiches, salades composées, tranches de jambon, quiches et pizzas à réchauffer, ou bouteilles de jus de fruit vendues à l’unité. Mais non à l’huile, aux œufs, aux pâtes crues, au boudin de mozzarella à cuisiner. Objectif : réaffecter l’argent des tickets-restaurant à leur objet initial, le financement de repas et d’en-cas pour les salariés qui ne disposent pas d’un self d’entreprise.
Au petit bonheur la chance
Oui mais voilà. D’un magasin à l’autre, la règle est plus ou moins bien appliquée. Voire pas du tout. Le Télégramme en a fait l’expérience. Vendredi, nous avons passé sans encombres notre beurre, notre farine, et même nos glaces, sur le tapis d’une grande surface finistérienne. À notre surprise, 25 euros ont été déduits de notre carte Swile. « Nous-mêmes n’y comprenons rien », nous a soufflé l’hôtesse de caisse.
Samedi, nous avons donc retenté notre chance dans les Côtes-d’Armor, chez une enseigne concurrente. Mais, cette fois, nous n’avons pu utiliser nos titres-restaurant qu’à hauteur du plafond abaissé à 19 euros, malgré 26,59 euros d’articles éligibles, selon le récapitulatif de nos dépenses. « Notre logiciel de caisse n’a pas été reparamétré mais la direction nous a demandé d’être vigilants, nous a glissé l’hôtesse. Et là, je sais que parmi les courses que j’ai scannées, vous aviez suffisamment de denrées immédiatement consommables. »
Des caisses non reparamétrées
Pourquoi ces différences de traitement ? « Parce que le projet de loi visant à proroger la dérogation doit être réétudié le 15 janvier au Sénat et, s’il est voté, les règles de 2024 redeviendront en vigueur, dans la foulée », explique Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du commerce coopératif et associé.
Opérer une mise à jour des logiciels de caisse pour, peut-être, seulement quelques jours ? Lourd techniquement. « Surtout, les enseignes de la grande distribution sont peu enclines à devoir expliquer aux familles qui viennent acheter un pack de lait ou un kilo de riz qu’elles ne peuvent pas les payer en titres-restaurant, même si c’est provisoire. S’exposer à l’incompréhension et à la colère de la clientèle, si c’est pour revenir en arrière la semaine d’après… »
Les Français favorables à une nouvelle prorogation
C’est sans doute la raison pour laquelle Bercy a, pour le moment, exclu les contrôles à tout-va. D’autant qu’en ce début janvier, même les gestionnaires de titres-restaurant (c’est le cas de Swile), n’ont pas mis leur interface à jour et affichent toujours un plafond journalier utilisable de 25 euros. « 96 % des bénéficiaires de tickets resto souhaitent pouvoir les utiliser pour faire l’ensemble de leurs courses alimentaires », souligne Olivier Urrutia, dont la fédération associe aussi bien des enseignes de la grande distribution que des chaînes d’hôtellerie-restauration.
Sur 14 milliards d’euros de tickets resto de 2023, 8,6 milliards ont bénéficié à la restauration traditionnelle ou rapide, selon une étude C-Ways, 2,9 milliards à la grande distribution et 2,5 milliards aux commerces de proximité.