Test : Sonic x Shadow Generations, la nostalgie a deux vitesses
Si Nintendo était le grand rival de Sega dans les années 1990, le constructeur japonais en est désormais le partenaire, et même son inspirateur : sur le modèle de Super Mario 3D World + Bowser’s Fury, la réédition augmentée Sonic x Shadow Generations a greffé une nouvelle aventure moderne sur un ancien titre pour inviter les joueurs à réessayer. C’est vrai qu’un simple remaster de Générations sonores aurait été un peu court, dans tous les sens du terme, puisque l’ode à service aux fans ne dure que quatre à cinq heures. Il s’avère également que cet épisode anniversaire tolère relativement mal le vieillissement, et ce petit passage au micro-onde révèle tout un tas de crasses que l’excitation du moment avait réussi à masquer (pour certains joueurs) en 2011.
Bien que Générations sonores est un jeu de plateforme compétent à tous égardsun souvenir cristallisé dans une jolie direction artistique et musicale, il se révèle aussi très inégal dans sa courte durée. Chaque monde est tiré d’un jeu principal de la franchise, du premier Sonic the Hedgehog à Sonic Colors, et est divisé en deux actes (soit deux niveaux) où nos deux protagonistes peuvent se dégourdir les jambes à loisir. Mais si renouer avec les précédentes recettes de la Sonic Team est toujours un plaisir, le Sonic classique s’avère relativement pataud, gêné par une physique assez lourde et peu maniable (surtout lors des sauts), tandis que le Sonic moderne souffre plutôt d’imprécisions diverses dans maniabilité, sans jamais autant frustrer que sa version minipush.
Ces contrôles approximatifs ne sont pas facilités par un conception de niveau très inégal : si Rooftop Run (Sonic Unleashed) confine au génie dans ses deux variantes, d’autres zones, comme Planet Wisps (Couleurs sonores) ou Crisis City (Sonic the Hedgehog 2006) se transforment vite en labyrinthes déroutants où chercher le meilleur chemin possible est un sacerdoce à cause d’obstacles trompeurs, d’une caméra un peu trop proche de l’action qui empêche de voir clairement les prochains passages à venir, ou encore juste une mauvaise construction générale. Sega parsème ces niveaux d’anneaux rouges et de Chaos à trouver, soit huit secrets par acte, mais au final, on se retrouve souvent injustement puni par un conception de niveau sournois où il est impossible de corriger nos erreurs. De plus, trouver les secrets implique parfois de s’arrêter, de regarder, ou de participer à une phase de plateforme un peu incongrue, qui contrevient directement à la philosophie fondamentale de Sonic : courir, toujours courir, accélérer jusqu’à la ligne. arrivé sans presque jamais freiner. Il faut y aller vite !
Ces taches sombres occultent un vrai bon sens de la mise en scène où Sega s’amuse à revisiter ses meilleurs niveaux sous de nouveaux angles, à l’image de l’emblématique City Escape (Sonic Adventure 2). Trouver les secrets débloque de nombreux bonus – arts conceptuelsmusique… – dans la galerie et Générations Sonic x Shadow comprend également des défis d’intérêt variable qui remixent chaque niveau avec de nouvelles conditions de victoire et de nouveaux chemins. Bref, tout n’est pas à jeter, loin de là, mais cette bonne vieille manège montre quelques rides, surtout quand on retrouve le boss final incompétent qui compte probablement parmi les pires adversaires de la franchise en termes de design.
A noter également que la remasterisation annoncée de Générations sonores est quasiment inexistant : autant jouer avec les sept différences entre les deux versions pour tenter de retrouver les changements visuels apportés. Il s’agit d’un portage très paresseux par rapport aux normes de réédition actuelles. On peut aussi regretter l’absence de niveaux exclusifs à la version 3DS ainsi qu’un manque de reconnaissance pour les titres majeurs sortis depuis, comme Sonic Lost World ou Sonic Mania, mais on peut quand même comprendre que la Sonic Team ait préféré concentrer ses ressources ailleurs. .
Maintenant que nous avons réglé tous nos griefs concernant Générations sonores et son manque de développements, tournons-nous vers le chapitre Shadow, qui élève drastiquement le niveau en comparaison. C’est un véritable choc thermique. Si l’aventure du hérisson noir est encore plus courte en ligne droite que celle de son homologue bleu, elle est bien mieux réalisée, avec une série de niveaux époustouflants entre l’ARK (Sonic Adventure 2), Sunset Hills (Sonic Forces) et Chaos. Island (Sonic Frontiers) pour n’en nommer que quelques-uns. Avec une palette de mouvements plus complète, Shadow est beaucoup plus maniable, et ses niveaux offrent de nombreuses interactions variées. Le rythme est mieux géré, et si vous ratez un passage secret, vous ne pouvez en vouloir qu’à vos réflexes, pas à l’appareil photo ni au conception de niveau.
Pendant que Sonic et ses amis poursuivent le Dr Eggman, Shadow est coincé dans son propre hub au carrefour des lignes temporelles, un « espace blanc » où des fragments de niveaux sont dispersés pour encourager l’exploration. Ce hub devient de plus en plus complet à mesure que l’on apprend de nouvelles compétences et regorge lui-même de secrets, comme des coffres contenant des objets pour la galerie, ou des boulons à rapporter à Cubot et Orbot pour construire une fusée. De quoi vous occuper entre les niveaux. Cette forte densité d’interactions offre une vision plutôt aboutie de Sonic dans un monde semi-ouvert et Sega devrait en tenir compte pour les prochains épisodes.
Quant à l’intrigue, on reste simple : l’extraterrestre Black Doom veut toujours prendre possession de Shadow, car il n’est pas vraiment mort dans Shadow the Hedgehog, et l’ignoble conquérant ourdit désormais des intrigues dans le vide entre les chronologies. Il va donc falloir lui botter les fesses. Générations Sonic x Shadow confère au hérisson noir de nouveaux pouvoirs directement inspirés de Black Doom et de ses aliens. Car oui, rappelez-vous, s’il se déclare toujours « la forme de vie ultime », c’est parce que du sang extraterrestre coule dans ses veines. Shadow peut ici déployer des ailes, surfer sur une raie manta, se transformer en poisson de chair ou simplement envoyer des rafales d’énergie pour activer des boutons, ou immobiliser des ennemis ; son attaque télécommandée n’est pas une précipitation mais plutôt une téléportation qui peut franchir des portes pour accéder à de nouveaux emplacements. Enfin, le point culminant du spectacle est Chaos Control, un arrêt momentané dans le temps où l’on peut se déplacer à loisir, pour sauter sur des missiles en plein vol et accéder à de nouvelles plateformes par exemple.
Au fur et à mesure que nous progressons, la Sonic Team rend les niveaux suffisamment complexes pour exploiter tous nos pouvoirs extraterrestres, ce qui signifie autant de boutons sur lesquels appuyer en rythme pendant que nous courons de bâtiment en bâtiment. Alors le studio japonais s’amuse à nous jeter des situations improbables à la figure. Dans Sunset Hill, nous devons éviter les bombardements constants des robots d’Eggman et courir entre les explosions ; affronter le Seigneur du Métal (Héros soniques) nécessite de maîtriser le surf pour slalomer entre les piliers d’une plateforme pétrolière ; traverser la Vallée du Royaume (Sonic le hérisson (2006)) nous catapulte parfois à travers les vitraux d’une cathédrale. Générations Sonic x Shadow se révèle finalement généreux en adrénaline. Son boss final efface complètement l’honneur du jeu de base et propose un affrontement épique, avec des mécaniques simples, mais une exécution impeccable, comme un jeu GameCube trouvé dans un tiroir. Déjà un excellent souvenir.