Tentatives d’agression sexuelle, scènes de nu, castings pervers… Dans les colonnes de Libérer, L’actrice française Juliette Binoche revient sur son parcours professionnel à l’aune de la révolution MeToo.
Elle raconte notamment cette histoire, alors qu’elle était encore au lycée. « J’ai filmé deux jours Liberté belle. Le réalisateur Pascal Kané m’invite à dîner à l’hôtel Nikko dans les hauteurs d’une tour pour me parler, m’a-t-il assuré, d’un autre projet. Alors qu’il me montre la vue sur le front de Seine, il se jette sur moi pour m’embrasser. Je le repoussai vigoureusement : « Mais j’ai un amant ! Je ne pouvais pas y croire. »
« Un geste que je préfère oublier »
En 1984 alors que Juliette Binoche n’avait que 20 ans, lors du tournage de Rendez-vous d’André Téchiné, « il y avait un geste que je préférerais oublier », explique-t-elle. « Une main, pendant qu’on tournait, est soudainement venue toucher mon sexe. Personne ne m’avait prévenu, encore moins demandé mon accord. J’étais abasourdi. Mais je n’ai pas pu le dire. Je n’ai jamais su si cette main venait d’une demande du réalisateur, ou si c’était l’acteur qui avait pris cette liberté et je n’ai pas vraiment envie de le savoir. »
Quelques années plus tard, à propos du film Blue de Krzysztof Kieślowski, elle déclarait : « le réalisateur est entré dans ma caravane pour me peloter. Je l’ai repoussé, il n’a pas insisté. Lena Olin, qui jouait l’autre rôle féminin, m’a dit qu’elle avait fait les mêmes tentatives. »
« On lui demandait souvent de se déshabiller pour un casting »
La célèbre actrice française parle longuement dans les colonnes du quotidien de « ce besoin effréné de corps nus dans le cinéma des années 80-90 (qui) ne concernait que les jeunes femmes, rarement les hommes ». Elle évoque notamment une scène, sur le tournage du film Alice et Martin d’André Téchiné en 1997. « Je n’aimais pas l’idée du plan nu. André a juré qu’il l’enlèverait si je le lui demandais une fois le film monté. Il n’a pas tenu parole. Le producteur a dû intervenir. Cette trahison m’a vraiment déçu, peut-être encore plus que le projet lui-même. »
Juliette Binoche évoque également les nombreux castings auxquels elle a participé. « On lui demandait souvent de se déshabiller pour un casting. J’ai obéi. Mais il y a eu une fois de trop : sous le regard de Sébastien Japrisot, auréolé du succès duUn été meurtrier qu’il avait écrit, nous devions jouer encore et encore les mêmes scènes en sous-vêtements et en jarretières. Je suis parti au milieu de ce casting en colère, j’ai compris que l’intention poursuivie n’était pas celle du film. »
« Toutes ces blessures provoquent la rage »
A tout juste 60 ans, l’actrice explique que « toutes ces blessures provoquent une rage, une révolte. Mais aucune envie d’arrêter. » « Les coups bas, les gestes déplacés, les propos sexistes : je ne les oublie pas, ils empoisonnent la vie, mais ils restent secondaires. Finalement, tout est pardonné. Tout se transforme, tout m’a sculpté. L’envie de se donner par le jeu reste plus forte. »
A propos de la prise de parole d’actrices racontant avoir été victimes de violences sexuelles, elle explique : « Je suis soulagée de voir et d’entendre les témoignages de femmes et d’hommes qui osent dénoncer les abus qu’eux et elles ont subis. Ce n’est pas facile d’exposer sa vie privée, et nous devrions tous les remercier. »