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Tempête Boris en Europe centrale : pour l’agro-climatologue Serge Zaka « un phénomène complètement fou »

Les premiers effets de la tempête « Boris » se font sentir en Europe centrale, avec au moins quatre morts en Roumanie. Pour Serge Zaka, il faudra rester vigilant jusqu’au milieu de la semaine prochaine.

Le phénomène météorologique Boris a commencé à faire des ravages en Europe centrale, provoquant la mort d’au moins quatre personnes dans l’est de la Roumanie. La Roumanie, la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, l’Allemagne et l’Autriche sont en alerte. Serge Zaka, docteur en agro-climatologie et habitant l’Hérault, alerte sur les effets dramatiques attendus de cette « goutte de froid » exceptionnelle.

En Bavière, les habitants s'efforcent de contenir les inondations avec des sacs de sable.
En Bavière, les habitants s’efforcent de contenir les inondations avec des sacs de sable.
dpa – Lennart Preiss

En quoi le phénomène météorologique « Boris » qui balaie l’Europe centrale est-il historique ?

C’est un phénomène complètement fou, à plusieurs titres. 100 mm de pluie vont tomber sur une surface qui couvre un quart de la France. On n’a pas assez de données sur les précédents, en 1930, 1997 et 2002.

Les météorologues n’ont jamais vu une telle surface sous des pluies torrentielles, c’est comme s’il tombait 100 mm de Dunkerque à Clermont-Ferrand à Strasbourg. Quand 100 mm tombent sur une station pendant trois jours, on trouve déjà cela extraordinaire. La surface concernée ici est insensée.

Ensuite, le phénomène est extraordinaire du fait de la diversité topographique des territoires touchés, plaines et reliefs, où 300 mm de pluie peuvent se transformer en 2 mètres de neige, en plein mois de septembre ! Enfin, les grandes villes, Bratislava, Vienne, Prague, et les grands fleuves, comme le Danube, seront exposés à des risques de crues majeures. Certains fleuves auront déjà monté d’un mètre, d’autres seront à un niveau de + 5 mètres, + 8 mètres…

Demain, de nombreux fleuves d’Europe centrale devraient atteindre des niveaux spectaculaires, marquant une anomalie statistique si inédite que l’Institut d’hydrologie a dû en revoir l’échelle d’urgence.

L’Oder à Ostrava est prévu à 9,40 m, contre… 90 cm en temps réel… pic.twitter.com/CTUIjNFDKU

– Dr Serge Zaka (Dr Zarge) (@SergeZaka) 14 septembre 2024

Est-ce la faute du changement climatique ?

Pas nécessairement. On parle d’un cyclone, mais ce n’en est pas un. C’est une dépression, une goutte froide qui évolue sur une trajectoire particulière, appelée 5 B, bien connue des météorologues.

Il descend d’Angleterre, passe par la France et nous apporte les températures glaciales des derniers jours, il descend vers la Méditerranée et remonte vers l’Europe centrale, où il est bloqué par l’anticyclone stationné en Scandinavie.

Le phénomène météorologique est le résultat d’un conflit entre la masse d’air froid et une masse d’air quasi tropicale stationnée en Ukraine.

« Le changement climatique n’est pas la cause de Boris, mais il aggrave la situation »

Et quelle est l’influence du réchauffement climatique ?

Elle n’est pas la cause de la dépression, elle en accentue le phénomène. Chaque degré gagné équivaut à une évaporation de + 7% de vapeur d’eau et de + 3% de précipitations.

En 2021, la Belgique et plus largement l’Europe occidentale ont été exposées à un phénomène similaire, qui a fait au moins 200 morts et causé des dégâts considérables.

Un scénario catastrophe est à nouveau annoncé cette fois-ci, les prévisions sont-elles fiables ?

La fiabilité des prévisions dépend du nombre de modèles qui dessinent le même scénario.

Cette fois, tout le monde est sur la même longueur d’onde. La seule chose qui change est l’ampleur du phénomène prédit : certains prévisionnistes annoncent 100 mm, d’autres 400 mm.

Cinq pays d’Europe centrale sont en état d’alerte depuis trois jours. Ce n’est pas anodin car il s’agit d’un phénomène très coûteux. En 1997, lorsque le même phénomène s’était produit, les autorités avaient été accusées d’avoir tardé à réagir.

Cela s’est reproduit en 2002. Ce n’est pas nouveau. La particularité de l’épisode actuel est que pour la première fois, nous pouvons suivre les événements quasiment en direct. Ce sera une étude de cas pour les hydrogéologues et les météorologues.

Et si on demande à la population d’être vigilante, il faudra voir l’impact sur l’agriculture, les récoltes ne sont pas toutes rentrées, sur l’industrie, sur la manière dont va se jouer la solidarité…

« Voir le même phénomène en France me paraît inconcevable »

Un tel phénomène est-il possible en France ?

Non, cela me paraît inconcevable. Le phénomène météorologique le plus extrême qu’ait connu la France s’est produit en 1940, à Saint-Laurent de Cerdans. 1000 mm de pluie sont tombés sur la commune. Mais c’était sur une zone étroite, dans une région historiquement sujette à ce type de phénomène.

Quand le phénomène Boris atteindra-t-il son apogée ?

Il nous reste encore deux jours de pluie, ce qui ne veut pas dire que le phénomène sera terminé. A Salzbourg, la Salzach est déjà à la limite du débordement. Il faudra rester vigilant jusqu’à mercredi ou jeudi prochain.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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