Ce mercredi 24 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la Sfam. Cette société, basée à Romans-sur-Isère et filiale du groupe Indexia, a été assignée en justice par les Urssaf de Rhône-Alpes, qui réclamaient 11,6 millions d’euros d’impayés. Entre incompréhension et repentir, des salariés témoignent de pratiques commerciales douteuses.
Mis à l’index depuis plusieurs années pour ses pratiques commerciales, SFAM, filiale du groupe Indexiacourtier d’assurances, a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, mercredi 24 avril. L’URSSAF lui réclame 11,76 millions d’euros de dettes. L’entreprise dispose d’un délai de dix jours pour faire appel de la décision.
De nombreux salariés ressentent le coup, certains acceptent de s’exprimer sur les conditions de vente des produits d’assurance proposés par l’entreprise.
Téléconseillers, formateurs, encadrants, ils intervenaient à Roanne, dans les locaux de la SFAM.
Cela fait des mois qu’ils ont quitté l’entreprise, avant même l’annonce de sa liquidation. Entre dégoût et repentir, ils se souviennent de tout, du meilleur comme du pire.
Ils avaient en ligne des centaines de clients, qui souscrivaient des contrats d’assurance, parfois à leur insu, et subissaient des débits bancaires abusifs.
Ces anciens salariés ont accepté de témoigner de manière anonyme.
Un ancien télévendeur explique :Au début, c’était le bonheur, on avait de la gentillesse, des bons salaires, on ne va pas cracher dessus. Nous avions des conditions de travail qui étaient très bonnes ». Un autre continue « le patron était à l’écoute, nous avions des séminaires chaque année à l’étranger, Barcelone, Croatie. C’est vrai qu’on avait beaucoup d’avantages ». Une troisième raconte comment elle a démissionné de son poste de vendeuse dans le centre de Roanne pour être embauchée à la SFAM.
« La direction nous a dit « faites-nous confiance », c’est quand même votre patron qui vous dit ça » déplore l’ancien employé. Après, quand tu as un client qui appelle pour se plaindre, demander un remboursement, puis deux, puis 10, alors que c’est récurrent tous les jours, on se dit qu’il y a peut-être encore quelque chose de flou. »
Petit à petit, les salariés rentrent chez eux en mauvais état. Mais le lendemain, ils ont revécu la même scène : des personnes injustement prises, se plaignaient, les insultaient, les menaçaient.
« On pourrait se permettre, par exemple, de prendre des coordonnées bancaires sur un simple oui, sans forcément redemander.« .
« On a eu des mini-formations sur comment aborder l’excuse, pour resoumettre une offre, car en gros, 99% du temps, les gens étaient mécontents« .
« On avait un script à leur dire, ils devaient mettre tous les échantillons qu’ils avaient reçus dans un email. Mais en fait, cet email n’a pas été traité… c’était juste pour faire attendre les clients. »
« Ce qui était dérangeant ? Des retraits triples, quadruples, des gens qui nous appellent en détresse et nous disent « ça fait 3 mois, 6 mois, un an que j’attends un remboursement » et quand on voit que même nous, on n’avait pas de réponse à cette question. donnez-les, le dysfonctionnement est suspect. »
« J’ai gagné entre 2 et 3000 euros de bonus nets en plus de mes revenus fixes… on se rend compte quand on a entre 3 et 4000 euros par mois, bon évidemment, ça aide à fermer les yeux sur certaines pratiques« , reconnaît-on.
« Pour ce poste à Roanne, il y aura du travail, mais pas à ce salaire-là, et c’est comme ça qu’il nous tenait » l’autre l’admet amèrement.
Viennent ensuite le désenchantement, les doutes, l’indécision et le mal-être moral qui les pousseront à quitter l’entreprise.
« Psychologiquement, c’est compliqué et on arrive au stade où on a envie de repartir. Un dilemme pour ces salariés peu qualifiés ou peu expérimentés, «C’est compliqué de quitter un emploi bien rémunéré.»
« On se sent manipulé, on se sent sali, parce qu’on se dit que quelqu’un nous a mis de la poudre aux yeux, ils nous ont tenus avec l’argent et les avantages. »
« On a contribué au « vol », parce que pour moi c’est du vol, après ce n’est pas moi qui ai appuyé sur le bouton pour emmener tous ces gens… Je me sens quand même très coupable », regrette un ancien salarié. « Je regrette de ne pas m’être réveillé plus tôt… Je m’excuse »conclut le plus âgé des trois.
Des regrets qui ne rembourseront pas les milliers de clients trompés, alors que ces ex-salariés attendent également de l’argent de leur ancien employeur qu’ils portent aux prud’hommes.