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TÉMOIGNAGES. Pour ou contre l’aide médicale à mourir ? Des députés expliquent pourquoi ils voteront contre leur famille politique

Le projet de loi sur la fin de vie, qui vise à renforcer les soins palliatifs et à instaurer l’aide à mourir, est débattu à partir de lundi à l’Assemblée nationale.

En sept ans de mandat, c’est « la première fois » qu’elle votera contre la ligne majoritaire de son parti. La députée Frédérique Meunier, élue Les Républicains de Corrèze, entend s’exprimer « en faveur » du projet de loi sur la fin de vie, débattu à partir de lundi 27 mai dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Ce texte sensible, qui vise à renforcer les soins palliatifs et à instaurer l’aide à mourir sous forme de suicide assisté ou d’euthanasie, rencontre une vive opposition sur les bancs de droite et d’extrême droite. Il est en revanche largement soutenu par le camp présidentiel et la gauche.

« Vilain petit canard » Assumée au sein de son parti, Frédérique Meunier, 63 ans, n’est pas la seule élue à exprimer une voix dissonante. Avant son arrivée en séance plénière, le projet de loi a déjà fait l’objet d’un premier examen en commission, qui a mis en avant, au sein de chaque famille politique, la présence de députés prêts à nager à contre-courant. En 2021, déjà, un article d’un projet de loi instituant un « aide médicale active à mourir » avait été voté par 240 députés de gauche, du centre et de droite, malgré l’opposition de 48 élus, toujours de gauche, du centre et de droite. Le texte n’a pas été adopté faute de temps.

Sur ce projet de loi, « chaque le groupe donnera à chacun la liberté de voter »observait la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, en mars. « La liberté de voter, chez nous, c’est tout le temps », glisse le député communiste Pierre Dharréville. Cet élu des Bouches-du-Rhône, 48 ans, en sait quelque chose : depuis des années, il tente d’alerter ses collègues de gauche sur l’aide à mourir. « Cette loi risque de créer de nouvelles inégalités face à la mort, car nous ne bénéficions pas des mêmes conditions matérielles et de la même capacité à être soignés en fin de vie », il dit. Pour lui, les plus vulnérables seront les plus enclins, voire contraints, à raccourcir leur vie, faute de soutien suffisant.

« La gauche doit être aux côtés des plus vulnérables, c’est dans son ADNinsiste Pierre Dharréville. Il faut leur dire « on tient à vous », en leur apportant des soins palliatifs, en votant une loi pour la vieillesse, et non « vous pouvez partir », comme si certaines vies ne valaient pas la peine d’être vécues. », il croit. D’où son « incompréhension totale » face aux élus rouges, roses ou verts favorables à l’aide à mourir.

« J’attends toujours qu’on me montre que cette mesure libérale est de gauche. »

Pierre Dharréville, député communiste, opposé à l’aide médicale à mourir

sur franceinfo

Pour « ouvrir le débat » dans son camp, cet ancien journaliste Humanité a invité tous les députés de gauche, début avril, à une soirée de réflexion organisée avec cinq autres élus du PCF, du PS et des Écologistes, tous opposés à l’aide médicale à mourir. Parmi eux, le socialiste Dominique Potier, 60 ans, député de Meurthe-et-Moselle. « Conservateur » assumé, il voit dans le soutien massif de la gauche à ce texte la dérive d’un « progressisme » lancé dans un « quête infinie des droits individuels ». «C’est une impasse pour nos sociétés»il croit, appelant pour trouver « la boussole de la fraternité et du respect de la vie humaine ».

Homme de gauche, Dominique Potier est aussi un homme de foi, catholique, comme Pierre Dharréville. « Chacun a ses fondements spirituels et philosophiques, mais je n’ai pas besoin d’évoquer les miens pour mener un combat de gauche, il défend. Je ne vois pas ce qu’il y a d’exotique chez la gauche à vouloir défendre les plus vulnérables. »

Relativement isolés à gauche, Pierre Dharréville et Dominique Potier ont trouvé des alliés sur les bancs de la majorité ou de la droite. Le 16 mai, ils se sont associés à la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet et au député LR Patrick Hetzel pour accueillir un « matin parlementaire » organisée avec la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), farouchement opposée à l’aide à mourir. À l’automne, ils ont également signé un forum transpartisan à L’Express exiger que l’aide à mourir ne figure pas dans le même texte que le développement des soins palliatifs.

Signataire de cette tribune, l’élue MoDem Blandine Brocard est l’une des rares représentantes de la majorité ouvertement hostiles au projet de loi. Une position d’autant plus délicate que le texte vient de son propre camp. « Il est certain qu’il serait plus facile d’être poursourit le député du Rhône de 42 ans. Mais ce n’est pas ma vision de la société. Vivre ensemble, c’est soutenir la vie jusqu’au bout, sans décevoir personne et sans bouleverser la vocation des soignants. »

« Introduire l’aide médicale à mourir avant même d’avoir des soins palliatifs partout, c’est vraiment mettre la charrue avant les boeufs. »

Blandine Brocard, députée du groupe MoDem, opposée à l’aide à mourir

sur franceinfo

A son écoute, Blandine Brocard est « loin d’être seul » sur cette ligne dans la majorité. « Beaucoup se posent des questions et cela montre déjà un certain courage »salue-t-elle, face aux sondages et « politiquement correct » du progressisme, qui pèse autant « une chape de plomb » sur ses camarades. Sur ce sujet « difficile », « La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre »elle défend, assurant « avancez à pas de velours » dans sa propre réflexion.

Frédérique Meunier a aussi besoin de courage pour affirmer sa différence avec Les Républicains. « Avant, je pensais que la vie était sacrée et qu’il ne fallait pas y toucherdit le député corrézien. Mais à force de lire et d’entendre ces dernières années, j’ai pris conscience de certaines souffrances et de l’importance de permettre aux patients de choisir leur fin de vie. Le choix est une liberté que nous devons conserver jusqu’au bout. »

Dans son virage solitaire en faveur de l’aide médicale à mourir, l’élue a dû se convaincre qu’elle n’était pas « pas une mauvaise fille ». « Quand on entend les craintes d’une porte ouverte à l’aide à mourir pour les personnes âgées ou handicapées, cela peut susciter des doutes, mais il ne faut pas entrer dans ce délire. »

« Je n’ai pas à me sentir coupable, je ne veux pas que les gens meurent, je veux juste les aider à mieux finir leur vie, dans la dignité. »

Frédérique Meunier, députée LR, favorable à l’aide à mourir

sur franceinfo

La députée LR avance qu’un tiers des élus de son parti pourraient voter en faveur du projet de loi, à l’issue des débats. « Certains réfractaires sont issus du corps médical et n’imaginent pas causer la mort », elle explique. Je comprends cela, mais c’est la maladie qui condamne ces patients, qui mourront de toute façon. D’autres sont guidés par des valeurs religieuses. Je les comprends aussi, mais j’invite chacun à s’éloigner de ses a priori. »

Bousculer ses collègues, c’est la spécialité d’un autre député LR, Maxime Minot, lui aussi favorable à l’aide à mourir. Inscrit à droite au nom du « valeur du travail »cet élu de l’Oise de 36 ans, homosexuel, se démarque de sa famille politique sur les questions de société, comme il l’a démontré en votant pour la PMA pour toutes en 2021. « Je me suis impliqué dans ce parti avec un bâton de pèlerin en me disant que j’avais un rôle à jouer pour le libérer des contraintes conservatrices »il prêche.

Dans sa lutte pour l’aide médicale à mourir, un « droite » jusqu’à présent « réservé à ceux qui peuvent se permettre le voyage en Suisse ou en Belgique »cette ancienne aide-soignante gériatrique a parfois formé une étrange équipe avec une élue de La France insoumise, Caroline Fiat, également ancienne aide-soignante. « Sur certains textes, on s’affronte, mais, sur un sujet aussi transpartisan, on ne fait plus qu’un »il rit, évoquant son «amitié transpartisane» avec les élus LFI. Il aime aussi surmonter les divisions à travers des forums sur la fin de vie, comme il l’a fait l’été dernier dans Le monde avec des députés de gauche et de la majorité.

Absents des différentes tribunes collectives signées ces derniers mois, les députés du Rassemblement national sont néanmoins touchés par des dissensions. Fidèle à la ligne de Marine Le Pen, « Environ deux tiers des élus du groupe sont contre l’aide médicale à mourir et un tiers, comme moi, sont pour» précise Thomas Ménage, député du Loiret. Ce n’est pas toujours agréable de se mettre en minorité, mais nous nous respectons tous et cela ne nous empêche pas de nous retrouver sur certains points, comme la mise en place de garde-fous et la garantie d’accès aux soins palliatifs. « 

Ce porte-parole du groupe RN à l’Assemblée défend sa position « pragmatique » Et « bon sens »au nom du « dignité » et certaines « liberté de choix ».

« J’ai écouté mes sentiments personnels, en me demandant ce que je souhaiterais pour moi ou pour mes proches. »

Thomas Ménage, député RN, favorable à l’aide à mourir

sur franceinfo

Cependant, l’élu de 32 ans a déclaré « comprendre » la majorité des réticences parmi ses collègues. « Ils jugent prématuré de légiférer avant d’avoir amélioré l’offre de soins palliatifs et, surtout, ils ont peur des abus, avec des excès semi-eugéniques qui pourraient finir par toucher les personnes handicapées par exemple.il observe. J’espère qu’ils ont tort. Sans en être sûr. »

Ray Richard

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