TÉMOIGNAGES. Crise en Nouvelle-Calédonie : quand il fallait cuisiner sans gaz
Des bouteilles de gaz sont réapparues dans les stations-service de Nouméa et Dumbéa samedi 1er juin. La fin de la pénurie de bouteilles est-elle imminente ? Elle a contraint les Calédoniens qui ne disposent pas d’installation électrique à rivaliser de créativité pour s’en passer, notamment en matière de cuisine. La cuisine au feu de bois fait son grand retour et les marmites à riz sont encore plus utilisées que d’habitude.
À l’époque, cela ne semblait pas être une mauvaise idée. « Quand nous avons emménagé, tout était électrique. Nous avons choisi de tout faire fonctionner au gaz”se souvient Léa*, qui habite une maison avec jardin dans un lotissement à Païta. « Nous avons trouvé que c’était mieux pour cuisiner et s’il y avait des coupures de courant, nous n’avions pas de problème. » Sauf que la Calédonie a sombré dans la violence le 13 mai.
Parmi les innombrables conséquences sur la vie quotidienne, il y a cette pénurie de bouteilles de gaz, comme on dit ici en parlant de GPL, « gaz de pétrole liquéfié ». Très vite, dans la région nouméenne, il n’y avait plus de bouteilles pleines chez les commerçants locaux, pour les échanger contre les bouteilles vides consignées. Et davantage de fournitures pour les commerces encore ouverts.
La circulation des camions a été rendue impossible par des barrages routiers, notamment à Ducos. Et puis il y a une question de sécurité, autour des bouteilles de gaz, comme de l’essence en jerrycan. Par décret, le Haut-Commissaire a interdit « la vente au détail et le transport de carburant, de produit combustible ou corrosif, dans tout contenant transportable ».
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Les ménages qui dépendent du butane ont dû s’organiser. Comme chez Léa*. « De plus, notre micro-ondes est tombé en panne la première semaine. ! » Depuis plusieurs jours, ils préparent les repas au feu de bois, midi et soir. « Ce n’est pas du tout nos habitudes ! » Il a fallu bricoler une installation, à l’aide de conseils et d’exemples trouvés sur les réseaux sociaux.
C’est du bricolage et de la débrouillardise !
« Nous avons utilisé les grilles et les plaques du barbecue à gaz. En plus, mon mari a pris un récipient en métal, un peu surélevé de pierres, pour mettre le bois en dessous. » Un cylindre, afin de « mieux diriger le feu et la chaleur ». Il s’agit en réalité d’une poubelle démontée et désinfectée. « Il allume avec du papier, car nous avons des courants d’air. Il faut une demi-heure à une heure pour que le feu s’allume correctement. Nous l’alimentons avec du bois de palette et du bois du jardin. »
Le couple utilise leur marmite en fonte, qui fait office de four, et une poêle déjà endommagée. « La majeure partie du feu est allumée dans le récipient métallique et parfois, nous faisons des assiettes en dessous. » Grâce à un système de double plat, dont un avec du sable au fond, la famille a pu déguster une très bonne tarte Tatin. « Quand il pleut, nous cuisinons au gaz. » Mais pas seulement : « J’utilise le gaufrier pour les courgettes. C’est cuit bizarrement, mais c’est comestible, avec un peu d’huile !
Direction Nouméa, sur la presqu’île Ducos, quartier Logicoop. La famille Kahlemu cuisine également au feu de bois. Elle s’est retrouvée sans gaz dès le début de la crise. Josette allume le feu à l’aide de brindilles ramassées dans le jardin, dans un tonneau métallique qui fait office de barbecue. « Je vais faire le cassoulet. Avec du riz. »
Nous sommes nés comme ça, au feu de bois.
Sa belle-mère est assise plus loin. Pour Louise, cuisiner au feu de bois n’est pas compliqué. « On est nés comme ça, au feu de bois, dans la cabane. Mais maintenant, c’est automatique. Quand on appuie sur le bouton, il y a l’eau chaude, il y a le poêle, il y a le gaz… » Elle espère malgré tout trouver rapidement une bouteille. La question étant : où l’acheter, une fois les magasins approvisionnés ? La famille faisait ses courses à Kaméré, qui a beaucoup souffert des incendies et des destructions.
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Une autre Calédonienne partage son expérience du retour au feu de bois. A Dumbéa-sur-mer, dans une résidence sociale située à proximité du Médipôle. Les occupants d’une quinzaine d’appartements et les personnes coincées là cuisinaient à manger sur le parking. « Pas vraiment pour gérer les gaz mais plutôt pour partager les repasexplique Edwige*. Nous avons commencé à cuisiner ensemble le 15 mai. Il y a eu une panne de courant pendant quatre jours.
Tout le monde commençait à perdre de la nourriture dans les congélateurs et les congélateurs. Nous avons donc décidé de partager, en cuisinant en bas, sur le parking.
Une mère coincée à Dumbéa
Cette partie de Dumbéa fut longtemps isolée. « À aucun moment nous ne nous sommes projetés dans des choses aussi dramatiques » dit cette mère qui s’est retrouvée coincée. « Nous vivions comme si nous étions dans une bulle. »différentes communautés réunies. « S’encourager, se rassurer et partager le repas. Puis, la deuxième semaine a commencé. Ayant beaucoup de parents seuls et de familles nombreuses, nous avons choisi de commencer à rationner. La nourriture de tout le monde commençait à diminuer et tout le monde avait peur d’y aller. dehors. » À 1euh En juin, certains n’avaient pas encore quitté la sécurité de la résidence, que les locataires s’efforçaient de protéger.
Dans les appartements sans jardin ou lorsqu’un feu de bois ne semblait pas possible, de nombreuses solutions ont été trouvées. Cuiseur vapeur, croque-monsieur, appareil à raclette ou à panini, plancha, bouilloire, robots multifonctions… Et surtout, le cuiseur électrique qui sert à préparer le riz. « Tu n’as pas d’essence ? Il y a plein d’options ! »résume Fabrice Louyot, qui dirige « La Table des gourmets » à Nouméa. « En Calédonie, presque tout le monde a une marmite à riz. Elle n’a de riz que le nom. C’est une marmite sur un radiateur électrique, on peut cuisiner plein de choses dedans. »
Ce n’est pas la solution, mais c’est une solution, à gérer au moins aujourd’hui.
Un restaurateur qui a partagé des recettes de pots de riz
Sur la page Facebook du restaurant, qui doit rouvrir la semaine prochaine, il a publié des recettes de plats à base de ladite marmite : purée de légumes, lentilles et saucisses. « La démarche, c’est d’aider les gens. On peut faire des pâtes, des bolognaises, des confitures, des compotes… »
Les bonnes idées de ce genre ont proliféré sur les réseaux. Dans les commentaires, les internautes partagent leurs méthodes de cuisson et leurs recettes.
Le malaise exprimé face au manque de gaz est tel qu’on en oublie les statistiques : Les Néo-Calédoniens consomment de moins en moins de GPL. Le gouvernement l’a annoncé en septembre 2023, après avoir révisé la structure des prix. « Depuis dix ans, les ventes de gaz ont chuté d’environ 2,3 % par an, en raison du développement des installations électriques qui remplacent celles au gaz. » Il y a aussi l’utilisation croissante de l’énergie solaire. En 2022, la consommation de gaz des particuliers était d’environ trois mille tonnes, contre 3 mille tonnes. 460 tonnes en 2021.
*Prénoms identifiés