Categories: Nouvelles locales

Télétravail : arrêter ou continuer ?

Et si les entreprises avaient tort ? Et si elles avaient commis une erreur en maintenant le télétravail une fois la pandémie terminée ? Cette question s’est posée à la lecture du message interne que la direction d’Amazon a envoyé aux salariés du groupe américain lundi 16 septembre. « En repensant aux cinq dernières années, nous continuons de croire que les avantages d’être ensemble au bureau sont considérables. »écrit le PDG Andy Jassy.

Le 2 janvier 2025, les 300 000 salariés des services administratifs du géant du e-commerce retourneront au bureau tous les jours ; fini les deux jours de télétravail. Au lendemain de l’annonce d’Amazon, c’était au tour d’Ubisoft, éditeur français de jeux vidéo, de modifier partiellement son organisation en demandant à ses salariés de revenir dans les locaux trois jours par semaine.

36% des salariés français l’utilisent

Alors que le télétravail s’est généralisé en France il y a près de cinq ans en pleine crise du Covid-19, assistons-nous à un retour en arrière ? Pas si sûr. En 2023, 36 % des salariés français, majoritairement dans le secteur tertiaire, y ont eu recours occasionnellement ou régulièrement.

Et ces salariés y sont attachés. 45 % déclarent qu’ils démissionneraient si l’accès au télétravail était supprimé, un chiffre qui atteint 57 % chez les cadres de moins de 35 ans, selon une enquête réalisée en décembre 2023 par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Sans aller jusqu’à démissionner, 37 % seraient mécontents.

Margaux, qui travaille dans une start-up du secteur du développement durable à Paris, est l’une d’entre elles. Elle télétravaille généralement un à deux jours par semaine. « Je ne pourrais pas travailler pour une entreprise qui interdit le télétravail, car je crois que cela est révélateur d’un management qui n’est pas flexible et qui n’évolue pas avec l’entreprise, confie le trentenaire. A l’inverse, travailler pour un groupe qui pratique le télétravail intégral me poserait également problème, car cela démontre à mes yeux la faible importance accordée au collectif. »

Dans un pays marqué par la culture du présentéisme dans les entreprises, le télétravail se heurte depuis longtemps aux réticences des managers. « La pandémie a montré qu’elle n’était pas synonyme d’effondrement de la productivité et d’implosion des collectifs. Ce changement de dogme en matière d’organisation du travail est irréversible. « , assure Gilles Gateau, directeur général de l’Apec.

« Travaillez de n’importe où »

Aujourd’hui, le télétravail prend différentes formes dans les entreprises. Par exemple, à la Macif, une mutuelle, les salariés disposent d’un forfait de sept jours de télétravail par mois qu’ils peuvent planifier en respectant un délai de préavis ; à cela s’ajoutent seize jours par an qu’ils peuvent utiliser à leur convenance, tout en sachant qu’ils doivent être présents au moins un jour par semaine.

Au sein de l’entreprise PayFit, spécialisée dans la gestion de la paie, la logique est complètement différente : 40 % des salariés ont opté pour « travailler de n’importe où », c’est-à-dire la possibilité de travailler depuis le lieu de leur choix dans les pays où l’entreprise est présente. Mais ces salariés reviennent tout de même dans les locaux en moyenne deux jours par mois.

« Nous sommes convaincus qu’il reste nécessaire de maintenir des temps d’échanges en présentiel. Il ne s’agit pas vraiment de télétravail intégral, mais plutôt de flexibilité totale », explique Marie-Alice Tantardini, directrice des ressources humaines. Chaque profession s’approprie cette organisation. Les équipes commerciales, par exemple, se réunissent plus régulièrement.

Un système hybride

Cette approche reste néanmoins marginale en France. Après les confinements, c’est surtout un système hybride qui s’est développé avec, en règle générale, une présence sur site trois jours par semaine. Une formule qui est de plus en plus souvent le fruit de négociations avec les syndicats dans le cadre d’un accord.

Pour convaincre leurs salariés de revenir sur leur lieu de travail, certaines entreprises, notamment celles confrontées à des tensions sur leur marché du travail, ont investi dans l’amélioration de l’environnement de travail, quitte à déménager. C’est le cas d’Equinix France, filiale d’un des leaders mondiaux des data centers, qui a transféré ses locaux de Pantin, en banlieue parisienne, à deux pas de la tour Eiffel.

« Nous avons fait un effort sur l’équipement avec des bureaux ergonomiques équipés de grands écrans incurvés. Nous avons aussi une grande cafétéria. Et le mardi matin, c’est petit-déjeuner pour tout le monde. »explique le directeur général, Régis Castagné. Chez Equinix France, les collaborateurs reviennent sur site deux à trois jours par semaine.

Une façon de pratiquer le télétravail que l’on retrouve dans d’autres entreprises et qui pourrait évoluer dans le futur« On va probablement aller vers une approche différente avec non plus un nombre de jours de télétravail par semaine mais avec un quota par année ou par semestre », déclare Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, ANDRH.

Il appartient au salarié, en accord avec son manager, de les utiliser à bon escient. « Cela évitera d’avoir des salariés qui, ayant droit à un certain nombre de jours par semaine, les activent sans se soucier des conséquences que cela peut avoir sur la vie de l’équipe et de l’entreprise », poursuit Benoît Serre.

Moins de transports, mais un risque d’isolement

Pour les salariés français qui l’ont adopté, le télétravail présente plusieurs avantages. Ils ne perdent pas de temps dans les transports, peuvent parfois se rendre à un rendez-vous médical dans la journée ou déjeuner avec leurs enfants ; ils apprécient aussi le calme de leur appartement ou de leur maison, contrairement aux open space qui sont souvent bruyants. « Les salariés des plateformes téléphoniques de la Macif nous disent également qu’ils ressentent moins de pression de la part de leur manager lorsqu’ils travaillent à distance. »souligne Dominique Lemaire, responsable syndical CGT au sein du groupe d’assurance.

Le télétravail, selon la manière dont il est pratiqué, peut néanmoins présenter des risques : isolement de certains salariés, brouillage de la vie professionnelle et personnelle, difficultés à entretenir un collectif, etc. Dans plusieurs entreprises ou administrations, les réunions, qui se tiennent souvent pendant les jours de présence sur site, se succèdent.

« Ces temps-ci, paradoxalement, ne permettent pas au collectif de travail de vivre ; avec cette concentration des réunions, les salariés n’ont plus le temps de se voir pour échanger de manière informellenote Isabelle Mercier, secrétaire nationale chargée des questions sociales à la CFDT. Cependant, ces discussions aident à résoudre les conflits.. »

Des dirigeants impuissants

Le télétravail peut aussi entraîner une dégradation des conditions de travail. Les salariés n’ont par exemple pas assez de place chez eux pour installer un bureau et un ordinateur. Et les entreprises, voulant faire des économies, réduisent la taille de leurs locaux en instaurant le « flex office » : les salariés n’ont plus de bureau attitré et le nombre de postes de travail est inférieur au nombre de salariés. Autrement dit, si tout le monde vient le même jour, rien ne garantit que tout le monde dispose d’un poste de travail.

Du point de vue des managers, cette nouvelle organisation hybride n’est pas toujours simple à gérer, car elle nécessite de la confiance. En fait, le télétravail agit comme un révélateur de la qualité du modèle de gestion. « En France, nous avons un management trop vertical, note Jean-Claude Delgenes (1), président et fondateur du groupe Technologia, spécialisé dans la prévention des risques et l’amélioration des conditions de travail. Cependant, le télétravail nécessite de repenser cette approche, avec plus de confiance et d’écoute du manager envers le salarié.

(1) Auteur de Osez le télétravail !Fauves Éditions, juin 2024, 160 p., 12 €.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

Recent Posts

La dette publique grimpe à 112% du PIB à la fin du deuxième trimestre

La dette publique française a continué de gonfler à la fin du deuxième trimestre. Il s'élève désormais à 112% du…

3 minutes ago

VIDÉO – Routes inondées dans le Pas-de-Calais suite à de fortes pluies

Averses, rafales de vent dépassant les 100 km/h. Le Pas-de-Calais subit d'importantes intempéries depuis jeudi soir avec des chutes d'eau…

6 minutes ago

pour compenser l’effondrement du marché intérieur, la Chine lance une grande offensive à l’exportation

DÉCRYPTION - Xi Jinping exhorte les entreprises chinoises à conquérir les marchés mondiaux en misant notamment sur les voitures électriques.…

9 minutes ago

Michel Barnier évoque une contribution "exceptionnel et temporaire" face à la situation financière "très grave" – INFOS TF1

Michel Barnier évoque une contribution « exceptionnelle et temporaire » face à la situation financière « très grave »INFOS TF1Augmentation…

12 minutes ago

Au moins 17 personnes sont mortes lors de l’ouragan Helene aux États-Unis, plusieurs millions de foyers sont restés sans électricité

17 personnes ont perdu la vie aux États-Unis après le passage de l'ouragan Hélène ce vendredi 27 septembre, et le…

13 minutes ago

Lvmh : Le groupe de luxe LVMH place ses atouts auprès du spécialiste des doudounes Moncler

(BFM Bourse) - Le groupe français a pris une participation de 10% dans la holding de Remo Ruffini, le PDG…

15 minutes ago