Telegram annonce se conformer aux exigences de la justice française
« Merci France, grâce à vous les dossiers avancent à nouveau. » C’est en substance ce que confiait récemment un magistrat européen à un confrère français, dans la foulée d’un regain de collaboration affiché par le service de messagerie Telegram depuis fin août. L’application, connue pour son manque de modération et son refus de coopérer dans les enquêtes criminelles, a décidé de mettre de côté son refrain libertaire et de montrer ses lettres de noblesse. Plusieurs magistrats attribuent ce regain de collaboration à l’arrestation de son PDG en France le 24 août, alors qu’il quittait l’aéroport du Bourget.
Lundi 23 septembre, l’application aux quelque 950 millions d’utilisateurs, dont 1 million en France, a annoncé qu’elle se conformerait désormais aux exigences des autorités. C’est en tout cas ce que laisse penser un message de Pavel Durov publié sur la plateforme : » Nous avons précisé que les adresses IP et les numéros de téléphone portable de ceux qui enfreignent nos règles peuvent être divulgués aux autorités en réponse à des demandes légales valables. Alors qu’auparavant, seuls les usagers suspectés d’activités terroristes pouvaient donner lieu à une collaboration avec la justice.
Mots-clés problématiques supprimés de la plateforme
Parallèlement à ces efforts de coopération judiciaire, Telegram a également annoncé avoir nettoyé son moteur de recherche, grâce à « une équipe de modérateurs utilisant des outils d’intelligence artificielle. » Certains mots-clés, permettant de rejoindre des chaînes destinées à la vente de drogue ou d’armes par exemple, ont en effet disparu en deux semaines. Le 6 septembre, Pavel Durov avait promis de modérer Telegram « une fierté ».
Conçue à l’origine comme une plateforme dédiée à la liberté d’expression face à la censure de Vladimir Poutine, l’application a abrité pendant de nombreuses années pléthore de groupes de trafiquants de drogue, de groupes terroristes – en 2015, l’application a été utilisée par des terroristes de Daesh – et de contenus pédopornographiques. Dix personnes comparaissent depuis lundi au tribunal correctionnel de Paris pour avoir administré et participé à ces groupes de discussion dédiés à l’échange et à la vente de contenus liés au viol d’enfants.
Depuis plusieurs années, des réquisitions ont été régulièrement adressées à Telegram afin d’identifier les auteurs, mais toutes sont restées sans réponse, suscitant l’ire des autorités judiciaires françaises. Accusé de n’avoir rien fait pour aider la justice à stopper la publication de contenus illégaux sur Telegram, le milliardaire russe, français et émirati a été placé le 28 août sous contrôle judiciaire strict, assorti d’une interdiction de quitter le territoire français. Dès sa mise en garde à vue, Pavel Dourov a affiché sa volonté de collaborer, à la grande surprise des magistrats qui s’attendaient à ce qu’il maintienne son argument de liberté d’expression. Les enquêtes sur le trafic d’êtres humains, les violences et la pédopornographie restées en suspens ont pu avancer. Selon les informations de Libérerla même histoire vient du parquet fédéral belge, qui a indiqué que Telegram était « plus enclins à coopérer avec la justice ».
« Dans certains de mes dossiers impliquant Telegram, les enquêteurs n’ont même plus essayé d’utiliser l’application pour obtenir l’identité des suspects, par lassitude »rappelle Me Alexandre Lazarègue, avocat spécialisé en droit du numérique et de la cybercriminalité. « Il n’est pas impossible que l’accusé se déplace vers d’autres réseaux, maintenant que ce silence sur l’identité des utilisateurs, qui était établi comme règle éthique par l’application, n’est plus de mise chez Telegram »Il faudrait encore s’assurer que le service de messagerie entend bien enregistrer ces premiers efforts de régulation au fil du temps. Contacté par La Croix L’avocat de Pavel Dourov en France n’a pas souhaité répondre à cette question.
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