Samedi, un tir de missile a transformé un terrain de football de la ville de Majdal Shams en champ de bataille. L’attentat, imputé par Israël et les Etats-Unis au Hezbollah libanais, a tué 12 enfants et adolescents qui jouaient au football. Après la tragédie survenue sur le plateau syrien annexé du Golan, Israël a juré de « frapper l’ennemi avec force » et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis une « réponse sévère ».
Mais quelle est la particularité de ce lieu ? Israël peut-il ouvrir un second front avec le Liban ? Quels sont les risques d’une escalade du conflit ? 20 minutes vous explique tout grâce à l’analyse de Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à l’Université Lyon-2, spécialiste du Moyen-Orient et auteur de Les leçons de la crise syrienne.
Quelle est la particularité de l’emplacement ciblé ?
La frappe qui a tué 12 jeunes et blessé 30 autres visait Majdal Shams, un village situé sur le plateau du Golan. Or, cette région est syrienne même si elle est occupée et annexée illégalement par Israël depuis 1981. « Majdal Shams est un village druze, c’est donc une communauté arabe, pas juive », explique Fabrice Balanche, qui qualifie la situation d’« ambiguë ». Les Druzes représentent une communauté de 130 000 personnes en Israël. Cette minorité, qui parle arabe et a une croyance fondée sur l’islam, effectue néanmoins son service militaire et sert dans l’armée israélienne, contrairement aux Arabes israéliens.
Mais si « pour Israël, le plateau du Golan fait partie du pays et que le discours officiel est que des Israéliens ont été touchés, c’est quand même moins « grave » que s’il était tombé ailleurs », estime Fabrice Balanche. D’autant que les Druzes ont « refusé la nationalité israélienne depuis longtemps », rappelle le spécialiste du Moyen-Orient qui ajoute : « cela a changé il y a une dizaine d’années avec le Printemps arabe, ils ont compris que le Golan ne serait jamais rendu à la Syrie ».
Peut-on imaginer l’ouverture d’un deuxième front avec le Liban ?
C’est l’inquiétude de toute la communauté internationale. L’Italie a estimé lundi qu’il était « possible d’interrompre les violences » tandis qu’Emmanuel Macron a assuré que la France était « pleinement engagée pour éviter une nouvelle escalade ». Outre-Atlantique, les Etats-Unis planchent sur une solution diplomatique le long de la frontière. Car la situation est explosive. Preuve en est que plusieurs compagnies aériennes dont Lufthansa et Air France ont suspendu leurs vols vers Beyrouth. « En général, attaquer l’aéroport de Beyrouth est la première chose que fait Israël », affirme Fabrice Balanche qui était au Liban en 2006, pendant la guerre de 33 jours et se souvient de la destruction de l’aéroport.
« Il est important de comprendre que pour Israël, le 7 octobre est l’équivalent du 11 septembre aux Etats-Unis. Or, Washington a ensuite attaqué l’Afghanistan où se trouvaient les terroristes, mais aussi l’Irak car les Etats-Unis ont estimé qu’ils avaient une grande capacité de nuisance, contextualise Fabrice Balanche. C’est pareil ici, Israël a d’abord attaqué le Hamas, principal responsable du 7 octobre, mais il se tournera ensuite vers le Hezbollah, soutenu par l’Iran. » Donc, « l’attaque contre le Hezbollah est inévitable à terme. La question n’est pas de savoir si, mais quand. »
Quand peut-on imaginer cet assaut et avec quelles répercussions ?
Pour l’heure, Israël est toujours engagé dans sa guerre contre le Hamas, qui a fait plus de 39 000 morts à Gaza. L’hypothèse d’un double front serait délicate pour Tel-Aviv, alors que le Hezbollah dispose d’un véritable arsenal largement alimenté par l’Iran. Mais Israël est pressé. « Il ne faut pas trop tarder. L’émotion du 7 octobre commence à s’estomper, le soutien international s’effrite et la guerre a évidemment un coût pour le pays », explique Fabrice Balanche.
Et le contexte international ne joue pas en faveur de Benjamin Netanyahu. Alors que le Premier ministre israélien était aux Etats-Unis la semaine dernière, le président américain Joe Biden l’a poussé à conclure « rapidement » un cessez-le-feu. Plus incisive, Kamala Harris a promis de ne pas « garder le silence » sur Gaza après sa rencontre avec Benjamin Netanyahu.
« Les Israéliens n’auront pas le même soutien de Kamala Harris (alors que la vice-présidente est la favorite des démocrates). Il faudrait qu’Israël frappe entre demain et les prochaines semaines » mais la pression internationale est forte, « les Etats-Unis ne veulent pas d’un embrasement régional dans lequel ils seraient impliqués alors qu’ils sont en pleine campagne », souligne Fabrice Balanche. Reste que, mauvais timing ou pas, « pour Israël, c’est une question de sécurité et elle ne peut se faire qu’en frappant régulièrement le Hezbollah afin de réduire sa capacité de nuisance ».