Teddy Riner, vainqueur du Grand Chelem d’Antalya : « L’envie n’y était pas du tout »
« Quel est votre sentiment après ce succès en finale des +100 kg du Grand Chelem turc face à Tatsuru Saito, que vous rencontrerez aux JO cet été ?
Travaux achevés. Il n’y avait pas une grande envie, je ne vais pas le cacher. A la dernière minute, j’ai voulu annuler le tournoi, je suis encore un peu fatigué de l’entraînement. Cela a été visible toute la journée, même en finale. J’ai rarement eu ce sentiment de ne pas vouloir. Pour moi, ce n’est pas l’objectif. Chaque carte que nous brûlons, l’adversaire l’étudiera.
Est-ce pour cela que vous n’avez pas montré grand-chose en finale ?
Je n’ai rien fait. C’est pire que de se cacher.
Au final, vous gagnez, c’était aussi l’objectif ?
Franchement pour le coach, le staff ça leur permet de récompenser leur travail. Mais ce n’est pas du tout ce que je recherchais. Voilà, il y a des points (pour le classement), j’espère qu’ils sont contents. Je vais désormais pouvoir me concentrer sur la préparation finale des Jeux et arrêter de penser « il faut encore se battre ». Ce qui me fait me lever le matin, ce sont les Jeux olympiques, donc j’ai hâte d’y être. J’espère que je ne le manquerai pas.
Cela veut-il dire que vous ne ferez pas votre coming-out avant les Jeux olympiques, ni même aux Mondiaux d’Abu Dhabi en mai (19-24 mai) ?
On verra mais pour le moment l’envie n’est pas là. Quand je me suis inscrit à Paris (le 4 février où il a gagné pour la 8ème fois), l’envie était là. A Antalya, l’envie n’était pas du tout là. Pour dix jours. Je ne vais pas cracher sur une médaille, sur les points qui me font troisième mondial, mais j’ai besoin de prendre une bonne semaine de repos avant de retourner au travail pour pouvoir bien préparer ces JO.
Même sans vouloir affronter Saito quatre mois avant les JO, c’est utile, non ?
Bien sûr, ayez-le entre vos mains. Je sais qu’il travaille. Mais la vérité sera aux Jeux olympiques. J’aurais préféré qu’il me batte là-bas et que je gagne aux JO, je signerais tout de suite.
Vous dites que j’espère que les Jeux olympiques ne me manqueront pas…
Les Jeux sont les Jeux. Ce seront mes 5èmes Jeux olympiques, je sais ce que ça fait. Le monde s’arrête à ce moment-là. Chaque fois qu’on parle des Jeux on se dit, c’est magnifique, merveilleux, mais c’est bien plus encore. Un moment de notre vie qui s’arrête. J’ai la chance d’avoir été cinq fois médaillé olympique. Certains vivent une carrière sans. Je sais à quel point j’ai de la chance mais j’en veux plus. Les Jeux olympiques sont la plus grande aventure sportive.
Vous parlez souvent des JO 2028, est-ce une réelle envie ?
J’ai fait des JO magnifiques, ça s’est passé vite, il y a eu de grands moments d’entraînement et de préparation. J’ai eu beaucoup de plaisir. J’en ai encore sous les pieds. Alors allons-y! Pourquoi arrêter ? En revanche, après 2028, il sera temps de se dire au revoir. L’espace d’un instant, il faut tourner la page et dire au revoir à ce monde merveilleux.
Fin avril, vous partez au Japon à l’Université Saito. Qu’est-ce que ça vous apporte ?
Je lui ai dit, il a dit merci. J’adore m’entraîner là-bas. C’est du judo propre, si tu dois prendre une boîte, tu la prends. Ils viennent se battre. Aujourd’hui, ce que je déplorais, c’est ceci : ils ne voulaient pas se battre, pour une fois que les règles étaient bien respectées. Sur un Grand Chelem, en phase de qualification mais faites du judo !
Pensez-vous que votre palmarès et votre stature paralysent vos adversaires ?
Quand je suis arrivé et que j’ai emmené Kosei Inoue (aux Mondiaux 2007 notamment où Riner a remporté le premier titre de ses onze titres mondiaux), étais-je paralysé ? Non, c’est une mentalité de vouloir abattre. N’essayez pas de gâcher le combat. Il y en a beaucoup trop.
Physiquement, ça allait ?
Oui mais tu sais si le cerveau ne suit pas…
Malgré cela, vous gagnez…
Ils m’ont mis la pression : va faire ceci, fais cela. Mais laisse-moi tranquille (riant). Allez ! Reposez-vous (rires).