Connaissez-vous le terme technoférence ? Il désigne, au sein du couple ou de la relation parent-enfant, le « moments où les dispositifs technologiques s’immiscent, interrompent et/ou entravent la communication et les interactions dans la vie quotidienne »explique Brandon McDaniel, l’inventeur de ce concept, dans un article publié en 20141. « Les jeunes comptent sur les interactions avec leurs parents pour apprendre et développer leurs compétences sociales et émotionnelles. Les interactions sensibles entre parents et enfants (voir encadré) jettent les bases de la formation de liens d’attachement sûrs. » explique Souhir Chamam, psychologue à l’hôpital universitaire vaudois de Lausanne, en Suisse.
Augmenter la conscience sociale et l’attachement des enfants leur fournit une base solide et les incite à explorer et à découvrir le monde. Cela favorise l’acquisition de compétences linguistiques et de communication, une meilleure compréhension de soi et des autres, ainsi que l’établissement de liens sociaux positifs. « Il existe un large consensus sur le fait que la « sensibilité parentale » est cruciale pour le développement de l’enfant. Cependant, lorsque l’attention des parents se tourne vers un appareil numérique plutôt que vers l’enfant, lorsqu’il y a technoférence, leur capacité à être sensible et réceptif à l’égard de leurs enfants est affectée négativement. poursuit la chercheuse dans un article qu’elle vient de publier avec son équipe2.
Interagir avec son enfant, la clé du bonheur parental
Des études montrent que lorsque les parents utilisent des écrans en présence de leur enfant, il y a moins d’interactions et les parents sont moins attentifs au comportement de l’enfant. De plus, d’autres publications montrent que la technoférence est associée à la fois à des comportements plus intériorisés (comme pleurnicher ou faire la moue) et à des comportements plus extériorisés chez les très jeunes enfants (comme l’agitation ou les explosions). de colère). Une étude expérimentale réalisée en 2022 va encore plus loin, puisqu’elle montre que la technoférence augmente les réactions négatives et le rythme cardiaque des nourrissons, deux signes qui traduisent une réponse liée au stress. Bref, les écrans utilisés par les parents ne sont vraiment pas bons pour interagir avec l’enfant. Mais est-ce vraiment lui qui est responsable ?
Dans son étude, Souhir Chamam s’est intéressé aux effets de la distraction parentale numérique mais aussi « non numérique » sur cette interaction. Pour ce faire, son équipe de recherche a observé 50 couples parents-enfants (mais en réalité mère-enfant dans 90 % des cas). Dans son expérimentation, l’équipe suisse « utilise » des enfants âgés en moyenne de 22 mois. Les instructions données aux parents étaient très simples. Ils devaient jouer avec leur enfant, lui raconter des histoires, interagir avec lui pendant dix minutes… Mais, les comportementalistes étant un peu pervers, au préalable, les participants ont été répartis en trois groupes.
Même sans écran, la distraction des parents a un effet négatif
C’est là que l’expérience prend tout son sens. Dans le premier groupe, il n’y a eu aucune interruption du jeu. Dans le deuxième groupe, après cinq minutes de jeu, un expérimentateur a interrompu la séance en demandant au parent, comme si de rien n’était, de remplir un questionnaire papier. Dans le troisième groupe, également au bout de cinq minutes, le même perturbateur a demandé au parent de remplir le même questionnaire mais cette fois sur une tablette numérique. Les deux groupes de parents ayant complété le questionnaire ont ensuite été invités à continuer à jouer avec leurs enfants pendant encore cinq minutes. Toutes les interactions ont été enregistrées à l’aide d’une caméra.
Les chercheurs ont obtenu deux résultats intéressants. Premièrement, lorsque les parents ne se concentrent pas sur l’interaction avec leur enfant, cela a un effet négatif non seulement sur eux-mêmes, mais aussi sur l’enfant. Deuxièmement, les chercheurs n’ont trouvé aucune différence entre la technoférence et la distraction parentale due à une activité non numérique. Ces résultats amènent les auteurs à conclure que ce n’est peut-être pas l’utilisation de l’écran en lui-même qui est néfaste à l’interaction mais le fait que le parent soit tenu à l’écart de l’interaction, quelle qu’en soit la nature… Ainsi, interagir avec son enfant en utilisant un livre, un jeu ou un écran semble faire partie de la clé du bonheur parental.
Un aspect crucial de la qualité des interactions parent-enfant est la capacité des parents à détecter, reconnaître et répondre au comportement et aux demandes de communication de l’enfant. C’est ce qu’on appelle la « sensibilité parentale ». Il reflète la capacité de la personne qui « prend soin » de l’enfant à lire et à répondre de manière appropriée à ses signaux. Elle est considérée comme un facteur déterminant pour la sécurité de l’attachement chez les enfants. Tenez bébé lorsqu’il pleure, surveillez ce qu’il montre du doigt, donnez-lui à manger lorsqu’il a faim ou souriez-lui lorsqu’il nous sourit. « Lorsque nous agissons en réponse aux signaux de notre bébé, cela le rassure, le stimule, l’encourage à communiquer avec nous. Il se sent aimé, en sécurité et s’attache peu à peu à un adulte. »
Source : 1000-premiers-jours.fr