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Tchad : pourquoi la manne pétrolière n’a pas tenu ses promesses

Au Tchad, trois ans après la disparition d’Idriss Déby, les électeurs sont invités lundi à choisir leur futur leader pour mettre fin à la période de transition. Malgré ses revenus pétroliers, le Tchad reste parmi les plus pauvres de la planète. Comment expliquer ce paradoxe ?

En 2003, lors de l’inauguration du pipeline construit pour transporter le pétrole brut jusqu’aux côtes camerounaises, Idriss Déby avait promis des bénéfices pour l’ensemble de la population. Le PIB décolle et dépasse même brièvement en 2008 celui de deux autres pays de la bande sahélienne, voisins du Niger et du Mali. Mais la manne espérée au début des années 2000 n’a été qu’un feu de paille. Selon les économistes de la Banque mondiale, la croissance réelle décline rapidement. Le Niger et le Mali, tous deux dépourvus d’or noir, ont repris l’ascendant sur la nouvelle puissance pétrolière du Sahel. En termes d’indice de développement humain, Tchad est avant-dernière au classement des Nations Unies. La pauvreté touche encore plus de 40 % des 18 millions d’habitants. Et dans ce pays riche en hydrocarbures, le carburant et l’électricité sont hors de prix. Seuls 10 % des ménages tchadiens sont connectés au réseau électrique, contre 50 % en Afrique subsaharienne.

La malédiction « politique » du pétrole

Le pétrole représente 10% du PIB, 90% des recettes d’exportation. La croissance varie en fonction du prix du pétrole brut et plonge à chaque fois que le baril plonge. Comme beaucoup d’autres pays producteurs de pétrole du continent africain, le Tchad est victime de la malédiction des matières premières. Seulement partiellement. Selon le chercheur Harry Verhoeven, la malédiction au Tchad est avant tout politique. Il rappelle que tous les efforts de la société civile pour améliorer la gestion et la redistribution des revenus ont été annulés par le clan Deby. Contrairement aux engagements pris en 2003, le gouvernement a progressivement absorbé toutes les recettes pétrolières. Pour couvrir 40% des dépenses de l’État.

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Priorité à la défense

Surtout pour couvrir les dépenses militaires. L’armée est la première priorité. Le Tchad dépense plus pour sa défense que pour la santé et l’éducation réunies. Assurer la souveraineté du pays dans une région instable. Fournir une assurance vie au régime. Ce pari sur la sécurité totale ne crée pas de stabilité à long terme, estime Harry Verhoeven. L’argent du pétrole aurait pu être investi dans le développement et la paix, note-t-il, avec la construction de routes et de ponts pour faciliter les échanges avec le Soudan ou la Libye.

Une production en baisse constante

L’élection présidentielle va-t-elle changer la donne ? Le futur gouvernement sera confronté à la tendance à la baisse de la production pétrolière. Pour entretenir le filon d’or noir, le vainqueur du vote devra trouver un terrain d’entente avec les entreprises étrangères pour réinjecter de l’argent dans la production. Le développement de l’énergie solaire, annoncé en grande pompe en 2023 avec la construction de la plus grande centrale photovoltaïque d’Afrique subsaharienne – à l’exception de l’Afrique du Sud, pourrait enfin améliorer la vie quotidienne. Mais sa réalisation dépend aussi des bonnes relations que le gouvernement entretiendra avec Savannah, le concepteur britannique du projet.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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