Taylor Swift, pourquoi tant de douleur et de souffrance ?
C’était en 2006. La pop présentait un paysage désolé pour les femmes. Des pièces comme Mes bosses (des Black Eyed Peas) et Boutons (des Pussycat Dolls) jouait une musique hypersexualisée et douloureuse. Dans le clip de Le pont de Londres, la chanteuse Fergie, ancienne enfant star, faisait un tour de danse devant une garde royale silencieuse et impassible, n’interrompant sa danse lascive que pour lécher son uniforme. Dans celui de Mme Nouveau Butin (« M.moi New Buttocks »), le rappeur Bubba Sparxxx a livré un slogan qui pourrait être celui de l’époque : « Faites-le mûrir, faites-le bien, serrez-le » (« très serré, bien moulé, très audacieux », en substance).
C’est dans ce contexte qu’est arrivée, fin 2006, une jeune ingénue de 16 ans, non pas avec son sex-appeal, mais avec sentiments. Taylor Swift est alors une chanteuse country, et ce genre colle comme un gant à l’imagerie romantique qu’elle aime déployer dans ses chansons : la petite ville américaine, les amours déçus, les jeans bleus, et l’innocence bafouée mais jamais brisée.
Premier album, première cage dorée
Son premier album, sobrement intitulé Taylor Swift, tourne les chansons comme autant de pages d’un journal intime, un éventail de rêves et de secrets d’adolescent qui parlent directement à ses auditeurs (« Dans une boîte sous mon lit / Est-ce une lettre qu’on ne lit jamais », « Dans une boîte sous mon lit / Il y a cette lettre qu’on ne lit jamais »). Mais l’album introduit des thèmes auxquels Taylor Swift ne cessera de revenir : l’environnement comme reflet des émotions, le temps qui passe, la mythologie de l’amour.
Sur cet album, toutes les chansons sauf deux parlent d’amour – mais dans des termes qui suggèrent que c’est un sujet qu’elle a l’intention d’explorer, plutôt qu’un tourment qui la consumerait personnellement. En réécoutant aujourd’hui ces chansons de ma jeunesse, je perçois les prémices de la construction d’un personnage déjà coincé dans l’archétype, qui se demande qui elle pourrait être en dehors des conventions très américaines de ce genre qu’est le country.
Près de vingt ans ont passé, et les mêmes métaphores et frustrations sont à l’œuvre dans le dernier album de Taylor Swift, Le département des poètes torturés (« le ministère des poètes torturés »), sauf qu’ils se sont endurcis au point de sembler, au moins poétiquement, l’étouffer. La chanteuse se présente comme une femme prise dans une spirale d’auto-analyse obsessionnelle, avec de nouveaux coups qui rouvrent d’anciennes blessures.
Un nouvel album profondément « triste »
La douleur semble aujourd’hui plus réelle, plus vécue, même si l’imagerie pour la décrire n’a pas changé depuis ses 16 ans : « Si tout ce que tu veux c’est du gris pour moi / Alors ce n’est que du bruit blanc, et c’est juste mon choix » (« Si tout ce que tu veux de moi c’est du gris / Alors c’est que du bruit blanc, c’est moi qui ch