Taxe internationale sur les milliardaires, l’idée fait son chemin
Qui l’aurait imaginé ? Le 29 février, l’économiste français Gabriel Zucman a présenté ses travaux sur la fiscalité des milliardaires devant les ministres des Finances du G20, qui rassemble les vingt plus grandes économies mondiales. Certains doutaient. Mais cette présentation à elle seule était un petit événement dans un tel sommet international.
A l’initiative de cette invitation, le président brésilien Lula da Silva, qui préside actuellement le G20 et entend construire un « nouvelle mondialisation ». Et cela passe par l’imposition des plus riches, qui échappent aujourd’hui largement à l’impôt sur le revenu grâce à des dispositifs fiscaux sophistiqués.
Pour concrétiser cette ambition, la neuvième économie mondiale a donc commandé un rapport à Gabriel Zucman, considéré comme l’un des économistes les plus avancés sur ces questions au monde. Dans ce document rendu public mardi 25 juin, le directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, laboratoire de recherche indépendant hébergé par la Paris School of Economics (PSE), détaille la mise en place d’un impôt minimum de 2% sur la richesse de la planète. environ 3 000 milliardaires en dollars. Une taxe qui pourrait rapporter 250 milliards de dollars par an.
Une proposition soutenue par la France
Dès le début, la France a soutenu cette initiative. Une position assumée par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, alors qu’il a toujours défendu la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en un impôt sur la fortune immobilière (IFI). « La bonne réponse n’est pas de rétablir l’ISF en France, mais d’avoir au niveau international une fiscalité juste, efficace et garantie pour les plus riches. » a-t-il expliqué en avril dernier.
Outre la France, d’autres puissances y sont favorables depuis le 29 février. Fin mai, les ministres des Finances du G7 se sont mis d’accord pour « augmenter (leur) efforts en faveur d’une fiscalité progressive et équitable des particuliers ». La formule diplomatique est acceptée mais elle marque un premier pas.
Cet impôt minimum viendrait compléter les deux piliers déjà établis de la fiscalité internationale, à savoir la taxation des géants du numérique et une taxation minimale de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Ce dernier projet a mis quinze ans avant d’aboutir à un accord en 2021 dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Signe qu’en matière de fiscalité internationale, la patience est de mise.
Une divergence sur la méthode
Bruno Le Maire a affiché son objectif d’atteindre un impôt minimum pour les milliardaires en 2027. Un objectif ambitieux quand on sait que Paris plaide pour une approche par paliers. « Fixer d’emblée l’idée d’un impôt minimum en pourcentage des revenus et du patrimoine nous paraît assez irréaliste, car il n’existe pas de définition globale des revenus et du patrimoine et de nombreux Etats n’ont pas de « fiscalité récurrente sur le patrimoine ».nous explique-t-on à Bercy.
Pour le ministère, il faut, dans un premier temps, s’entendre au niveau international sur le principe de la dénonciation « des pratiques fiscales néfastes». « Les États pourraient prendre des mesures fiscales de représailles contre les juridictions qui en disposent et refuser de les abandonner. » nous continuons vers Bercy. Cela permettrait de former une coalition pour établir un rapport de force face aux Etats réticents à imposer un impôt minimum aux plus riches dans le cadre des futures négociations.
Une déclaration commune en marge du prochain G20
Du côté de l’équipe de Gabriel Zucman, nous pensons qu’adopter cette méthode par étapes serait une » erreur « . « Si l’on procède ainsi sans « définir » dès le départ l’objectif politique d’un impôt minimum, cela n’aboutira pas avant vingt ans. Évidemment, le taux d’imposition sera fixé à la fin du processus dans le cadre des négociations, mais il faut maintenant s’entendre sur l’objectif d’un impôt minimum. » déclare Quentin Parrinello, conseiller politique à l’Observatoire européen de la fiscalité.
Quelle sera l’ambition retenue ? Réponse en juillet : en marge du G20 au Brésil, plusieurs États devraient s’unir dans une déclaration commune. Nous verrons ensuite si Brasilia a réussi à renverser la situation pour atteindre son « nouvelle mondialisation ».