Taïwan : cinq minutes pour comprendre les opérations militaires chinoises « inquiétantes »
Le détroit de Taiwan a de nouveau été secoué. Ce jeudi matin, la République populaire de Chine a lancé de nouvelles opérations militaires dans la zone, dans le but d’infliger, selon ses termes, une « punition sévère » au gouvernement taïwanais. En réponse, Taïwan a « fermement condamné ces exercices » et la présidence de l’île a affirmé qu’elle « défendrait les valeurs de liberté et de démocratie ».
Après quelques mois de calme, c’est le discours d’investiture du nouveau président de Taiwan Lai Ching-te, ce lundi, qui a rallumé l’incendie dans la région. Le régime de Pékin a interprété ce discours comme une déclaration d’indépendance.
« Toutes les forces séparatistes en faveur de l’indépendance de Taiwan finiront dans le sang », est allé jusqu’à déclarer Wang Wenbin, porte-parole de la diplomatie chinoise. Bien que Taiwan dispose de son propre gouvernement, de son drapeau et même de son propre pouvoir judiciaire, la Chine la considère comme une province sécessionniste et souhaite « réunifier » le territoire national.
« Une légère évolution » du discours taïwanais
« Il y a une légère évolution dans le discours officiel taïwanais », reconnaît Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI). « En parlant de Taiwan d’un côté et de la Chine de l’autre, Lai Ching-te a eu un discours plus décisif que son prédécesseur. Tsai Ing-wen (l’ancienne présidente) avait une position plus subtile qui consistait à rester floue sur le statut des deux entités politiques de part et d’autre du détroit », explique le chercheur.
« Mais il ne s’agit en aucun cas d’une provocation ou d’un virage du président taïwanais vers une déclaration d’indépendance », prévient-il.
En réalité, la réaction chinoise tient davantage à la symbolique qu’au contenu des propos du président taïwanais. « Il est de tradition que la Chine discrédite la légitimité d’un président à Taiwan », explique Jean François di Meglio, président du groupe de réflexion Asia Center. « Ces exercices militaires ont lieu régulièrement à l’approche des élections ou après, précise Marc Julienne.
Des manœuvres « à grande échelle »
Dans le cadre de ces manœuvres, qui ont débuté à 7h45 heure locale, des avions et des navires militaires ont été déployés « dans le détroit de Taiwan, au nord, au sud et à l’est de l’île de Taiwan ainsi que dans les zones situées autour des îles de Taiwan ». Kinmen, Matsu, Wuqiu et Dongyin », indique un communiqué de l’armée chinoise.
« Kinmen et Matsu, situées sur la côte de la Chine continentale, étaient restées à l’écart de ce type d’exercice militaire de Pékin ces dernières années », souligne le chercheur de l’IFRI.
Selon Marc Julienne, il s’agit d’une opération de « grande ampleur », relativement « inquiétante ». « La dernière fois qu’il y a eu des exercices aussi importants, c’était en août 2022, après la visite de Nancy Pelosi », compare-t-il. Furieux de l’arrivée du président démocrate de la Chambre des représentants des États-Unis, le régime a lancé trois jours d’exercices militaires.
Vers un conflit armé entre la Chine et Taiwan ?
Reste à savoir si ces pressions chinoises doivent faire craindre une invasion de Taiwan. « Le risque est faible, mais les conséquences seraient incommensurables », résume Marc Julienne.
Sur le plan économique, un tel conflit armé aurait un impact majeur pour les deux parties concernées, en particulier la Chine qui opère en grande partie grâce aux exportations. Mais aussi pour « le Japon, la Corée et toutes les puissances qui ont besoin d’utiliser le détroit de Taiwan », affirme Jean-François di Meglio.
Au-delà du Pacifique, Taiwan est le premier producteur mondial de puces semi-conductrices hautes performances. Arrêter son économie « poserait un problème dans de nombreuses industries internationales, de l’automobile à l’intelligence artificielle », prévient-il.
Le risque est aussi celui d’un embrasement international avec « une intervention des Etats-Unis, allié historique de Taïwan ou encore de la Corée, du Japon ou de l’Australie » qui ont des intérêts géostratégiques dans la région, s’inquiète Marc Julienne.
Pour l’heure, le gouvernement chinois a annoncé ce vendredi la fin des opérations militaires.