Si vous entendez « maladie d’Alzheimer », vous pensez probablement à une personne âgée souffrant de trous de mémoire, ne se souvenant plus de ce qu’elle a mangé au déjeuner, ni même du nom de la personne avec laquelle elle partage sa vie. Mais cette représentation ne reflète que la phase démentielle de la pathologie. Avant, lors de la phase asymptomatique, qui peut durer dix à vingt ans, la personne ne présente aucun trouble intellectuel ou de la mémoire. Mais à partir de cette période, des lésions apparaissent au niveau du cerveau.
« Toute la question est de savoir comment le cerveau va réagir à ces lésions », explique Bruno Dubois, professeur de neurologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et membre de l’Académie de médecine. « On peut aider le cerveau à compenser et à ralentir l’apparition des symptômes », poursuit Olivier de Ladoucette, psychiatre, gériatre et président de la Fondation pour la recherche sur Alzheimer. Et c’est tout l’enjeu de leur livre. La maladie d’Alzheimer n’est pas une fatalité (Édition HarperCollins), qui sort ce mercredi. Dans cet ouvrage, les deux spécialistes énumèrent les facteurs qui entrent en jeu et listent les comportements à adopter.
Lire, jouer d’un instrument, apprendre une langue
Etre une femme, être âgé ou avoir certaines prédispositions génétiques augmente le risque de développer la maladie d’Alzheimer mais… on ne peut pas y faire grand-chose. En revanche, d’autres facteurs de risque sont « modifiables ». « Si on agit sur tous ces facteurs, on réduit de 40% le risque de développer la maladie », assure Olivier de Ladoucette. Selon le spécialiste, la réserve cognitive est le facteur le plus important. « C’est en gros notre réserve d’intelligence, et elle repose sur notre réseau neuronal. Plus ce réseau est dense, plus la réserve cognitive est importante. Comme la maladie puise dans cette réserve, plus cette réserve est importante, plus la pathologie surviendra tardivement. »
Mais alors, comment remplir cette réserve cognitive ? « Le cerveau est une machine de traitement de l’information, il faut donc lui en fournir, sinon il décline », explique le neurologue Bruno Dubois. Toute activité stimulante est bonne à adopter, mais trois d’entre elles ont particulièrement prouvé leur efficacité : lire, jouer d’un instrument de musique et apprendre une nouvelle langue. Et nul besoin d’attendre d’avoir son carton rouge pour remplir sa réserve. « Si on la développe très tôt, on retardera l’apparition de la maladie », souligne le neurologue. « Il faut avoir conscience qu’on n’a qu’un seul cerveau et qu’il mérite d’être entretenu », insiste Olivier de Ladoucette.
Avoir une bonne santé cardiovasculaire
Deuxième conseil : lutter contre les « bourreaux du cœur », à savoir l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le diabète, le tabagisme et la sédentarité, qui altèrent le réseau vasculaire. « Dans notre corps, il y a de grosses artères mais aussi un réseau très fin qui va dans les zones les plus profondes du cerveau, résume le neurologue. Si on a de l’athérosclérose (un dépôt de lipides sur la paroi des artères), ces vaisseaux seront moins oxygénés et les lésions s’exprimeront plus tôt. » Pour éviter que notre cerveau ne soit à la peine, il faut donc éviter le tabac, l’alcool et les produits trop gras et trop sucrés et privilégier une activité physique régulière.
Entretenez vos sens (en particulier votre ouïe et votre vue)
Autre marqueur à surveiller : les cinq sens. « Si vous avez des troubles sensoriels, comme une perte auditive, vous aurez moins d’informations dans le cerveau et donc vous le ferez moins travailler, explique Bruno Dubois. On sait qu’il existe un lien entre l’hypoacousie (entendre moins bien) et la démence. » Les deux spécialistes conseillent donc de vérifier régulièrement ses cinq sens dès 50 ans et d’agir en conséquence. « Beaucoup de personnes âgées entendent moins bien mais repoussent l’achat d’appareils auditifs pour des raisons financières ou par vanité, mais plus on tarde à porter des appareils auditifs, plus on risque d’avoir Alzheimer et une dépression, insiste Olivier de Ladoucette. Et c’est pareil pour la vue. »
Avoir une vie sociale, un bon sommeil et une bonne santé mentale
Mais ce n’est pas tout. Grâce également à la stimulation cognitive, avoir une vie sociale riche permet de réduire le risque de démence. « Les interactions sociales permettent notamment de réactiver certaines informations, comme les souvenirs », souligne le professeur de neurologie. C’est notamment en raison du retrait social que les personnes souffrant de dépression ont plus de risques de développer Alzheimer. « Cela s’explique aussi par le fait que le stress et la dépression altèrent la réserve du cerveau, explique le psychiatre. On observe dans le cerveau des patients un rétrécissement des hippocampes, les zones essentielles au fonctionnement de la mémoire. » Enfin, le sommeil a aussi son importance. « La nuit, le cerveau retravaille les souvenirs et effectue une sorte de tri », ajoute Olivier de Ladoucette. Le médecin l’assure : il n’y a pas de fatalité à être atteint de la maladie d’Alzheimer.