Suzanne, la vieille dame qui survit à tout, même à trois empoisonnements
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Suzanne, la vieille dame qui survit à tout, même à trois empoisonnements

Suzanne, la vieille dame qui survit à tout, même à trois empoisonnements
Retrouvez tous les épisodes de la série « Suzanne et l’Empoisonneuse » ici.

Sur le carnet, tout en haut de la page, à la date du lundi 4 mars 2019, nous avions écrit : « pull léger, visage doux, corps épais. » L’accusé venait juste d’entrer dans le box. Et juste en dessous, entre guillemets : « Oh mon Dieu ! Je ne le reconnais pas. Il a tellement grossi ! Il était mieux avant… » Nous souriions en regardant la vieille dame très digne qui croyait chuchoter mais qui avait parlé très fort. Il s’agissait d’Olivier Cappelaere, propriétaire de rentes viagères, jugé pour empoisonnement devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes, à Nice. Elle, c’était Suzanne Bailly, sa femme empoisonnée. Elle avait 89 ans, des cheveux blonds défrisés, des yeux bleus liquides, une peau diaphane, et avait survécu à trois comas quatre ans plus tôt. Nous étions venus pour lui. Nous n’avions fait que la regarder.

Suzanne, assise bien droite sur son banc, en tailleur en tweed et mocassins plats, s’agace des dénégations de l’accusé : « De quoi parle-t-il maintenant ? » Suzanne, si vaillante à la barre, dédaignant la chaise proposée : « L’empoisonnement, c’est horrible. Hor-rible ! Enfin, tant pis, c’est fait, c’est fait. Par principe, je n’y retourne pas. » Suzanne, racontant à la cour sa vie bien réglée, l’automne et l’hiver sur la Côte d’Azur, le printemps et l’été dans sa Franche-Comté – « En été, je me sens mieux près de mes pommiers » – ses rendez-vous chez le coiffeur le mardi, son marché le samedi. « Je vis sainement, je cuisine bio, je mange beaucoup de riz et je me soigne avec l’homéopathie. » Suzanne, de retour à son banc, s’inquiétant pour son voisin : « Ai-je répondu correctement ? J’ai quand même dit la vérité. » La salle a ri, le président aussi. « Il y a des moments de grâce, parfois… », il avait dit.

A Nice, Olivier Cappelaere a été condamné à vingt ans de prison.  » C’est bon « Suzanne avait commenté. Il a fait appel, a écopé de vingt-cinq ans. En 2022, il revient sur le banc des accusés au palais de justice de Nice, qui le jugeait pour un autre empoisonnement, celui de son « marraine du coeur »Jacqueline Humbert, décédée à 92 ans, a été condamnée cette fois à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de vingt-deux ans de sûreté. Elle a fait appel. La peine a été confirmée, moins la sûreté. Chaque mois, Olivier Cappelaere continue de verser 700 euros de rente viagère à Suzanne Bailly.

Suzanne Bailly à Belfort, en mars 2024.

Assise à sa table de cuisine dans sa modeste maison de Belfort, elle est la même qu’il y a cinq ans, avec en plus une canne. Elle a été opérée d’un genou, elle aurait aimé avoir les deux, mais le chirurgien lui a dit qu’à son âge ce n’était pas raisonnable. Elle conduit sa Citroën C1 pour faire ses courses et aller chez le coiffeur, à une quinzaine de kilomètres. « À Belfort, plus personne ne sait coiffer. ».

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