suspense total pour le palmarès avant la remise de la Palme d’Or
La 77ème édition du Festival de Cannes touche à sa fin. Une année riche en belles découvertes, alors que certains poids lourds attendus ont pu décevoir. Verdict du jury présidé par Greta Gerwig le samedi 25 en fin de journée.
Alors que la Palme d’Or sera décernée ce samedi 25 mai en clôture de la 77e édition du Festival de Cannes, festivaliers et cinéphiles amateurs, jury et professionnels (acteurs, réalisateurs, producteurs, techniciens, etc. ) y vont. de leurs prédictions quant au palmarès que devraient annoncer la présidente Greta Gerwig et ses jurés.
Que retenir de cette belle édition en termes de cinématographie ? Alors que « L’amour ouf », de Gilles Lellouche, n’a été qu’à moitié convaincant (un premier volet brillant mais trop d’effets de surpuissance technique et de violence sur les trois heures de film), on attend avec impatience le nouveau film en compétition de Michel. Hazanavicius (« L’Artiste », « OSS 117 »…), « La plus précieuse des marchandises », présenté ce vendredi soir. Il s’agit d’un film d’animation adapté de l’œuvre de Jean-Claude Grumberg évoquant le sort d’un bébé juif recueilli par un couple polonais au plus tragique de la guerre.
La France a toutes ses chances
Reste que pour la France, « Emilia Pérez » tient haut la main parmi les paris les plus nombreux quant à une éventuelle deuxième Palme pour Jacques Audiard (après « Dheepan » en 2015) en l’absence de place de choix au Palmarès (et pourquoi pas Karla Sofia , actrice espagnole transgenre couronnée du Prix d’Interprétation ?). « Diamant Brut », d’Agathe Riedinger (sortie le 9 octobre) surprend par le traitement original que fait la cinéaste de la question du rapport au corps et de la séduction à travers le prisme de la télé-réalité et des réseaux sociaux. Dans un style naturaliste et spontané à l’opposé de celui d’Audiard, le film a quelques chances pour un prix du jury.
Que dire de « The Substance », de Coralie Fargeat, qui célèbre le retour de Demi Moore ? Radical, clivant, inconfortable, extrême, violent, virtuose, horrifiant et… ultra-référencé ! (Cronenberg, Lynch, entre autres). Quoi qu’on en pense (et certainement du bien commun jusqu’aux trois premiers quarts), la dernière demi-heure gâche le tout comme un château de cartes qui s’effondre à cause du grotesque et de l’hémoglobine, bien plus vaniteux et ridicule que scandaleux. Dommage, mais un Prix du Jury n’est pas à exclure.
Parmi les films étrangers, « Anora », de Sean Baker (très populaire) ainsi que « Bird », de la réalisatrice britannique Andrea Arnold, ont attiré de nombreux festivaliers tandis que « Kind of Kindness », de Yorgos Lanthimos (« The Favorite »), « Pauvres Créatures ») et ses fantasmes extrêmes – noirceur, surréalisme absurde et délire mental – vous ont peut-être un peu trop fait peur ? Les couleurs criardes et agressives du film brésilien « Motel Destino », de Karim Ainouz, très débridé sexuellement (à la fois en image et en son !), n’ont guère impressionné les premiers spectateurs…
Et si le Jury en décidait autrement ? Enfin, la déambulation mélancolique et vaporeuse de Pablo Sorrentino et de sa créature onirique, « Parthénope », rassemble autant d’admirateurs que de détracteurs. Si les images sont somptueuses et Celeste Dalla Porta d’une beauté captivante, la mise en scène ultra sophistiquée et très contemplative en a laissé plus d’un…
Quoi qu’il en soit, le thème récurrent de cette 77e édition cannoise aura bel et bien été le rapport au corps. De l’obsession de la séduction au plaisir charnel en passant par l’expression de la beauté, la lutte, le déclin ou bien sûr l’envie de changer (transsexualités/diversités).
Rendez-vous manqués
Très attendu, Francis Ford Coppola n’aura guère suscité l’enthousiasme que laissait penser la promesse de sa sélection. « Mégalopole » a trop souvent flirté avec une farce assez pléthorique et confuse, sans grâce, et surtout dépassée par les prouesses de Denis Villeneuve ou d’autres Christopher Nolan ces dernières années, sur des sujets pas si lointains. « Les Shrouds », de David Cronenberg, avec Vincent Cassel et Diane Kruger, n’avait rien à voir dans cette compétition. Sujet confus et démagogique, complexe et rebutant, servi par une mise en scène « stricte minimum », mais surtout par un bavardage insupportable.
« Oh, Canada », malgré la présence de Richard Gere et d’Uma Thurman, révèle un classicisme académique assez surprenant de la part de Paul Shrader (« La Féline », « American Gigolo »…). De plus, le film souffre d’un très mauvais montage qui coupe l’élan de certaines pistes pour ne livrer qu’une impression superflue…
Les pépites des sections parallèles
« Maria », de Jessica Palud, aura suscité une grande émotion dans la section CANNES PREMIÈRES. Cette douloureuse évocation de la carrière contrariée de Maria Schneider, malmenée par la perversité de Bernardo Bertolucci et la complicité de Marlon Brando sur le tournage en 1972 du « Dernier Tango à Paris » a également réuni un casting flamboyant. Autour de la sublime Annamaria Vartolomei dans le rôle titre, Matt Dillon (icône des années 1980), Yvan Attal, Celeste Brunnquell, Marie Gillain et Giuseppe Maggio sont tous d’une remarquable justesse. « Le Roman de Jim » des frères Larrieu – avec Laetitia Dosh et Sara Giraudeau comme on les aime et un parfait Karim Leklou – questionne subtilement la paternité, le rapport à l’éducation, à la famille (qu’on l’imagine ou qu’on l’imagine s’impose). Adapté du roman éponyme de Pierric Bailly, les cinéastes de « TraLaLa ! signent leur plus beau film.
« Ma vie, ma bouche » enfin, à la Quinzaine des Cinéastes, nous a permis de découvrir avec émotion le dernier film de Sophie Fillières décédée il y a quelques mois. Agnès Jaoui, toujours attachante, décalée, capable d’être triste et joyeuse à la fois dans le même plan, porte avec panache cet ouvrage profondément touchant sur la mélancolie, la solitude et les désillusions qui en découlent.
Finalement, à la surprise générale et hors compétition, « Le Comte de Monte Cristo » en aura ravi plus d’un. Même parmi les plus sceptiques. Fresque fourmillant d’idées et de thèmes puisant dans les contradictions les plus indicibles de l’âme humaine : trahison, injustice, pénitence, vengeance, rédemption… Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (« Les Trois Mousquetaires ») ont réussi avec brio à moderniser sans maniérisme. ou des exercices de style, une intrigue légendaire en signant une mise en scène ample, aérienne, fluide et pleine d’envolées romantiques.
Reste plus qu’à attendre de savoir quelle approche le jury aura adoptée pour cette sélection.