Surveillance – Editorial de Maurice Ulrich – 10 septembre 2024
Il n’est pas nécessaire d’être un expert en sciences du langage et plus précisément en sémantique pour entendre la résonance des propos de Jordan Bardella, repris par Marine Le Pen : « Je crois qu’à partir de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance… » C’est du lourd. On peut, et c’est légitime, être vigilant à l’égard d’un gouvernement, l’avertir par rapport aux décisions qu’il entend prendre. La gauche le fera, n’en doutons pas, avec le gouvernement de Michel Barnier, et les manifestations syndicales annoncées pour octobre en témoigneront. Mais le ton est ici différent.
« Dans les semaines à venir, nous devrons indiquer au Premier ministre les lignes rouges et les mesures que nous considérons importantes et dont il faudra tenir compte. »a également indiqué Marine Le Pen. On avait compris que la nomination d’un remontant du placard de la vieille politique qu’Emmanuel Macron voulait révolutionner – on voit comment – avait fait l’objet d’un deal avec la cheffe du RN et son ombre ou son homme fidèle. C’était en attendant un retour sur investissement.
Michel Barnier a déjà donné des gages de bonne volonté dès ses premières remarques en indiquant qu’il n’avait pas de lignes rouges, notamment avec le Rassemblement national et sur des sujets comme l’immigration. Il est vrai que, compte tenu de ses positions antérieures, il n’a pas beaucoup d’efforts à faire dans ce sens. A ce stade, on peut se demander si le choix des futurs ministres ne sera pas discrètement soumis au RN.
Mais il y a autre chose dans le vocabulaire utilisé. « A partir de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance. » L’Histoire bégaie sur un ton menaçant et c’est une vision du monde. Surveillance et punition. C’était le titre, dans les années soixante, d’un ouvrage de Michel Foucault : les immigrés, les jeunes des banlieues, les féministes et les ennemis de la famille, les syndicats si possible, les partis de gauche dont parlait Marine Le Pen dimanche, « Le programme fou et la haine sur l’épaule »…Avec un devant inversé.
Avant de partir, une dernière chose…
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