LA LISTE DU MATIN
« Le Monde des livres » vous invite à profiter de l’été à travers une sélection de romans et de récits. Elizabeth O’Connor situe son premier roman sur une île au large des côtes galloises en 1938, avant la tempête. Anne-Solange Muis explore le gouffre (île elle aussi) entre les aventures rêvées et vécues dans lesquelles se trouve la jeune Louise. Les banlieues impersonnelles d’Adrien Lafille semblent propices à l’angoisse dystopique. Enfin, Robert Solé raconte l’histoire vertigineuse du canal de Suez, dont les enjeux s’ouvrent au monde entier.
ROMAN. « Sur l’île », d’Elizabeth O’Connor
En harmonie avec les limites apparemment désolées qui constituent le décor de Sur l’Ileson premier roman, l’écriture de la Britannique Elizabeth O’Connor frappe d’emblée par son étonnante sobriété. Au large des côtes galloises, une île imaginaire, en 1938, avant la tempête, ses quelques dizaines d’habitants, dont Manod, une jeune femme de 18 ans qui rêve de devenir institutrice et cultive assidûment son anglais.
A quelques jours d’intervalle, une baleine s’échoue sur les eaux peu profondes et deux Anglais, Joan et Edward, débarquent sur l’île pour écrire un livre sur la vie quotidienne de ses habitants. Manod devient leur secrétaire, leur interprète, s’éprend de leurs anecdotes et de leurs rêves à leurs côtés tandis que la baleine se réduit lentement à l’état de carcasse sur le rivage.
Un roman de formation polyphonique, Sur l’Ile est un texte simple et profond, porté par un personnage principal exemplaire. La compagnie de Jeanne et d’Édouard bouleverse les repères de Manod, d’abord en lutte contre son insularité et son destin prédestiné de fille de pêcheur en âge de se marier, la transportant mentalement quelque part entre son île et l’ailleurs.
Peu importe le monde, les désillusions qu’il charrie, la jeune insulaire se découvre maîtresse de son destin. Elle s’affirme, y compris face à ses visiteurs dont elle découvre les erreurs et les faiblesses. Trahi, utilisé, Manod se renforce, s’endurcit sans mélancolie. Sur l’île, on répète que « Tomber dans la mer, c’est comme tomber de la poêle dans les braises ». Nous ne savons pas nager : la mer est infranchissable – sauf, peut-être, semble le suggérer Elizabeth O’Connor, pour cette jeune femme déterminée à choisir sa vie. N.C. A.
HISTOIRE. « Suez. Histoire d’un canal à la croisée des mondes », par Robert Solé
En recevant le diplomate Ferdinand de Lesseps à l’Académie française, Ernest Renan, tout en le félicitant d’avoir réussi ce « prodige » que le creusement du canal de Suez représentait, avertit : ce faisant, il « a marqué le lieu des grandes batailles du futur ». C’était en 1885, seize ans après l’inauguration de cette jonction entre la Méditerranée et la mer Rouge. Le siècle et demi qui a suivi n’a pas démenti la prophétie de l’historien, comme le montre le récit vertigineux qu’en a fait Robert Solé.
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