Sur les réseaux sociaux, le business de l’infertilité fait florès, sans preuve d’efficacité : Actualités
Cures au pollen, compléments alimentaires : depuis plusieurs années, entreprises et influenceurs vantent sur les réseaux sociaux les bienfaits de traitements « miracles » pour tomber enceinte, des solutions à l’efficacité douteuse qui profitent des failles de la médecine.
« Ne pas suivre de régime de fertilité, facteur d’infertilité dans 46% des cas », assure une influenceuse sur Instagram, « l’ananas, un aliment +magique+ pour tomber enceinte », vante le compte Facebook d’une naturopathe, tandis que d’autres sur TikTok annoncent une « cure de pollen » à 132 euros pour « booster la fertilité ».
Avec une personne sur six concernée par l’infertilité dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé, le phénomène est si répandu qu’il est adapté à un public très large : du « yoga de la fertilité » pour les citadins stressés à la méthode « NaPro » pour les croyants, présentée comme une alternative naturelle à la procréation médicalement assistée (PMA) basée sur l’observation du cycle féminin.
Comment expliquer un tel engouement pour des méthodes coûteuses, non prises en charge par la Sécurité sociale, et surtout qui n’ont pas prouvé leur efficacité ?
Car l’infertilité – définie comme l’absence de grossesse après un an de rapports réguliers et non protégés – « touche à la partie la plus intime, la plus sacrée de la vie », observe le professeur Samir Hamamah, président de la Fédération française pour l’étude de la reproduction, « alors quand on n’y arrive pas, le ciel nous tombe sur la tête ».
– « Pas de nourriture magique » –
Face à l’échec, constate-t-il, « on est réceptif à tout et à son contraire ». En consultation, ce gynécologue remarque ainsi des couples qui viennent « avec toujours la même liste de questions, parce qu’ils n’écoutent pas les réponses, ils passent leur temps sur les réseaux sociaux plutôt que d’appliquer les conseils des médecins ».
Mais le professeur Hamamah, comme les autres spécialistes interrogés par l’AFP, l’assure : « il n’y a pas de recette miracle, pas d’aliment magique » qui permettra de tomber enceinte, même si une alimentation équilibrée est recommandée.
Or, comme le note l’obstétricien Jean-Luc Pouly, « une étude de la FDA (l’agence sanitaire américaine, ndlr) montre que le marché des compléments alimentaires spécifiques à la fertilité atteint 4 milliards de dollars aux États-Unis, alors même qu’il n’existe aucune preuve de leur efficacité. »
Et les comptes Instagram, TikTok ou les applications dédiées à la fertilité s’adressent très majoritairement aux seules femmes, alors que l’infertilité dans un couple vient dans un tiers des cas de la femme, un autre tiers de l’homme et un dernier tiers des deux, rappelle Micheline Misrahi-Abadou, référente nationale infertilité génétique et insuffisance ovarienne primaire du Plan « France Médecine Génomique ».
– « Marché parallèle » –
Cet intérêt des femmes pour ces solutions « miracles », note la spécialiste, vient aussi de la « sous-médicalisation » dont elles souffrent : les problèmes de santé des femmes ne sont pas toujours considérés à leur juste valeur par la médecine, ce qui les conduit à « prendre elles-mêmes en charge leur santé » et explique « qu’il y a un marché parallèle qui se développe ».
« Le risque, note-t-elle, c’est que les femmes s’auto-traitent », sans compter que ces techniques peuvent « retarder leur traitement » dans un domaine où « le temps est un ennemi ». En effet, le risque d’infertilité double entre 30 et 40 ans, et la procréation médicalement assistée, longtemps considérée comme une « baguette magique », a encore un taux d’échec très élevé, de 40%.
Selon Micheline Misrahi-Abadou, pour améliorer le taux de réussite de la procréation médicalement assistée, « il faut à tout prix faire davantage de recherches sur les causes de l’infertilité, et notamment sur les facteurs prédictifs d’échec du traitement ».
Samir Hamamah insiste également sur la prévention : « il faut informer dès le plus jeune âge sur les perturbateurs endocriniens, mais aussi sur les modes de vie qui impactent la fertilité : l’obésité, le manque de sommeil et, bien sûr, l’alcool, le tabac et les drogues. »
publié le 4 août à 05h05, AFP