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sur les barrages de Nouméa, retenir ou partir

Emma est fatiguée. Elle ne peut pas penser plus loin que la fin de la semaine. Wenceslas ne veut pas abandonner et maintenir la pression. Sur les terres de Nouvelle-Calédonie qu’ils chérissent, loyalistes et indépendantistes campent chacun de leur côté.

« La dissolution de l’Assemblée nous a cassé les jambes ! », déplore Emma. Installées sous une tonnelle, la mère de famille et ses voisins, d’origine européenne, surveillent leur quartier de Nouméa pour dissuader les voleurs et les pilleurs.

« Quel était l’intérêt de ce que nous avons fait au final ? » continue-t-elle. « On arrive à un stade où on se dit que c’est la guerre qui a gagné, ce sont les Kanaks qui ont gagné, il n’y a plus de dégel électoral ».

A l’autre bout de la ville, Wenceslas Cadsoie discute tranquillement, pieds nus dans un campement installé autour d’un immense arbre, avec d’autres jeunes des quartiers nord de Rivière salée. Ce ne sont pas des « émeutiers », dit-il, mais plutôt  » résistance « .

« Nous sommes ici tous les jours pour montrer que nous sommes ici aussi, parce que c’est notre maison, c’est notre terre »poursuit le Kanak à voix basse. « Là, avec leur dégel, cela fera encore de nous une minorité ici. Nous savons que c’est notre combat”.

Nouvelle-Calédonie : sur les barrages de Nouméa, attendre ou partir

Leur vie a toutes changé il y a un mois avec le vote d’une réforme constitutionnelle permettant aux Calédoniens présents depuis dix ans sur l’archipel de participer aux élections provinciales. Les Kanaks y voient une volonté de les marginaliser.

Des émeutes ont éclaté à la mi-mai, faisant 9 morts et des dégâts très importants selon le dernier bilan officiel.

 » Poignarder « 

Depuis, les deux camps campent sur leurs barrages routiers.

Au sud de Nouméa, les habitants d’une résidence se relaient jour et nuit « pour empêcher le passage de ceux qui ont de mauvaises intentions »explique David, qui assure l’organisation des équipes sur ce barrage « des voisins vigilants ».

Dès que le couvre-feu est instauré, à 18 heures, hommes et femmes du quartier prennent place près d’un long portail déplacé, de la ferraille et d’une herse généreusement garnie de clous, pointes en l’air.

Nouvelle-Calédonie : sur les barrages de Nouméa, attendre ou partir

Emma, ​​​​qui aime plusieurs « film à grand succès » Les deux camps préfèrent taire son patronyme, ne s’est pas remis de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée dimanche par Emmanuel Macron au lendemain de la victoire du Rassemblement national aux élections européennes.

Dans la foulée, le chef de l’Etat a suspendu la réforme électorale qui a mis le feu aux poudres sur le territoire français du Pacifique Sud.

«C’est un coup de couteau. On se sent, mais plus qu’abandonné”déplore Emma, ​​​​employée dans le secteur de l’éducation. « Je trouve vraiment injuste de ne pas pouvoir voter, je suis ici depuis vingt ans (…) je suis toujours considéré comme un étranger ».

« Que se passera-t-il surtout lorsque les barrages disparaîtront ? »elle s’inquiète. « Je vais avoir peur, me demander qui va venir dans notre quartier ».

 » Avec tout le monde « 

Emma dit qu’elle n’attend pas grand-chose des élections législatives. « J’espère juste que les députés ne seront pas indépendantistes parce que là, on est foutus »soupire-t-elle, assise parmi ses voisins qui ne cachent pas leur « lassitude ».

Dans son camp bercé par les notes de rap, Junior se montre plus bavard. Ce Kanak de 38 ans a passé sa vie à Rivière Salée, « le plus grand quartier ouvrier de Nouméa »dit-il fièrement.

Autour de lui, des drapeaux kanak et des slogans : « Kanaky libre », « non à décongeler » ou « à bas l’État colonial ». A une centaine de mètres à peine, la police veille.

Junior l’assure, il veut construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie « avec toutes les courses qui sont là ».

« On ne va pas les faire repartir, à quoi ça sert ? »il demande. « Nous avons grandi ensemble, chaque jour, nous travaillons ensemble avec des loyalistes, des blancs, des javanais, avec tout le monde ».

La dissolution et la suspension de la loi sont autant de petites victoires pour Kanak, qui prépare déjà la campagne des législatives. « Nous allons essayer de mettre en place nos députés et le 30 juin j’appelle toute la jeunesse de Kanaky à aller voter ! »

« Les négociations vont commencer, il faut être prêt, nous resterons mobilisés »Des promesses juniors.  » Le calme avant la tempête… « 

sc-tb/pa/dch

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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