sur la place de la Concorde, la célébration des sports urbains et d’une France en joie

C’est comme le morceau de la Tour Eiffel fondu dans chacune des médailles olympiques qui permet aux athlètes de repartir avec quelques grammes de la Dame de Fer. En venant assister aux compétitions, c’est comme si chaque spectateur repartait symboliquement avec un petit bout des JO en lui, le sentiment grisant d’y avoir participé, d’y avoir été, d’avoir communié sportivement avec ses voisins et rien de moins qu’une part d’humanité.

Les Jeux sont une parenthèse dans une actualité sombre et anxiogène, disent les spectateurs de la Concorde, cette place parisienne, d’ordinaire si triste, devenue joyeuse, lieu d’une foire sportive urbaine, où les démonstrations alternent avec des compétitions de skateboard (depuis dimanche 28 juillet), de BMX freestyle et de basket 3×3 (à partir de mardi), et, plus tard, de breaking.

On y a vu des familles s’entraîner à des chorégraphies collectives. Des enfants faire du BMX. D’autres jouer au lancer de ballon en équipe. Comme un air de vacances, avec casquette et crème solaire, dans un cadre exceptionnel. Mais bien plus que ça, en réalité. Comme une trêve dans une société française divisée, épuisée par la campagne des législatives, les tensions et les incertitudes. Un peu de fête, beaucoup de fierté d’appartenir à ce pays qui sait si bien argumenter et qui sait aussi, finalement, rassembler.

« Nous sommes le pays de l’amour ! »

« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées pour la culture et pour faire la fête »s’amuse Didier Doh, un comptable venu avec deux de ses filles et sa mère, Monique, âgée de 94 ans. Trois générations pour assister aux événements autour des sports urbains. « Nous sortons de trois semaines de haine après la dissolution (de l’Assemblée nationale, le 9 juin). Là, tout le monde se mélange. On peut enfin être fier d’être Français.se réjouit Hortense, l’une des deux sœurs, exprimant sa profonde satisfaction de l’image donnée au monde. « Nous sommes le pays de l’amour, du multiculturalisme ! »le père s’enthousiasme toujours.

La file d’attente est un autre sport urbain – appliqué pour la photo souvenir avec la flamme, devant la boutique officielle et ses porte-clés à dix euros, l’accès aux animations ou la recharge Coca-Cola payable uniquement par Visa, privilège des sponsors. Une file d’attente s’est auto-organisée pour que chacun puisse avoir sa photo devant les anneaux olympiques et l’obélisque de la Concorde, un autre morceau de souvenir à emporter chez soi ou à publier sur Instagram, avec les deux doigts de la victoire pour dire « j’y étais ». Une douce euphorie qui flotte, même si le souvenir de la France « noire, blanche, beur » de 1998 nous rappelle combien elle peut être fugace.

« Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi bien »se réjouit Gabriel Léoté, 40 ans, linguiste venu avec son frère et ses amis profiter du spectacle. « Pendant un moment, il n’y avait pas beaucoup de gaieté. Maintenant, c’est un grand moment ! C’est comme si cela venait soudainement apaiser les tensions accumulées »ajoute Tifaine Robert, 27 ans, qui travaille dans un fonds d’investissement. « Vous savez, les politiciens trépignent d’impatience, ils vont ramener la division. »Gabriel lui répond. « Nous avons lutté contre l’extrême droite il y a moins d’un mois. Cela montre d’autres valeurs »Tifaine veut croire. « Dès que les JO seront terminés, nous replongerons dans nos divisions, mais c’est toujours bon à prendre. Cela commencera par le nom du futur Premier ministre »conclut Gabriel. A moins que l’on désigne un Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux et nouvelle figure consensuelle ?

Si la France est un archipel, comme l’écrit le sondeur Jérôme Fourquet, il y a finalement plus de ponts. Même la police est sympa, même les Parisiens sont agréables – c’est dire qu’il se passe quelque chose, plaisante un spectateur plus piquant que les autres. Pour ne rien rater, pour tout essayer, même ce qu’on ne connaît pas. « Non, rien du tout, je ne regrette rien. »« C’est ça, chante Edith Piaf dans les enceintes du stade. La famille Tognotti, par exemple. Ils ne connaissent rien au skateboard, ni les noms des athlètes, ni les règles. Mais là n’est pas la question. « On est heureux en France, surtout quand on regarde ailleurs. Il ne faut pas l’oublier, et les Jeux permettent peut-être de mieux le voir. »assure la mère, enseignante.

Deux patineurs amateurs sont venus assister à la finale masculine, même si les Français ont été éliminés dès le tour préliminaire. Pas grave. L’essentiel est ailleurs. Alex, 38 ans, Brésilien, est statisticien ; Arnaud, 40 ans, graphiste. « Tout cela dit que nous sommes ensemble »les premières estimations. « Pensez-vous que cela ramènera les gens qui votent RN ? (Rassemblement National) Dans le bon sens ? « demande le deuxième, sans y croire. « Non, mais cela montre le paradoxe français : on peut être d’accord sur 90 % des choses et se disputer sur les 10 % restants. »