Supprimer la presse française des résultats de recherche coûtera à Google 900 000 € d’amende par jour
L’expérimentation presse de Google devient un champ de mines. L’entreprise américaine fait l’objet d’une décision de justice qui lui ordonne de ne pas procéder dans l’immédiat à son test consistant à cacher la presse européenne à 1% des internautes dans neuf pays de l’UE. A défaut, une astreinte journalière de près d’un million d’euros sera à prévoir.
Coup de théâtre concernant le test que Google voulait réaliser à partir de ce jeudi 14 novembre 2024. Le tribunal de commerce de Paris y a mis un terme la veille, dans un jugement que l’AFP a pu consulter. Si la firme de Mountain View ne s’y conforme pas, elle s’expose à une sanction financière de 900 000 euros par jour d’infraction.
Dans le détail, selon l’Agence France-Presse, la sanction concerne Google France, Google Ireland et la société américaine Google LLC (chaque entité étant passible d’une amende de 300 000 euros). C’est le Syndicat des rédacteurs de presse magazine (SEPM) qui est à l’origine de cette action en justice, selon une procédure d’urgence.
Selon un communiqué de la SEPM, Google n’a tout simplement pas le droit de réaliser ce test, car cela « frontalement » contre les engagements que le groupe a pris en 2022 devant l’Autorité de la concurrence. Ces obligations s’inscrivent dans le cadre des négociations sur la rémunération des médias car leur contenu apparaît dans Google.
Une promesse a notamment été faite de « prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent pas l’indexation, la classification ou la présentation des contenus protégés et n’affectent pas les autres relations économiques qui existent entre Google et les éditeurs de presse et les agences de presse. »
Exclure 1% des internautes dans 9 pays de l’UE de l’accès à la presse du continent
La particularité du test que voulait réaliser la firme de Mountain View était de cacher tous les médias européens à 1% des internautes présents dans neuf pays de l’UE (dont la France) et de comparer ensuite l’attitude de cet échantillon avec un groupe témoin équivalent. Cela aurait continué à voir les médias européens dans les résultats.
Pour justifier cette expérimentation, Google a mis en avant l’évolution du cadre réglementaire sur le Vieux Continent, avec l’arrivée en 2019 de la directive européenne sur le droit d’auteur – qui inclut la création d’un droit voisin pour les éditeurs. presse. L’entreprise a également souligné une demande en ce sens de la part des médias eux-mêmes.
C’est ce que reflète un communiqué, publié le 13 novembre : « les autorités administratives indépendantes et les éditeurs de presse nous ont demandé plus d’informations sur l’impact de l’affichage de contenus d’actualité (dans nos services) « . Cependant, pour cela, juge Google, il faut disposer de métriques objectives. D’où ce test.
À l’AFP, Google a adressé une réaction reflétant justement son étonnement. » Nous sommes très surpris par la position du SEPM, même s’il nous a lui-même demandé ces données par écrit. « . De son côté, la SEPM s’est déclarée ravie de ce résultat » qui préserve les intérêts de toute la presse française. »
La décision prise par le tribunal de commerce de Paris ne signifie pas que le test de Google viole nécessairement son engagement. Il a été décidé en urgence, en raison du début imminent du test, de le geler jusqu’à ce que nous puissions statuer sur sa validité. Un juge des référés devra se pencher sur la question ultérieurement.
Dans ce contexte, Google a décidé de suspendre ce test pour la France. Cependant, cela continue dans d’autres pays.
L’entreprise juge en tout cas très surprenants les signaux contradictoires envoyés par la SEPM. Le groupe américain estime que le SEPM exige d’une part des éléments pour mesurer l’attractivité des contenus de presse sur Google, mais l’empêche de l’autre de réaliser une étude qui pourrait éclairer la situation.
« Nous avons connaissance de l’ordonnance du tribunal de commerce de Paris, et suspendons pour le moment le lancement du test en France. Nous sommes très surpris de la position de la SEPM, même si elle nous a formellement informé de cette demande concernant ces données »
Ce test était a priori lancé pour durer quelques semaines, voire quelques mois. Cela n’aurait pas affecté l’affichage de la presse internationale en dehors de l’UE pour cet échantillon. A terme, l’affichage de la presse européenne aurait été rétabli et Google aurait prévu de compenser d’éventuelles baisses de rémunération sur la période.
(mis à jour avec la suspension du test en France)