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pourquoi le Rassemblement national prend ses distances avec le parti d’extrême droite allemand AfD

Jordan Bardella, président du RN et tête de liste pour les élections européennes, a annoncé mardi que son parti ne siégerait plus aux côtés de l’AfD au Parlement européen.

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Le président du RN, Jordan Bardella, et la présidente des députés RN, Marine Le Pen, au Havre (Seine-Maritime), le 1er mai 2023. (ALEXANDRE BRE/HANS LUCAS/AFP)

Un écart de trop. Le Rassemblement national met fin à son alliance avec le parti Alternative allemande für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne, AfD), mardi 21 mai, à moins de trois semaines des élections européennes. « Je pense que l’AfD, avec qui nous avons eu l’opportunité de travailler au Parlement européen pendant cinq ans, nous avons franchi des lignes que je considère comme des lignes rouges », a déclaré sur LCI le président du RN et tête de liste pour le vote, Jordan Bardella. « Donc, le Rassemblement national (…) ne siégera plus aux côtés de l’AfD (au Parlement européen)« .

Cette annonce fait suite aux propos tenus par l’eurodéputé Maximilian Krah, tête de liste AfD pour les élections européennes, dans un entretien avec La République et à Temps Financier. « Pouvez-vous vraiment dire que parce que quelqu’un était officier dans la Waffen-SS, il était un criminel ? La culpabilité individuelle doit être établie. » il défend. Son propre parti l’a désormais interdit de tout rassemblement électoral.

Le divorce est donc confirmé, mais les tensions couvent depuis longtemps. En janvier, le média d’investigation Correctiv révélait le contenu d’une réunion restée secrète, organisée deux mois plus tôt près de Potsdam (Allemagne). Des membres de l’AfD, aux côtés de militants identitaires, d’entrepreneurs et d’avocats, élaboraient les contours d’un plan de « remigration », c’est-à-dire d’expulsion. masse d’étrangers et « citoyens non assimilés » de l’Allemagne.

Le projet, xénophobe et raciste, pousse plus de 2 millions de personnes dans la rue contre l’extrême droite et oblige le RN à prendre ses distances avec son allié. « Je suis totalement en désaccord avec la proposition qui aurait été discutée ou décidée lors de cette réunion »Marine Le Pen l’a assuré à la presse le 25 janvier. « Nous n’avons jamais défendu une quelconque ‘remigration’, au sens où la nationalité française serait retirée aux personnes l’ayant acquise, y compris dans des conditions que nous contestons », insiste-t-elle.

Au cours des semaines suivantes, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont déjeuné avec la co-présidente de l’AfD, Alice Weidel, et lui ont demandé un engagement écrit garantissant que ce projet ne ferait jamais partie du programme du parti, a déclaré le député RN à France. Inter. Thibaut François. Alice Weidel répond par lettre, critiquant l’enquête de Correctiv. Dans cette lettre, consultée par l’AFP, la figure de l’extrême droite allemande tente de tempérer le projet de « remigration », en vain. « Il me semble qu’il reste encore un certain nombre de questions qui restent sans réponse » », commentait Marine Le Pen fin février.

La suite de la campagne n’a pas apaisé les relations entre les deux alliés. Fin avril, une nouvelle affaire embarrassait l’AfD : un assistant du député européen Maximilian Krah, Jian Guo, était soupçonné par le parquet fédéral allemand d’avoir transmis « des informations sur les négociations et les décisions du Parlement européen à son client du service de renseignement » Chinois. L’eurodéputé se retrouve sous enquête préliminaire pour soupçons de financements russes et chinois. A cela s’ajoute la récente condamnation de Björn Höcke, l’une des figures du parti, à payer une amende de 13 000 euros pour avoir répété un slogan nazi lors d’un meeting trois ans plus tôt.

En formant un groupe à part avec l’AfD, le Rassemblement national espère donc se protéger des dérives d’un allié devenu incompatible avec une image diabolisée. « Sur le plan français, cela montre à quel point le RN tient à véhiculer une image de clarification et de crédibilité gouvernementale »analyse le politologue Bruno Cauvrai. Selon lui, cette décision peut être interprétée à la lumière des souhaits du groupe d’extrême droite.pour ne plus faire d’erreurs » en termes de communication en vue de l’élection présidentielle de 2027. « On imagine l’effet que pourrait avoir le fait d’être dans le même groupe que des personnes proches des idées nazies, au moment d’une élection présidentielle. »

Avant cette pause, le RN s’était efforcé de maintenir le flou sur ses futurs liens avec l’AfD au Parlement européen. « Il est clair que nous avons aujourd’hui un certain nombre de divergences et de désaccords, qui nous ont amenés à avoir des explications franches avec ce mouvement politique »assurait Jordan Bardella, sur France 3, fin avril. « La question des alliances et des alliés que nous aurons (au Parlement européen) cela dépendra des forces en présence. A ce jour, rien n’est exclu. »a expliqué le président du RN.

Dimanche, en marge d’un déplacement à Madrid pour rencontrer d’autres groupes d’extrême droite, Marine Le Pen mettait encore en doute la collaboration entre les deux groupes. « L’AfD n’est pas dirigée. Cela pose une préoccupation dont nous devrons discuter lorsque nous réfléchirons au futur groupe »a déclaré le leader à la presse.

L’absence de l’AfD du prochain groupe RN au Parlement européen pousse le parti français à remettre en question ses futurs alliés à Strasbourg. «Cela ouvre un jeu de chaises musicales» au niveau européen, anticipe Bruno Cautres. Car la recomposition en vue après les élections européennes pourrait également affecter l’autre groupe de cette famille politique, les Conservateurs et Réformistes européens (CRE), qui regroupe les partis nationalistes d’extrême droite.

Le groupe CRE comprend en effet le parti d’extrême droite de la chef du gouvernement italien Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, longtemps critiqué par le RN sur la scène continentale. « Voter pour Marion Maréchal, c’est voter pour le pacte d’asile et de migration imposé par l’UE d’Ursula von der Leyen et soutenu par Giorgia Meloni »avait critiqué le parti français début avril, en référence au soutien du groupe CRE à l’actuel président de la Commission européenne.

Entre le Premier ministre italien et le Rassemblement national, les choses s’améliorent ces dernières semaines. « Il y a des points communs avec Mme Meloni »a déclaré dimanche Marine Le Pen depuis Madrid. « Il ne s’agit pas d’individus, mais de liberté. (Giorgie) Meloni et (Matéo) Salvini se soucie de la liberté. Il ne fait aucun doute qu’il existe une convergence entre nous concernant la liberté des personnes vivant en Europe. » Cependant, de profonds désaccords demeurent entre le RN et Fratelli d’Italia, tandis que les négociations se poursuivent avec les autres alliés du parti pour tenter d’avoir la plus forte influence sur l’orientation du futur Parlement européen après le 9 juin.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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