Nouvelles locales

Standard & Poor’s abaisse la note de la dette française de « AA » à « AA- »

A une semaine des élections européennes, c’est une gifle pour la majorité, déjà mal en point dans la campagne.

Au sein de la majorité, comme à Bercy, on préparait depuis des semaines ce coup de semonce, en espérant bien sûr échapper, une nouvelle fois, au couperet. Hélas, après l’avoir placée sous perspective négative pendant deux ans, l’agence Standard & Poor’s a décidé d’abaisser la note de la dette souveraine française. L’annonce est tombée vendredi soir. Après avoir perdu son triple A (l’équivalent d’un 20 sur 20) lors de la crise financière, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la France doit désormais faire le deuil de son AA (18 sur 20).

En effet, la note de la France a été abaissée par l’agence de notation S&P, passant de « AA » a « AA-«  sanctionner le «détérioration de la situation budgétaire» du pays. « Le déficit budgétaire de la France en 2023 a été nettement plus élevé que prévu »a justifié l’entreprise américaine dans une analyse accompagnant la note, qui s’attend à ce que le déficit ne puisse pas revenir en dessous de 3% du PIB d’ici 2027.

A une semaine des élections européennes, c’est évidemment un coup dur pour la majorité, déjà en difficulté dans la campagne. D’autant que la décision de la principale agence de notation efface la satisfaction accordée un mois plus tôt par ses concurrents Moody’s et Fitch. Les oppositions devraient profiter de ce revers avec délectation ce week-end. Et il faut reconnaître qu’en matière de finances publiques, l’exécutif a donné le bâton à battre. Depuis 2017, la dette rapportée au produit intérieur brut (PIB) s’est envolée, passant de 97 % à 111 % en 2023. Bercy prévoit un atterrissage à 112 % en 2027, après un pic à 113 % en 2025.

Une succession de crises

L’exécutif n’a aucun mal à expliquer que l’envolée de la dette a été exacerbée par la succession de crises auxquelles Emmanuel Macron est confronté depuis son élection : gilets jaunes, covid puis inflation. Mais l’argument ne résiste pas à la comparaison : en moyenne en Europe, la dette a diminué sur la période. Les dépenses publiques françaises représentaient ainsi 57% du PIB à la fin de l’année dernière, soit huit points au-dessus de la moyenne de la zone euro, alors que les Français continuent de se plaindre de la dégradation des services publics.

L’année 2023 marque une rupture, avec un déficit public astronomique de 5,5% alors même que le pays est sorti de mesures exceptionnelles de protection contre l’inflation. Le déficit budgétaire de l’Etat a atteint 173 milliards d’euros, soit 21 milliards de plus qu’en 2022, soit 9 milliards de plus que prévu initialement dans la loi de finances pour 2023. « C’est proche du niveau record de 2020 qui, je le rappelle, avait été durement touché par la crise sanitaire. La comparaison avec 2019 est encore plus frappante, puisque le déficit a presque doublé en quatre ans.s’est alarmé, dans une récente interview avec Figaro, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

Identifier les économies

Afin de redresser la situation, Bercy promet des économies. Pour le budget 2024, 10 milliards ont été votés par décret en janvier, 10 milliards supplémentaires ont été répartis entre les collectivités et l’État. Pour 2025, le ministère table sur environ 20 milliards d’économies. Reste à les identifier. Des revues de dépenses ont été lancées, notamment autour du domaine social ou de l’aide aux entreprises, et leurs conclusions partiellement publiées. Toutefois, pour l’instant, il n’est pas question de les rendre publics. Toute annonce douloureuse attendra la fin de la campagne.

Dans sa dernière revue de l’économie française, le FMI a noté que dans un scénario à politique inchangée, qui intègre uniquement « mesures adoptées et clairement documentées », « le déficit public restera élevé à 5,3% du PIB en 2024 et diminuera légèrement, à 4,5% en 2027 ». Bien loin des objectifs du gouvernement d’un déficit de respectivement 5,1% et 2,9%. L’évaluation du FMI ne prend cependant pas en compte la dernière réforme de l’assurance chômage. Selon les prévisions du gouvernement, cela pourrait générer jusqu’à 4 milliards d’euros d’économies et surtout augmenter le potentiel de croissance du pays. Reste que le déficit de la Sécurité sociale, annoncé ce jeudi, devrait atteindre 6 milliards d’euros de plus que prévu en 2024, de quoi effacer les effets de la réforme.

Ne vous laissez pas divertir par les agences

« Les Français ne croient pas au plein emploi. La situation actuelle offre un bon équilibre pour les gens, entre trouver du travail et bénéficier d’une protection. Mais ce n’est pas un bon équilibre pour le pays, estime-t-on à Bercy. Avec un modèle social constant, nous ne pouvons pas atteindre le plein emploi. Il faut donc passer d’un État providence à un État qui protège. » Au ministère de l’Economie, où la décision de S&P a été connue vendredi soir, le slogan est clair : « on ne va pas se laisser divertir par les décisions des agences ! ». Bruno Le Maire a également souhaité organiser un verre jeudi soir pour fêter ses sept ans à la tête du ministère, « un moment convivial avec 150 salariés et anciens salariés ».

Il n’en reste pas moins que les agents de l’Agence France Trésor, la direction de Bercy chargée du placement de la dette française, suivront avec enthousiasme l’ouverture des marchés financiers lundi matin. L’année dernière, la décision de Fitch d’abaisser la note française n’a pas fait bouger d’un iota le titre de la dette. Il devrait en théorie en être de même lundi, les obligations françaises restant très appréciées des investisseurs. Mais aucune institution, ni aucun pays, n’est à l’abri d’un changement d’humeur du marché.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page