ARTE – SAMEDI 26 OCTOBRE À 20H50 – DOCUMENTAIRE
1492 n’est pas seulement l’année de la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb. C’est aussi le point culminant, de ce côté-ci de l’Atlantique, de la Reconquista, qui a mis fin à sept siècles de présence musulmane en Espagne. Le 2 janvier 1492, la prise de l’Alhambra par les troupes de Ferdinand II d’Aragon et d’Isabelle la Catholique provoque la chute de l’émirat de Grenade, fief de la dynastie nasride. En résulte une autre grande découverte : la splendeur de cette acropole construite sur le plateau de Sabika depuis 1238 par vingt-quatre sultans.
C’est cette révélation que nous partage Marc Jampolsky (Versailles, le palais retrouvé du Roi Soleil2018). Sans échapper totalement au syndrome de la carte postale. Le « trésor » évoqué par le titre de son documentaire sur l’Alhambra est celui d’une place forte qui s’apparente plutôt au palais de l’Alhambra. Les mille et une nuits qu’un château médiéval. Le « Qa’lat Al-Hamra » (« château rouge » en arabe), un « joyau de l’art islamique » avec son « collection unique dans le monde des performances architecturales »rappelle Jesus Bermudez Lopez, conservateur du site, attire chaque année près de 3 millions de visiteurs.
Egalement saisis par la beauté des lieux, les rois catholiques préservèrent et même enrichirent les édifices. Une église fut construite à l’emplacement de la mosquée (comme à Cordoue, autre haut lieu du sultanat). Charles Quint y fit construire un palais Renaissance en 1526.
Oasis idyllique
Après l’abandon à l’époque moderne, puis les destructions commises par les troupes napoléoniennes, ce n’est qu’en 1870 que l’Alhambra fut déclarée monument national. Célébrée à partir de 1829 par Victor Hugo en Les Orientaux, l’ensemble palatial est restauré selon les critères du moment, ceux du français Eugène Viollet-le-Duc. Et inspire de nombreux artistes, comme aux belles heures de la dynastie nasride. En décembre 1910, Henri Matisse y trouve un modèle pour ses « Odalisques », langoureusement installées dans des bains sophistiqués reproduisant ceux de l’Alhambra.
Avec l’aide d’Adelaida Martin Martin, de l’Université de Grenade, d’Elena Correa, restauratrice en chef, et d’Hubert Naudeix, architecte et modeleur d’images de synthèse, Marc Jampolsky nous fait découvrir les coulisses de dizaines de chantiers de fouilles et de restauration qui s’essaient littéralement. réaliser une « reconquista », celle de l’histoire avec un grand H de cette montagne magique qui raconte l’histoire du royaume d’Al-Andalus.
Oasis idyllique abritant pendant deux siècles la politique subtile des sultans, entre diplomatie et campagnes militaires, la Grenade islamique fut finalement une terre d’accueil pour des milliers de réfugiés fuyant la Reconquista. Le dernier souverain musulman, Boabdil, aurait tenté jusqu’au bout de protéger « ses » juifs – hébergés sous le statut de dhimmis – grâce à un traité conclu après sa défaite avec le couple de monarques catholiques. En vain : l’expulsion des Juifs non convertis au catholicisme est décrétée le 31 mars 1492. Ils trouvent refuge de l’autre côté de la Méditerranée, dans les royaumes musulmans, où ils deviennent les Sépharades. Mais c’est une autre histoire.
Alhambra, le trésor du dernier sultanat d’Espagnedocumentaire de Marc Jampolsky (Fr.-Esp., 2024, 92 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 24 novembre.