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sophrologie, autohypnose, immersion dans le Raid… Comment les skippers se préparent mentalement à la course

Dans le monde de la voile, le Vendée Globe est souvent surnommé l’Everest des mers. La comparaison est loin d’être anodine. D’un point de vue mental, ce tour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance, est une prouesse hors du commun, qui conduit près d’un skipper sur deux à abandonner à chaque édition. « Le Vendée Globe est la course qui demande la meilleure capacité mentale. Sans se vanter, c’est l’un des exercices sportifs les plus difficiles. Ce n’est pas pour rien qu’il a lieu tous les quatre ans, car cela peut écraser les marins », » reconnaît Jérémie Beyou, au départ de son cinquième Vendée Globe. « Il n’y a rien de plus extrême que le Vendée Globe. L’océan est l’endroit le plus hostile à l’homme. Et il n’y a rien d’autre qui oblige un homme ou une femme à être aussi loin, aussi seul, aussi longtemps », soutient le skipper Eric Bellion.

Pour se préparer à un tel défi personnel, les skippers ont tous des méthodes différentes. « Ma préparation c’est d’être sur chantier tous les jours, de bricoler, de bien connaître mon bateau et d’avoir confiance en ses capacités », tranche Jean Le Cam, qui a toujours terminé dans le top 10 à l’exception de 2008, où il a pris sa retraite. A l’aube de sa sixième titularisation consécutive, le Breton de 65 ans n’a jamais eu besoin d’un préparateur mental. « Cela pourrait même confondre mon cerveau plutôt qu’autre chose », il a souri.

Le Breton est l’un des rares marins au départ de ce Vendée Globe à ne pas avoir la moindre préparation mentale. Pour être prêt pour « la plus grande aventure » de sa vie, Violette Dorange, « travailler dur » cette zone : « Je travaille sur ce sujet depuis que j’ai commencé à naviguer, à huit ans, toujours avec la même personne. A l’époque, c’était déjà un atout car j’étais le seul à le faire »témoigne le marin de 23 ans, le plus jeune de cette édition.

Au programme pour le skipper de Devenir : exercices de sophrologie et de visualisation, échanges autour des émotions et apprentissage de la gestion du temps. « Je fais des cycles de trois mois (là temps moyen pour terminer la course) pour voir comme le temps passe vite, pour me rassurer », résume celui dont l’objectif est de boucler ce tour du monde.

« Il y a la gestion du stress, de l’inconnu, de l’ennui en mer ou des peurs, pour analyser ce que je ressens et apprendre à dédramatiser. »

Violette Dorange, skipper du Devenir

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Minimiser le drame, c’est aussi ce qu’a réussi à faire Jérémie Beyou en 2020. Avec la casquette de favori, il a été contraint de revenir aux Sables d’Olonne pour réparer son Imoca, victime d’une avarie, avant de repartir de nouvelles journées plus tard, loin derrière. le peloton de tête. « Travailler avec mon psychologue de l’époque m’a beaucoup aidée. Bien me connaître, savoir où je voulais aller et comment, tout en me souvenant de ce qu’on avait fait pour préparer cette course, m’a permis de retrouver les ressources pour repartir. C’est l’un des événements les plus compliqués de ma carrière sportive. » » rappelle le skipper de Charal, finalement 13ème lors de cette édition. Désormais, il prend du recul avec le statut de favori qui « n’apporte ni points ni miles d’avance ».

La skipper française Violette Dorange navigue sur son monocoque Imoca Devenir, au large de Lorient (Morbihan), le 23 avril 2024. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Comme Jérémie Beyou, Charlie Dalin, deuxième du dernier Vendée Globe, a appris dès sa première participation à gérer ses émotions «exacerbé» par cette course. « On peut être heureux le matin, voire euphorique car on a creusé l’écart avec les autres, et le midi, être un peu au fond du trou car on a cassé une partie », souligne le skipper de Macif santé prévoyance.

« Avant le Vendée Globe, je pensais que je serais un métronome en termes d’émotions et que je serais capable d’y résister. Mais en fait, ça arrive. Contrairement à d’autres sports, nous n’avons pas d’entraîneurs ni de supporters au bord du terrain pour nous remobiliser. »

Charlie Dalin, skipper Macif assurance maladie

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Pour sa deuxième participation, Eric Bellion connaît l’importance du mental : « En 2020, j’ai travaillé sur mes motivations pour participer. Je ne voulais pas avoir quelque chose à prouver à quelqu’un. Aujourd’hui, je suis plus porté sur l’aspect compétition, sur la prise de responsabilité en tant que compétiteur, on a aussi tout préparé. scénarios possibles pour réagir au mieux aux coups durs. confie le skipper de Stand comme tel. « Peut-être que les situations n’auront rien à voir avec ce que nous avons préparé, mais il aura les clés pour garder son sang-froid et trouver des solutions basées sur les sujets que nous avons déjà abordés ensemble », explique Gérard Vaillant, son coach mental, qui a augmenté le rythme des séances à l’approche du départ.

« Le travail ici consiste à réaliser que la façon dont vous envisagez le problème est ce qui crée le problème. »

Gérard Vaillant, coach mental d’Eric Bellion et Jérémie Beyou

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Ce travail s’appuie sur les échanges et l’expression des émotions, mais aussi sur la cohérence cardiaque pour gérer le stress et l’autohypnose. « Il n’y a pas forcément de programme défini, mais plutôt un accompagnement en fonction de leurs besoins et de leur ressenti du jour » décrit le spécialiste, qui suit également Jérémie Beyou.

Par exemple, quelques semaines avant le départ, Eric Bellion a pris conscience de ce qu’impliquait la séparation d’avec sa famille. « C’était la plus grosse difficulté de cette édition, car avant, je ne laissais aucune famille derrière moi »il confie. « En verbalisant ce qu’il ressentait, Eric a compris qu’il ne s’agissait pas d’un abandon, et que sa fille serait en sécurité et bien prise en charge malgré son absence. » explique Gérard Vaillant. Fort de ce cadre familial supplémentaire, Eric Bellion a également travaillé sur d’autres aspects, notamment les épreuves hors courses. « JEtravaillé sur des scénarios spécifiques comme celui-ci où ma fille est décédée, ce à quoi on ne se prépare pas naturellement », reconnaît Eric Bellion.

Si aujourd’hui l’aspect mental est devenu un domaine de préparation incontournable pour de nombreux marins, beaucoup l’ont, à première vue, sous-estimé. À commencer par Louis Burton : « A 26 ans, sur mon premier Vendée Globe, je me souviens que je n’avais pas fait attention à la préparation mentale, car j’étais bien placé dans ma tête. Mais au retour de l’édition 2016, en cherchant à augmenter le niveau performance, J’ai réalisé qu’il remplissait un rôle important dans la gestion de la course », avoue le skipper de Bureau Vallée, qui vise mieux que sa troisième place en 2021. Depuis, il a intensifié son travail sur la gestion des perturbations extérieures (comme une casse sur le bateau ou un mauvais choix de navigation), la gestion de la pression et des attentes. , ou encore la déconnexion avec les problèmes à terre.

Pour parfaire sa préparation, Louis Burton a pu bénéficier d’une immersion inédite au sein du Raid, un mois jour pour jour avant le départ de la flotte. « On m’a juste dit : ‘Viens à 9 heures du matin et prends des vêtements de sport.’ Mais cela n’avait rien à voir avec l’entraînement sportif. » dit-il. Dans un véritable exercice de conditionnement, Louis Burton a suivi le groupe d’élite : « Lorsque nous sommes sortis du fourgon, cinq hommes nous ont violemment désarmés. Nous étions alors emmené dans une cave, cagoulé et menotté. Des litres et des litres d’eau ont été versés sur nos têtes. Il a Il a fallu que je parvienne à me libérer. Ce nCe n’était pas un jeu, c’était une véritable séquence d’entraînement. J.« J’ai été totalement poussé à mes limites », avoue Louis Burton. Dix jours après l’exercice, il présentait encore des marques noires sur les doigts et le dos causées par des impacts de fausses balles.

« Le facteur stress est tel qu’il pousse à réfléchir, à agir vite, et à rester efficace malgré la pression. »

Louis Burton, skipper Bureau Vallée

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Une expérience transformée en atout. « Cela m’a montré qu’il fallait faire attention à soi, afin de rester efficace dans ses missions et ne pas se mettre en danger. Cela m’a également appris à prendre des décisions et à agir pour la performance, quelles que soient les circonstances ou notre état. je réitèrerai sans hésitation. Je suis fermement convaincu que je repars avec un avantage sur les autres », estimé Louis Burton.

Gérer le départ, la foule puis la solitude de plusieurs mois, avant la grande foule de l’arrivée, fait aussi partie des axes de préparation mentale. « Lorsque vous franchissez la ligne de départ et que le dernier bateau d’assistance rentre au port, vous pouvez avoir une sensation de chute libre sans savoir quand il s’arrêtera. Il faut le comprendre, se dire que c’est normal et arriver tout de suite à se concentrer. » souligne Louis Burton.

Une fois arrivé à bon port, le « Le blues vendéen » peut également surveiller : « Après la Vendée, on aimerait pouvoir se reposer six mois. Il peut y avoir une déprime émotionnelle, soit parce que tu es trop fatigué ou que ça s’est mal passé, soit à l’inverse parce que tu as gagné et que ça t’est monté au cerveau », il énumère. Désormais indispensable dans un sport devenu professionnel, la préparation mentale n’est plus, pour la majorité de la flotte, une variable d’ajustement. « Sans préparation mentale, certains skippers ont beaucoup de mal à faire face aux difficultés de la compétition, analyse le préparateur mental, Gérard Vaillant. Ils repartent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et peuvent devenir le maillon faible de leur projet. »

Cammile Bussière

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