Israël a réussi à déployer un nouveau mode de guerre en milieu urbain. Pourquoi personne ne veut-il le voir ?
Des soldats israéliens dans un complexe évacué de l’UNRWA dans la ville de Gaza, au milieu des combats en cours entre Israël et le Hamas.
©JACK GUEZ / AFP
Stratégie militaire
Dans le cadre de la campagne militaire contre le Hamas suite aux attentats du 7 octobre, l’armée israélienne a créé une nouvelle norme en matière de guerre urbaine.
Atlantico : Engagée depuis près de six mois dans une guérilla urbaine dans la bande de Gaza, Tsahal est confrontée à des défis sans précédent. Dans un article publié dans le média américain Newsweek, le chroniqueur John Spencer explique qu’il faudra tirer les leçons tactiques de la stratégie des Forces de défense israéliennes. De quelle manière Tsahal crée-t-il un nouveau mode de combat dans le contexte de la guerre urbaine et quelles sont selon vous les principales leçons de ce conflit ?
Jérôme Pellistrandi : La guerre de Gaza est un conflit de haute intensité tant par les méthodes que par l’importance des tirs engagés, même s’il existe une asymétrie entre les protagonistes avec d’un côté les Tsahal utilisant toute la palette des moyens dont les blindés lourds et de l’autre d’autres Hamas s’appuyant sur une techno-guérilla utilisant à la fois les ressources d’un territoire urbanisé et organisé en vue de cet affrontement mais utilisant également la population civile comme bouclier et comme auxiliaire. Le territoire de Gaza est également bien connu de Tsahal et a fait l’objet d’une surveillance permanente même si celle-ci a échoué le 7 octobre. Mais c’est bien une connaissance numérique qui a été acquise, permettant ainsi d’exploiter le renseignement. Pratiquement chaque bâtiment, chaque terrain figurait dans les bases de données de Tsahal, sans parler de l’organigramme du Hamas. Cependant, malgré la masse d’informations recueillies, celles-ci n’ont pas suffi à permettre la libération des otages par la force.
Quelles sont les principales différences dans les méthodes de combat utilisées par Tsahal par rapport aux autres conflits en zones urbaines ?
Tout d’abord, il faut souligner que les distances entre le théâtre de Gaza et le territoire israélien sont courtes et facilitent donc les aspects logistiques qui ne nécessitent pas de longs déplacements. Cette proximité est l’une des caractéristiques qui façonnent Tsahal, qui n’a pas besoin de se projeter loin de ses bases. Par ailleurs, la connaissance du terrain et l’acquisition du renseignement permettent une boucle de décision très courte, facteur d’efficacité tactique.
Malgré sa supériorité technique, technologique et numérique, Tsahal mène des combats très durs dans la bande de Gaza. Comment expliquer la complexité des combats en milieu urbain ?
Cette complexité est due au caractère très urbanisé de la bande de Gaza, à l’imbrication des combattants du Hamas au sein de la population, à l’utilisation d’infrastructures civiles à des fins militaires contraires aux règles du droit international (écoles et hôpitaux abritant des installations du Hamas). et combattants). Par ailleurs, le Hamas ne cherche pas à trouver une solution pacifique mais plutôt à poursuivre la guerre aussi longtemps que nécessaire, sachant bien sûr que le combat est asymétrique et que Tsahal a un rapport de force bien plus important. Tsahal est donc obligé d’avancer bâtiment par bâtiment, sans oublier les tunnels dont la cartographie reste complexe.
Sur la scène internationale, le coût humain de l’opération israélienne dans la bande de Gaza suscite une vive émotion. Pourtant, Tsahal communique beaucoup sur sa volonté de protéger la vie des civils. Dans quelle mesure est-il complexe de concilier bon déroulement des opérations et protection des populations ?
La difficulté réside dans l’imbrication du champ de bataille avec les lieux où vit la population, ces derniers étant exploités par le Hamas. Par ailleurs, l’absence de portes de sortie, notamment vers l’Egypte, l’empêche de quitter le territoire. Certes, Tsahal a tenté de prévenir, notamment en utilisant différents moyens tels que les SMS, les tracts et les réseaux sociaux, mais l’intensité des frappes aériennes et des combats terrestres sur un territoire exigu ne pouvait qu’entraîner un nombre élevé de victimes. A cela s’est progressivement ajoutée la question du ravitaillement, dont la distribution est exploitée soit par le Hamas, soit par des bandes organisées. Il y a enfin la bataille des images et de la communication avec le Hamas poussant un récit de victime basé sur les souffrances réelles de la population civile.
