Société fracturée, économie affectée, statu quo politique… La Nouvelle-Calédonie toujours en crise, trois mois après le début des émeutes
La crise, qui a éclaté le 13 mai et a déjà fait dix morts, laisse des traces dans la population calédonienne. Dans le même temps, les dégâts sont particulièrement importants pour de nombreuses entreprises.
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A près de 17 000 kilomètres de Paris, le Caillou semble à bout de souffle. Même si le projet le dégel du corps électoral est Suspendues, les affrontements entre indépendantistes et forces de l’ordre restent quotidiens en Nouvelle-Calédonie. L’économie de l’archipel est à genoux, et les dirigeants politiques ne semblent toujours pas prêts à trouver un accord… Alors que mardi 13 août marque trois mois de crise, franceinfo fait le point sur la situation sur le terrain.
Des résidents qui se replient sur eux-mêmes
La crise, qui a déjà fait dix morts, dont deux policiers, laisse des traces dans la population calédonienne. « Dans mon quartier, il y a toujours des patrouilles de voisins vigilants, explique Myriam, qui habite Magenta, un quartier de Nouméa. Ma vie quotidienne se limite toujours à cinq rues et mes enfants n’ont pas le droit d’aller bien loin. C’est l’enfer pour tout le monde. »
« L’atmosphère a beaucoup changé, raconte Nathan, un père de famille qui dit avoir été témoin de propos racistes. Certains nous regardent d’un mauvais œil. J’entends des gens parler dans les allées et nous sommes surpris par ce qu’ils disent. « La confiance est briséereconnaît Kevin, infirmier à Nouméa. La confiance dans des institutions qui n’ont pas réussi à nous protéger et qui luttent pour maintenir le contrôle. La confiance entre les groupes ethniques… »
« Je vais quitter le pays. Je ne m’imagine plus ici. »
Kevin, infirmier vivant en Nouvelle-Calédonieà franceinfo
Revenir vivre en métropole : cette idée a finalement séduit un bon nombre de résidents, dont certains sont installés en Nouvelle-Calédonie depuis des décennies. « Après la frayeur, tout le monde est épuisé, tant psychologiquement que financièrement, résume un autre habitant. « La vie en commun a été quelque peu brisée. »
Début août, le ministre (résigné) Le ministre des Outre-mer est revenu en Nouvelle-Calédonie pour tenter d’apaiser la situation. « une situation d’urgence ». « Je viens ici avec une attitude d’écoute. La clé réside évidemment dans l’État mais aussi dans les interlocuteurs politiques locaux », expliquait alors en Nouvelle-Calédonie la 1ère Marie Guévenoux, tout en appelant à « Trouver les chemins vers un destin commun ».
Des négociations politiques qui n’avancent pas
Point de départ des manifestations et des violences, La réforme du dégel du corps électoral, qui vise à ouvrir les élections provinciales ou les référendums aux résidents installés depuis au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie, a été suspendue par Emmanuel Macron en juin, après la dissolution de l’Assemblée nationale. Quant au gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, dont le rôle se limite à la gestion des affaires courantes, il ne peut plus se saisir de ce dossier. Le chef de l’Etat espère toutefois toujours une reprise des discussions politiques en septembre. C’est en tout cas ce qu’il a promis aux quatre parlementaires calédoniens qu’il a reçus à l’Elysée fin juillet.
Avant de revenir à la table des négociations, les partis indépendantistes ont une exigence : le retrait définitif du texte. « La ligne qui est fixée reste la même, confirme à franceinfo un coordinateur duune Unité de coordination des actions sur le terrain (CCAT). Nous « Nous resterons mobilisés sur le terrain jusqu’à ce que les vicissitudes entourant le texte soient clairement levées par le Président de la République. A ce jour, nous comptons encore 70 points de blocage sur les bords des routes. » Pour commémorer la date du 13 mai et afin de maintenir la pression sur l’exécutif, le CCAT a décidé d’organiser des manifestations « tous les 13 de chaque mois ».
Une économie affaiblie
Les émeutes qui ont débuté à la mi-mai ont touché près de 800 entreprises. Ces dernières ont demandé le chômage partiel pour quelque 10 000 salariés spécifiquement liés à ces événements, Selon les estimations officielles publiées fin juin, la zone industrielle de Ducos, pôle économique de Nouméa et du « Caillou », a été touchée. Les restes des enseignes calcinées ne sont pas ne sont pas encore tous résolus.
« Pour le chômage partiel spécifique, les entreprises doivent pouvoir démontrer qu’elles ont eu un impact significatif lié aux exactions sur leur chiffre d’affaires, sur leurs résultats d’exploitation par exemple et donc qu’elles ont dû cesser leur activité ou qu’elles ne peuvent pas fonctionner normalement »explique à Nouvelle-Calédonie La 1ère, Philippe Martin, directeur de la Direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Au cœur de l’économie calédonienne, l’exploitation du nickel tousse elle aussi très fort. Le tourisme, deuxième activité de l’archipel, qui génère selon l’Agence France-Presse 5.000 emplois (quatre fois plus avec les emplois induits), est également à l’arrêt. « On ne voit pas d’avenir. On ne sait pas combien de temps cela va durer, quand cela va se terminer… En tout cas, l’économie est à terre. »notes à l’AFP Cyrille Cottica, skipper qui emmène habituellement des touristes à bord de son catamaran.
Selon un document consulté par l’AFP début juillet, la crise aurait coûté au moins 2,21 milliards d’euros : 1,2 milliard d’euros pour le secteur privé et un milliard pour les infrastructures publiques.
Pour faire face à la crise, l’archipel avait déjà bénéficié, début juillet, de plus de 250 millions d’euros d’aide de l’Etat. C’est plus de « le soutien financier que l’État verse chaque année aux collectivités de Nouvelle-Calédonie »Le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie souligne dans un communiqué. L’Etat a notamment mis en place un fonds de solidarité pour les entreprises, afin de compenser une partie de leur perte de chiffre d’affaires entre mai et juin. « Déjà près de 20 millions d’euros versés à plus de 4 200 TPE et PME »a assuré lundi le ministère, qui mentionne également que« Au 9 août, près de 15 300 demandes ont été déposées par des entreprises auprès de la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques)qui a déjà instruit plus des deux tiers d’entre eux et validé la moitié d’entre eux ».
L’Etat a également versé une avance remboursable de 100 millions d’euros au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Car les caisses se vident et la collectivité locale risque de ne plus pouvoir payer les fonctionnaires, les prestations sociales et les allocations chômage. Jeudi 8 août, le congrès de Nouvelle-Calédonie a finalement adopté des mesures d’urgence pour au moins assurer le paiement des pensions aux 6 000 fonctionnaires retraités du territoire.
Un couvre-feu à nouveau prolongé
Il est toujours interdit de sortir le soir, de 22 heures à 5 heures du matin. Le couvre-feu, qui devait prendre fin le 12 août, a finalement été à nouveau prolongé jusqu’au lundi 19 août au moins. Selon Nouvelle-Calédonie La 1ère, cette nouvelle date correspond au premier lundi après les vacances scolaires. L’interdiction de vente d’alcool et de transport d’armes reste également en vigueur.
Dans sa dernière mise à jour, publiée en ligne le 9 août, La Haute Commission a avancé le chiffre de 2 343 personnes ont été arrêtées depuis le début des violences en mai. Sur le terrain, « Les actions de sécurité se poursuivent »ainsi que le « opérations de déblaiement ». Environ 3.800 membres des forces de l’ordre sont actuellement présents en Nouvelle-Calédonie, a également indiqué le ministère de l’Intérieur à franceinfo.